La dernière saison de l’anthologie What If… n’aura pas manqué le rendez-vous de cette fin d’année 2024. Concluant certaines idées mises en place dans les précédentes saisons, cette ultime salve d’épisodes alterne une fois encore looners et épisodes «mythologiques» en faisant malheureusement preuve de moins d’énergie et d’originalité que par le passé. Pour autant, est ce que tout est à jeter ?
Marvel pouvait-il encore redresser la barre après une Saison 02 de What If... plutôt bancale ? On aurait aimé le croire tant le concept amené par une bonne première saison ne demandait qu’à se lâcher au fil des épisodes. Malheureusement, c’est tout le contraire qui s’est produit, la série n’étant jamais aidée par une animation de plus en plus dépassée. Cette Saison 03 porte les stigmates d’une absence de prise de risques qui, quand elle survient (Et si… Howard The Duck se mariait ?), nous offre un résultat oscillant entre classicisme et cringe. Bien que les scénaristes aient été piocher des idées à droite, à gauche, aucun épisode ne marque véritablement. L’un des meilleurs (Et si… Agatha avait conquis Hollywood ?) de cette saison marquant la rencontre entre l’âge d’or d’Hollywood et Bollywood s’avère par exemple rafraîchissant sans pour autant convaincre totalement, la faute à une réalisation ne parvenant jamais à concrétiser ses idées à cause de ladite animation. Même les épisodes reposant sur les concepts les plus geek (Et si… Hulk affrontait les Meca des Avengers ?) ne provoquent que des bâillements polis tant ils s’enferment d’eux-mêmes dans une impression de déjà-vu en citant des références dont ils n’arrivent jamais à atteindre le niveau.
L’autre écueil, qui était déjà présent en filigrane dans les deux précédentes saisons, vient de cette volonté de Marvel de corrompre le concept même d’anthologie en voulant à tout pris raconter une histoire en fil rouge plutôt que des épisodes se suffisant à eux mêmes. Se reposant une fois de plus sur le multivers dont la Maison des idées abuse depuis quelques années, cette Saison 03 tisse des liens entre plusieurs segments afin de nous conter l’histoire du Gardien qui outrepasse sa fonction première : observer. Si en soi, explorer ce personnage à travers une série comme What If… a du sens, cette prise de position minimise les possibilités offertes par une anthologie. Ceci se sera vérifié au fil des saisons d’autant que développer les origines d’entités cosmiques méritait bien plus que deux épisodes privilégiant l’action, certes convaincante mais au détriment d’un background qui ne demandait qu’à être bien plus développé.
- Episode 01 : Et si… Hulk affrontait les Meca des Avengers ?
- Durée : 28 minutes
S’inspirant des films de kaiju et des animes mettant en scène des robots géants, le premier épisode de la Saison 03 de What If… débute par un passage en 2D semblant laisser la porte ouverte à un peu plus d’originalité que les deux précédentes saisons sur le plan de l’animation. Malheureusement, tout ceci est balayé d’un claquement de doigts puisque très vite, la 3D vieillotte et totalement dépassée reprend ses droits. Au niveau de l’histoire, rien que du classique avec un Bruce Banner désirant se séparer de son encombrant colocataire en se bombardant à nouveau de rayons gamma au point de faire sortir toute la personnalité négative de Hulk en la matérialisant sous la forme d’un monstre du nom d’Apex. Grandissant à vue d’oeil et générant d’imposants rejetons, la clique de monstres va devoir affronter les Avengers ayant construit des mechas à leur image, parfaits pour les bastons homériques à venir. Enfin, du moins, c’est ce qu’aimerait l’épisode. Malheureusement, les affrontements sont mollassons, souffrent d’un creature design quelconque, et n’arrivent jamais au niveau de leurs références (Pacific Rim, Godzilla…). On ne ressent ainsi jamais l’impact des coups ou le gigantisme des kaijus puisque les rixes se passent pour la plupart dans une zone désertique, aux abords d’une ville. Se soldant par un dernier acte très convenu, cet épisode loupe au final à peu près tout ce qu’il entreprend.
- Episode 02 : Et si… Agatha avait conquis Hollywood ?
- Durée : 28 minutes
Plus que jamais avide de pouvoir, Agatha Hakrness entend bien s’approprier les pouvoirs du Céleste Tiamut, prisonnier des entrailles de la Terre. Pour ce faire, elle va se servir du cinéma à travers un film grandiose réalisé par Howard Stark, afin de faire venir l’Eternel Kingo pour lui voler son pouvoir, indispensable à son plan. Influencé par l’âge d’or d’Hollywood et les super-productions de Cécil B. Demille, l’épisode fait la part belle au monde du spectacle en allant lorgner du côté des comédies musicales à travers la rencontre d’Hollywood et son équivalent indien, Bollywood, lors d’une séquence de danse malheureusement massacrée par une animation des plus risibles. Toutefois, le scénario nous emporte grâce à son extravagance et ce jusque dans sa fin prônant un happy end aussi ambitieux que tout acquis au monde du showbiz.
- Episode 03 : Et si… Red Guardian arrêtait le Soldat de l’Hiver ?
- Durée : 30 minutes
Red Guardian a empêché l’assassinat d’Howard et Maria Stark par le Soldat de l’Hiver en 1991. Il va alors faire route avec ce dernier pour rentrer en Russie en tentant d’échapper aux autorités ainsi qu’à Bill Foster, alias Goliath. Dans la veine des buddy movies qui inondaient les écrans dans les années 80/90, l’épisode ne nous épargne rien en terme d’humour un peu lourdingue synonyme d’un Red Guardian n’arrêtant pas de jacter du début à la fin au point d’en devenir rapidement insupportable. Si l’épisode enchaîne également les séquences d’action (course poursuite et autres bastons contre le SWAT), rien de bien original ou du moins qui n’ait déjà été vu dans un précédent Marvel. De fait, l’attention baisse à mesure que le temps passe et ce n’est certainement pas le scénario totalement bateau (avec une trahison sans grande saveur) ou bien encore le plan le plus iconique des Avengers revisité qui nous feront changer d’avis.
- Episode 04 : Et si… Howard The Duck se mariait ?
- Durée : 29 minutes
Sans doute l’épisode le plus barré (et dérangeant ?) depuis le début de la série. Le tout met en scène Howard The Duck (qu’on pouvait apercevoir dans l’Episode 01 de la Saison 02) qui se marie avec Darcy Lewis suite à leur rencontre durant la mega fiesta organisée par Thor (Episode 07 de la Saison 01). S’en suit alors une gigantesque course-poursuite à travers l’espace entre le couple et les kidnappeurs de leur enfant, sous la forme d’un œuf (sigh). On déplorera ici un humour très « Marvelesque » manquant de subtilité et essayant de faire rentrer aux forceps le plus de personnages possible (Zeus, Loki, Le Grand Maître) pour, parfois, simplement amener une blague. L’épisode perd forcément de sa force à mesure qu’il avance malgré un concept de départ plutôt fun. Sans doute, y’avait-il matière à amener des situations plus variées ou délirantes grâce à Howard mais une fois de plus, Marvel se repose beaucoup trop sur ses figures connues afin de ne perdre personne en chemin.
- Episode 05 : Et si… L’Émergence avait détruit la Terre ?
- Durée : 30 minutes
Suite à l’Emergence (événement cosmique ayant vu naître le Céleste prisonnier de la Terre ainsi que la destruction de celle-ci), Quentin Beck (aka Mystério) a pris le pouvoir en manipulant Vision afin de contrôler le peuple. Riri Williams va s’opposer à lui en rejoignant l’Alliance, une faction rebelle aux côtés de Wong, Okoye, Valkyrie, et Ying Nan. Avec un contexte aussi imposant, on pouvait craindre que le tout soit complètement bâclé en l’espace de 30 minutes. Malheureusement, c’est exactement ce qui se passe. Le personnage de Beck n’est jamais défini autrement que lors d’une très courte introduction, celui de Vision est réduit à une simple arme afin d’amener la scène d’action de rigueur et au final, on retombe dans une intrigue lambda avec l’héroïne ayant perdu ses amis, qui, bien qu’en plein désarroi, trouvera malgré tout la force de se relever pour combattre à nouveau. Même le «rebondissement final» s’avère téléphoné d’autant que cette thématique avait déjà été survolée dans d’autres épisodes.
- Episode 06 : Et si… 1872 ?
- Durée : 30 minutes
Si on pouvait se douter que cet épisode, mettant en scène Shang Chi et Kate «Hawkeye» Bishop, se rapprocherait plus des Mystères de l’Ouest que de Warrior, en abordant jamais la condition des émigrés asiatiques sur le sol américain, force est de constater qu’il ne joue quasiment jamais sur ce décalage (autant dans les technologies que le scénario) pourtant promis par le concept même d’anthologie. On se retrouve alors face à un segment très classique entre l’enfant que Shang Chi prend sous son aile qui est destiné à devenir son successeur ou cette course effrénée pour retrouver la sœur du héros, prisonnière du mystérieux The Hood. Rien de bien palpitant hormis quelques plans travaillés et un combat final relativement bien chorégraphié mais jamais vraiment mis en valeur par la réalisation et l’animation.
- Episode 07 : Et si… Le Gardien avait disparu ?
- Durée : 25 minutes
Faisant suite au précédent épisode, cet avant dernier segment met en scène l’agent Carter aidée de Tornade, Byrdie (la fille de Howard et Darcy) et enfin Kahhori (vue dans la Saison 02). Ce quatuor va devoir voler au secours du Gardien, lui même en fâcheuse posture face à ses pairs. Pour réussir l’impossible, elles devront obtenir l’aide d’un ancien ennemi. Que dire si ce n’est que l’épisode ne se suffit pas à lui même puisqu’il ne sert que d’introduction à un diptyque qui aura la lourde tâche de conclure la saison et accessoirement la série. Bien qu’on ait plaisir à retrouver Carter, il est terriblement frustrant que l’épisode ne cherche pas une seule seconde à développer ses autres personnages. Si la Saison 02 n’avait déjà pas réussi à le faire avec Kahhori, cette Saison 03 ne s’embarrasse même pas de nous expliquer comment Tornade a obtenu Mjolnir ou ce qui s’est passé pour Byrdie depuis l’Episode 04.
- Episode 08 : Et si… Et si ?
- Durée : 32 minutes
Le dernier épisode conclut cette troisième saison de What If… sur une note un peu vaine. Le tout est un peu léger (dans ce qu’il raconte en laissant pas mal de frustration autour des Gardiens dont on ne sait finalement pas grand chose de plus) et on a le droit à une fin incroyablement convenue avec ce que ça implique de sacrifice. Il serait cependant hypocrite de ne pas saluer le spectacle qui est au rendez-vous avec un affrontement titanesque entre les trois Gardiens et l’équipe de Carter. En somme, l’épisode est aussi excitant que décevant en voulant coûte que coûte conclure un fil rouge qui aura un peu trop empiété sur la promesse initiale.





What If… aurait dû profiter de ce baroud d’honneur pour apporter encore plus de fraîcheur et d’excentricité à travers des scenarii faisant preuve de davantage de folie. A la place, nous n’avons finalement le droit qu’à une saison de plus, fatiguée et peinant à nous surprendre ou à nous charmer hormis le temps d’un ou deux épisodes. Plombée par une animation datée et trop occupée à entretenir, une fois encore, son multivers afin d’essayer d’accrocher certains wagons, la série loupe le coche et passe à côté de l’essentiel.