Ayant subi de nombreuses critiques dénonçant l’hyper sexualité de son héroïne, Stellar Blade reste encore aujourd’hui dans l’inconscient de beaucoup de personnes (n’ayant parfois même pas joué au titre) comme un jeu à destination d’adolescents un brin pervers. Et si c’était bien plus que ça ?
Etrange jeu que Stellar Blade à commencer par sa conception. Ce AAA Coréen est le fruit d’années de travail du studio Shift Up, créé en 2013 et qui jusqu’alors n’avait à son actif que trois jeux sortis sur mobile. Les voir arriver dans le vaste monde des open world avait donc de quoi étonner et la surprise n’en est que plus grande puisque oui, Stellar Blade est un jeu étonnant, imparfait mais témoignant de cinq longues années de développement, d’une connaissance du milieu très poussée et d’une envie de rendre hommage à quantité de films et autres jeux dont se nourrissent le scénario ou bien encore le gameplay.
En premier lieu, il convient toutefois de situer le titre à la croisée des chemins d’une production From Software et d’un jeu accessible à tous. Paradoxal sauf que Stellar Blade démontre à qui en doutait qu’on peut parfaitement proposer un titre à des publics diamétralement opposés en dosant parfaitement sa difficulté afin de créer du challenge basé sur un gameplay exigeant ou au contraire offrir une aventure beaucoup moins ardue mais tout aussi intense. C’est sans doute l’un des points les plus surprenants de Stellar Blade, rempli de moments épiques, même si vous avez simplement envie de profiter de l’histoire, bien que celle-ci soit somme toute classique.
UNE HISTOIRE DE CREATION
On y incarne Eve, Ange envoyé depuis une station orbitale par une certaine Matriarche sur une Terre exsangue qui a subi les affres d’une catastrophe dont on découvrira au fur et mesure les causes et conséquences. Eve est une androïde et son but va être d’éliminer les Naytibas, créatures peuplant la surface de la Terre qui sont à l’origine de ladite catastrophe. Flanquée de son compagnon de voyage, Adam, le duo sera vite rejoint par Lily, sorte de mécano surdouée qui customisera tout au long de l’aventure le corps d’Eve afin de la rendre plus puissante et, accessoirement, nous permettre d’améliorer notre équipement. Chemin faisant, le petit groupe se rendra vite compte que l’histoire qu’on leur a raconté cache une vraie part de mystère et beaucoup de faux semblants.
Jouant, jusque dans le choix des noms des protagonistes, sur la notion d’humanité et de création, Stellar Blade tente tant bien que mal de nous immerger dans un monde post apo lorgnant aussi bien du côté de Terminator que d’ExMachina sans pour autant en avoir la densité. En effet, si le scénario se laisse suivre, d’autant qu’il intègre quelques personnages hauts en couleurs (Raven, D1G-g2r ou bien encore le vieil ermite Orcal), il est dommage que les protagonistes manquent de profondeur et que la fin lorgne maladroitement vers un aspect biblique sur fond de guerre entre les créateurs et leurs créations.
Pour autant, l’histoire de Stellar Blade s’approprie une imagerie SF qui aide grandement à l’immersion, que ce soit via de gigantesques complexes militaires semblant issus d’un Resident Evil, un désert que n’aurait pas renié Mad Max ou bien encore une petite virée dans l’espace aussi courte qu’époustouflante dans son aspect hollywoodien ou ses excellents combats de boss, l’un des points névralgiques de cette aventure.
SOULS-LIKE OR NOT ?
Le terme Souls-like étant depuis quelques années utilisé un peu à tord et à travers, on peut légitimement se demander s’il convient bien à Stellar Blade d’autant qu’il peut faire peur à certains joueurs. Le jeu de Shift Up peut donc être vu comme un véritable Souls-Like mais sans cette dimension extrêmement punitive ou cette inaccessibilité aux joueurs les moins entraînés. Cela peut sembler paradoxal mais au final, tout est une question de dosage.
En premier lieu, si vous cherchez un véritable challenge, Stellar Blade est fait pour vous. En effet, vous pourrez au fur et à mesure de votre progression augmenter les caractéristiques d’Eve mais la prudence sera toujours au centre des affrontements, qu’il s’agisse de simples mobs ou des très nombreux boss émaillant l’aventure. Pour en venir à bout, il vous faudra non seulement choisir intelligemment les équipements avant chaque rencontre, en fonction de diverses caractéristiques et de vos préférences de jeu : davantage de vie, puissance des attaques spéciales, bouclier augmenté, fenêtre de parade plus grande, etc. Vous devrez également retenir les nombreux combos à disposition tout en alternant entre esquive et parade parfaite pour faire monter vos jauges respectives d’énergie Bêta et spontanée, elles aussi primordiales.
Ces dernières permettront notamment de faire davantage de dégâts aux ennemis. Si les techniques Bêta seront surtout là pour faire mal, les techniques spontanées pourront aussi étourdir les ennemis, boss compris. Et vu que ceux-ci vous mettront la pression, vous pourrez profiter de cette fenêtre pour vous soigner ou utiliser vos armes à distance. Missiles téléguidés, laser, mitraillette, fusil à pompe, il y aura de quoi varier les situations d’autant que vous pourrez aussi user de plusieurs types de mines (normale, sonique…) pour déstabiliser vos adversaires. Dans la pratique, si on abusera des armes à feu (d’autant que le switch se fait rapidement par un menu radial dédié), on laissera vite tomber les mines tant les dégâts produits s’avèrent faibles.
Shift Up a donc parfaitement appris sa leçon d’autant qu’il sera possible, après plusieurs contres parfaits, d’enchaîner avec une QTE afin de placer une attaque stylée et dévastatrice. Jouissif tout comme la possibilité d’arriver dans le dos des ennemis ne nous ayant pas vu pour les éliminer en un coup. Une idée nous faisant gagner un peu de temps surtout lorsque les combats commencent à nous peser. A ce sujet, comme dans tout bon Souls-Like, le fait de se reposer dans l’un des nombreux camps à activer vous permettra de récupérer toute votre santé mais fera également réapparaître les ennemis de la zone. A vous de voir ce qui est le plus judicieux en fonction de ce qui vous attend : combat de boss, séance de plates-formes ou exploration.
UNE EXPLORATION QUI A DU SENS
Il conviendra d’ailleurs de procéder avec méthodologie en explorant l’univers à disposition afin de récupérer les innombrables collectibles. Encore un open world truffé d’items me direz-vous. Oui, sauf qu’ici, on sent que le studio a cherché à tout imbriquer afin de légitimer cette recherche tout en récompensant vraiment le joueur via des ressources indispensables pour améliorer son équipement (injecteur pour utiliser plus ou moins de capsules de soins, augmentation de la puissance de son épée, portée du sonar d’Adam pour mieux visualiser les coffres), des éléments de lore pour apporter un peu plus de contexte aux événements passés ou bien encore les costumes, véritable parti pris esthétique du jeu mettant en valeur les formes d’Eve tout en faisant plaisir aux joueurs via des skins tous plus différents les uns que les autres.
De fait, si l’histoire nous fera voyager, vous pourrez manquer une très large partie de l’open world, surtout si vous passez à côté des innombrables quêtes annexes, certaines étant liées à des vendeurs dont le niveau d’affinité permettra d’accéder à plus d’objets. Bien que le titre soit découpé en sept régions (qu’il sera possible de revisiter à loisir), terminer le jeu en ligne droite occultera complètement l’aspect ouvert de l’aventure. Néanmoins, là où un jeu comme Star Wars : Jedi Survivor se perdait dans ses zones ouvertes sans grand intérêt, Stellar Blade négocie beaucoup mieux la chose, déjà par le fait que cette chasse aux matériaux soit cruciale pour avoir un bon équipement mais aussi à travers ses affrontements lambda faisant monter notre jauge de SP, indispensables pour débloquer les 96 compétences réparties en cinq arbres distincts.
Vous comprendrez alors très vite qu’il vaudra mieux progresser en prenant son temps surtout si vous jouez dans les plus hauts niveaux de difficulté. Afin de rendre l’expérience plus agréable, les développeurs coréens ont ici aussi pensé à quantité de petits détails, anodins mais faisant toute la différence. Dans les zones ouvertes, Eve se déplacera par exemple plus rapidement, elle pourra en outre utiliser plusieurs points de téléportation pour gagner du temps. Les coffres les plus importants seront également synonymes de mini-jeux évoluant au fil de la progression. Ça n’a l’air de rien mais cette idée reste suffisamment rare pour être signalée. Ensuite, plusieurs quêtes secondaires vous mèneront dans des endroits cachés parfois somptueux ou recelant des boss cachés (la plupart du temps des versions plus puissantes de créatures déjà rencontrées). On citera aussi un jeu de pêche simple mais addictif ou des séquences de glisse semblant issues d’un mixe improbable entre Journey et Vanquish.
Néanmoins, on pointera du doigt l’aspect plates-formes souvent agaçant à cause de certains sauts, simples en apparence mais bêtement frustrants à cause de l’inertie du personnage et de la pression exercée sur le bouton pour sauter plus ou moins loin. Un écueil minime au vue du plaisir qu’on prend à visiter les zones d’autant que la bande-son éclectique remplie parfaitement son office avec ses morceaux très chill, ses compositions plus épiques et ses chansons pop appuyant parfaitement chaque révélation, affrontement ou pérégrination.
LE CULTE DE LA BEAUTE
Alors que Shift Up est revenu sur les polémiques autour de l’hyper sexualisation de son héroïne sous couvert de différences culturelles, le tout prête toutefois à sourire d’un point de vue diégétique surtout lorsqu’on évoque un personnage censé sauver l’humanité. Jamais, depuis Bayonetta, on avait vu androïde aussi soucieuse de son image et sa plastique, aussi poseuse et létale. Au-delà de ce constat, difficile de ne pas louer l’aspect visuel d’ensemble puisque le studio n’a, ici aussi, rien laissé au hasard.
Bien que les environnements soient assez classiques, ils impressionnent souvent par le gigantisme qu’ils dégagent. On mentionnera également des atmosphères variées, horrifiques ou a contrario, beaucoup plus zen, comme au détour de ce magnifique combat de boss se déroulant dans un patio accueillant des cerisiers en fleurs et une arène circulaire délimitée par une goulotte aquatique remplie de carpes Koï.
Les combats sont aussi un terreau fertile pour une multitude d’attaques puissantes, gracieuses et extrêmement stylées. Voir Eve se battre reviendra à assister à une véritable ballet tant les effets accompagnants les esquives et les parades parfaites complètent harmonieusement le reste de la mise en scène voguant entre quelques (rares) QTE, des cinématiques dynamisant les duels, des explosions d’énergie sans oublier les enchaînements aussi fluides que dévastateurs.
Il convient aussi de louer le bestiaire extrêmement varié, riche d’une soixantaine de créatures, lui aussi parfois inspiré par de grands classiques du jeu vidéo (Final Fantasy, Resident Evil), de la japanime et de la science-fiction avec ces monstres mélangeant chair et métal en renvoyant à des univers cyberpunk ou parfois plus baroques.
Les développeurs ont également eu à cœur de soigner les menus, en privilégiant l’épure afin de rendre le tout fonctionnel et agréable à l’œil. Une anecdote supplémentaire pour louer le sens du détail du jeune studio.
VERS L’INFINI ET AU DELA
Shitf Up a également pensé à un contenu post game plutôt conséquent. Déjà, si vous comptez terminer le titre à 100% (en voyant les trois fins disponibles, en complétant l’intégralité des arbres de compétences, en ayant tous les collectibles et en remplissant le bestiaire), il vous faudra environ 80h en mode Histoire ou Normal (bien plus en Difficile). Une fois ceci fait, vous pourrez vous frotter au Boss Challenge en affrontant tous les boss du jeu pour obtenir deux costumes supplémentaires. Enfin, le New Game+ rajoutera de nouvelles attaques et divers costumes. Notez à ce sujet, qu’un DLC payant vous demandera de récupérer des Larmes stellaires afin d’acheter ici aussi des costumes/lunettes/coupes de cheveux ainsi que des apparences en rapport à l’univers de Nier Automata pour Adam et Lily. Le contenu de Stellar Blade est donc très fourni et si vous appréciez son univers, vous aurez largement de quoi vous satisfaire.
Tout en démontrant un vrai savoir-faire, les coréens de Shift Up ont injecté toute leur passion dans ce premier AAA, imparfait sur divers points (ses personnages, son scénario, son aspect plates-formes) mais impressionnant dans sa globalité. Très plaisant à jouer, à découvrir et à maîtriser, Stellar Blade n’a nullement à rougir face à ses modèles et porte bien haut les standards de qualité d’un studio qu’on suivra avec intérêt dans les années à venir.





Etonnant jeu que ce Stellar Blade qui a parfaitement su tirer partie de ses très nombreux modèles pour proposer une aventure extrêmement riche, accessible et difficile à la fois. Véritable melting-pot sous influence geek, le titre cite aussi bien les classiques du jeu vidéo que du cinéma en proposant un univers cohérent, spectaculaire et très fun à découvrir. On notera bien quelques ajustements à faire pour leurs prochaines prod mais en l’état, Shift Up peut regarder ses concurrents droit dans les yeux car un nouvel acteur du jeu vidéo a bel et bien émergé grâce à cette superproduction made in Corée.