Tomb Raider I-II-III Remastered : Le culte entre deux chaises

Spécialisé depuis de nombreuses années dans les portages et autres remasters, Aspyr semblait être le candidat logique pour redonner du peps aux premières aventures de Lara Croft. Bien que la société américaine n’ait pas toujours brillé par la qualité de ses adaptations, les premiers visuels de Tomb Raider I-II-III Remastered témoignaient d’un joli travail graphique à même d’attirer les curieux qui ne connaîtraient la licence qu’à travers les opus plus récents. Malheureusement, cette compilation est loin de remplir totalement son office dès lors qu’on s’y intéresse de plus près.

Tomb Raider est un jeu culte, de ceux qui ont durablement marqué les joueurs qui s’y sont essayé sans parler de son impact sur l’industrie. Sans lui, nous n’aurions sans doute jamais eu d’Uncharted qui, ironiquement, prendra la place de leader à tel point que Tomb Raider lui-même s’en inspirera des années après. Mais ceci est une autre histoire. A la fin des années 90, quand sort le premier Tomb Raider sur PlayStation, l’enchantement est là. Oui, la belle avance avec la grâce d’un 38 tonnes mais la proposition est dépaysante : un exotisme à toute épreuve, de vastes niveaux nécessitant de l’observation pour les traverser, des énigmes parfois retorses, de l’action… et un tyrannosaure ! Comment refuser pareille invitation ? Mais ça, c’était en 1996 et si les deux épisodes suivants amélioreront la formule (en y ajoutant des véhicules, des armes et davantage de polygones pour Lara), y jouer en 2024 est un peu plus compliqué.

Les jeux ont effet évolué, leur maniabilité également et ce qui était acceptable il y a 28 ans ne l’est plus vraiment aujourd’hui. Conscient de cet état de faits, Aspyr a ainsi ajouté un gameplay moderne inspiré de celui des titres de la première trilogie de Crystal Dynamics. Intéressant sauf que dans les faits, c’est difficilement jouable puisque le tout n’est absolument pas adapté au level design de l’époque construit par blocs et nécessitant donc une certaine gymnastique pour enchaîner les sauts. En somme deux solutions s’offrent à nous : tenter de maîtriser le gameplay moderne ou revenir au gameplay d’origine en optant qui plus est, durant les moments les plus délicats, pour la croix de direction afin de diriger Lara, les sticks s’avérant trop sensibles.

Certes, la possibilité de sauvegarder à tout moment sera d’une grande aide mais la frustration reste présente malgré un lifting graphique très agréable (tous les modèles 3D ont été refaits, les éclairages sont améliorés bien que parfois un peu sombres) et la possibilité de pouvoir switcher d’une simple touche entre visuel d’époque et moderne. D’ailleurs, vous devrez parfois le faire pour dénicher certains objets, plus visibles avec les graphismes originaux qu’avec ceux repimpés. Précisons cependant que depuis la sortie, le tout a été patché avec des points d’interaction plus voyants. Encore faudra-il être suffisamment prêt de l’objet recherché (parfois indispensable pour progresser) afin de les repérer.

Au rayon, des petites nouveautés, on notera également un mode photo, assez limité dans ses options mais pouvant servir à se balader entièrement dans les niveaux pour y dénicher certains secrets. Citons également une pléthore de Trophées/Succès (269 pour être exact) qui ne masquent en rien une certaine paresse de la part du développeur. En effet, outre les problèmes émis plus haut, on pourra citer, de façon plus anecdotique, des traductions hasardeuses (choix entre Contrôles Modernes et Contrôles du Char… pardon ?, «Faire une roulade» pour choisir l’inclinaison de la caméra du mode Photo…), la façon d’accéder audit mode Photo jamais expliqué (L3 + R3 sur PlayStation), les soucis de caméra laissés en l’état ou bien encore les cinématiques d’époque en SD. Ce dernier point est malheureusement assez fréquent pour ce type de production même si avec l’aide de l’IA, il eut été simple d’avoir des vidéos en UHD. Dommage.

Difficile donc d’émettre un avis tranché sur ce remaster puisqu’en parallèle des critiques émises, le contenu proposé est conséquent : Tomb Raider, Tomb Raider II, Tomb Raider III, chacun proposant un DLC jamais sorti sur consoles. La bonne pioche même si en y (re)jouant, on constatera que les développeurs de l’époque en voulaient à priori aux joueurs tant la difficulté de ces derniers est parfois rebutante. Si on ne reviendra pas sur Tomb Raider III, sans doute l’opus le plus difficile de la saga, citons par exemple le DLC de Tomb Raider II, Le Masque d’Or, qui à peine après avoir largué Lara dans une eau glaciale infestée de requins la confrontera à un jaguar des neiges et deux pièges mortels en l’espace de moins de deux minutes.

Pour autant, la nostalgie nous incite à nous accrocher car il est tout de même plaisant de retourner des années en arrière, lorsque la saga était davantage tournée vers l’exploration que l’action, avec ces pièges à déjouer, ces jungles à écumer, ces temples à explorer et ce dans une ambiance sonore privilégiant les silences, les bruits d’ambiance épaulés par les discrètes mais très belles partitions de Nathan McCree. Tomb Raider II & III délaisseront quelque peu cette atmosphère pour nous faire voyager à Venise ou au Nevada mais ces suites conserveront cet aspect fantastique, inspiré des Indiana Jones, qui nous fera affronter momies, dragons et autres créatures cauchemardesques.

En somme, Tomb Raider I-II-III Remastered est une compilation nimbée d’une aura toute particulière tant les trois jeux ici présents ont marqué la génération PlayStation. A l’inverse, on regrettera qu’ Aspyr n’ait produit que le minimum syndical en privilégiant la forme au détriment de son gameplay qui aurait sacrément eu besoin d’un gros coup de polish à l’image de ce qu’avait su faire le superbe, bien qu’incomplet, fan remake de Tomb Raider II par le français Nicobass, sous Unreal Engine 4. On devra donc s’en contenter même si il y avait sans doute plus belle façon de rendre hommage à l’icône qu’est Lara Croft.

Malgré l’amour porté à la saga et le lifting graphique, difficile de ne pas pointer du doigt les nombreux défauts (actuels et d’époque) de ce remaster ou bien encore la paresse d’Aspyr n’ayant pas pris soin de proposer une alternative convenable au gameplay de 96 ou bien encore d’y ajouter quelques bonus. D’un côté, on retrouvera pourtant avec plaisir cette ambiance si particulière où l’aventure primait sur l’action mais de l’autre on soupirera en tentant de dompter le gameplay moderne ou en essayant de retrouver ses marques avec l’ancien. Pour les moins patients, mieux vaudra se tourner vers Tomb Raider: Anniversary, remake qui avait su prendre le meilleur de l’original en l’adaptant aux standards actuels.

Yannick Le Fur

Yannick Le Fur

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