THEM S02 : C’est la peur qui mène le jeu ?

Difficile de passer après la Saison 01 de THEM, Covenant, tant celle-ci brillait à tous les niveaux en associant l’horreur pure à la dénonciation raciale gangrenant la société américaine. La Saison 02, The Scare, conserve bien entendu cette rage, ce besoin de pointer du doigt ces travers s’insinuant jusque dans les plus hautes institutions. C’est donc tout naturellement qu’on retrouve au centre de l’intrigue une galerie de personnages afro-américains avec leurs convictions, leurs forces mais aussi leurs faiblesses et névroses, terreau fertile pour un Mal qui ne va pas tarder à émerger.

1991, Los Angeles. L’inspectrice de la Criminelle Dawn Reeve (Deborah Ayorinde, déjà présente dans Covenant), est chargée d’une nouvelle affaire suite au meurtre particulièrement étrange d’une mère de famille retrouvée sous son évier, le visage figé d’effroi et les membres pliés. Alors qu’elle débute son enquête, elle ne va pas tarder à affronter quelque chose de bien plus malveillant au risque de mettre en danger sa famille.

Se situant principalement dans les quartiers défavorisés de L.A., The Scare pose les bases d’une histoire oscillant constamment entre l’horreur pure et le message sociétal à travers des policiers blancs toujours promptes à afficher leur haine vis à vis des Noirs. Si le tout était parfaitement amené dans la S01, cet état de faits passe légèrement moins bien dans The Scare. En effet, si ces problèmes sont encore bel et bien présents aujourd’hui aux Etats Unis où les agressions sont courantes, il y a une sorte de manichéisme dans cette S02 voulant qu’aucun personnage blanc (sorti du Lieutenant Schiff qui ira malgré tout jusqu’à douter de Reeve) ne mérite notre confiance. Difficile de vraiment critiquer le showrunner Little Marvin mais ceci nuit quelque peu à l’intrigue surtout lorsque Reeve fait équipe avec Ronald McKinney (Jerermy Robb), inspecteur portant ses «valeurs» aussi bien à travers ses paroles que ses actes. Même son de cloches avec le détective Joaquin Diaz (Carlito Olivero), contre poids de McKinney qu’on sent rapidement dévolu à un rôle bien précis.

Afin d’accompagner l’enquête de Reeve, The Scare revient à intervalle régulier sur la cellule familiale de l’inspectrice et l’histoire d’Edmund Gaines, apprenti acteur rêvant de gloire mais lui aussi en proie à des troubles de la personnalité lui rendant la vie, professionnelle comme personnelle, des plus complexes. Parfaitement interprété par Luke James, qui parvient à nuancer son jeu pour rendre son personnage à la fois tragique et flippant, Edmund demeure un personnage central, sorte de Joker officiant dans un monde qui n’est pas fait pour lui mais qu’il compte malgré tout conquérir en interprétant ce rôle de tueur en série promis par la réceptionniste de l’agence de casting avec qui il se lie d’amitié. Si James offre au personnage une vraie profondeur, il est dommage, et frustrant, de comprendre très rapidement vers quoi veut nous emmener la série. The Scare doit malheureusement composer avec une intrigue trop évidente pour qui est coutumier des genres du thriller ou de l’horreur. Cela n’enlève toutefois pas le plaisir de la découverte d’autant que la saison, outre ses qualités visuelles évoquant par moment un mixe de Seven et The Wire, a l’intelligence de ne pas perdre de temps en n’étirant jamais son intrigue adaptée à des épisodes d’une trentaine de minutes.

Pourtant, il est difficile de ne pas comparer avec Covenant qui offrait une place de choix dans l’intrigue à chacun de ses protagonistes. Ici, c’est moins le cas et si Reeve et Edmund tiennent logiquement le haut du pavé, les autres personnages s’avèrent plus secondaires, d’Athena (Pam Grier) en passant par Kelvin (Joshua J. Williams) qui manquent de profondeur. De plus, comme je le précisais, The Scare met à nouveau en avant un schisme racial qui avait toute légitimité dans Covenant puisque le scénario s’en nourrissait tout du long pour expliquer l’état d’esprit de la famille. Dans The Scare, cette façon de faire semble plus bancale en ne servant pas vraiment l’histoire de Reeve à l’exception de quelques passages (la filature de McKinney) qui ne sont pas vraiment utiles et qui au final ne débouchent sur rien de concret. Certes, ce postulat servira de déclencheur dans le dernier acte mais The Scare aurait sans doute pu se focaliser davantage sur son intrigue principale tout en s’attardant sur la condition des Afro-américains vivant dans les quartiers les plus pauvres de la ville.

Au-delà de ce constat, cette Saison 02 profite malgré tout d’une ambiance poisseuse mise en exergue par une photo privilégiant les ambiances ocres étouffantes. Ménageant ses effets de style (il y a encore une fois très peu voire aucun jump scare), elle parvient malgré tout à créer le malaise de façon intelligente, à travers un simple travelling durant un dîner de famille, une ellipse jour/nuit ou un interrogatoire durant lequel un personnage répond aux flics en regardant directement la caméra et donc en prenant à partie le spectateur. Intégrant subtilement quelques clins au cinéma d’horreur des années 80/90, cette saison reste aussi engagée que Covenant en mélangeant à nouveau histoire et Fantastique. L’ensemble reste souvent efficace, grâce à son boogeyman (moins viscéral cependant que celui de Covenant) ou la prestation de ces deux acteurs centraux même si on pourra toutefois déplorer l’aspect un peu trop émotif de Reeve à certains moments. Finalement, le principal défaut de The Scare est de ne pouvoir supporter la comparaison avec Covenant puisqu’au-delà de ses défauts, cette nouvelle saison de l’anthologie trouve encore un bel équilibre entre horreur et sous-texte social.

Marchant dans les traces de Covenant, The Scare ne réussit pourtant pas aussi bien que son aîné. Moins viscérale, choquante et sans doute trop prévisible, cette deuxième saison de Them parvient cependant à créer le malaise tout en pointant cette fois du doigt la police américaine souvent critiquée pour ses actes de violence vis à vis des minorités noires. L’exercice fonctionne, passionne même par moments mais ne semble pas toujours savoir quoi faire de son matériau ni même de ses personnages. Un entre-deux légèrement décevant après l’excellence de Covenant malgré un casting impliqué, une belle photo et un sous-texte toujours aussi engagé.

Yannick Le Fur

Yannick Le Fur

À lire aussi...