The Dark Pictures Anthology – House of Ashes : Un épisode qui prend la poussière

Avec le troisième épisode de son anthologie horrifique, Supermassive Games régurgite une nouvelle fois plusieurs classiques de l’horreur en installant son intrigue en Irak. Plus anxiogène, plus homogène également dans les lieux traversés, House of Ashes s’imprègne de The Descent, L’Exorciste et des Montagnes Hallucinées pour un récit se voulant plus rythmé grâce à son escouade de bidasses aux prises avec des entités maléfiques. Malheureusement, une fois de plus, le résultat s’avère des plus décevants en réussissant à ne satisfaire sur aucun des tableaux, jeu vidéo comme film interactif.

Grâce à des données obtenues par ses satellites, l’Armée américaine pense avoir localisé un dépôt souterrain abritant les armes du régime baasiste dans les montagnes de Zagros en Irak. Elle dépêche alors sur place une escouade de marines menée par le lieutenant-colonel Eric King, sa femme Rachel, agent de la CIA, le sergent Nick Kay, le premier lieutenant Jason Kolchek ainsi que le caporal Nathan Merwin. Après avoir investi les lieux et débuté une série d’interrogatoires, l’équipe tombe dans une embuscade dirigée par la Garde républicaine irakienne. En plein combat, le sol s’ouvre, précipitant les militaires dans des grottes souterraines aux abords d’un temple sumérien. Le cauchemar ne fait alors que commencer… Dans tous les sens du terme.

N’y allons pas par quatre chemins, House of Ashes rate peu ou prou tout ce qu’il entreprend en semblant constamment mettre à côté lorsqu’il veut faire peur, créer des connexions entre le joueur et les personnages ou en rendant hommage à plusieurs classiques de l’horreur. Pire, alors que les précédents volets pouvaient, dans une certaine mesure, tenir le joueur éveillé grâce à des histoires se déroulant dans différents lieux et/ou époques, ce volet s’enferme dans une longue, très longue escapade alternant tunnels et vastes salles en ruines jusqu’à un final se voulant Lovecraftien mais ne réussissant au final qu’à tomber dans une science-fiction jamais vraiment mise à profit pour connecter l’ancien et le contemporain. Navrant tout comme cette introduction se déroulant il y a 4000 ans en Mésopotamie et ne servant finalement à rien si ce n’est à présenter prestement (en vue subjective à la manière du Predator) les créatures qu’on affrontera par la suite ainsi qu’un esclave faussement important qu’on intégrera plus tard au récit de façon factice et inutile.

C’est d’ailleurs ce qui fait le plus défaut à cet opus : de bons personnages sur lesquels l’histoire aurait pu se reposer. Malheureusement, Supermassive Games nous montre une fois encore son incapacité à donner de la profondeur à ses acteurs virtuels. On devra à nouveau se contenter de personnages caricaturaux (l’escouade de marines clichée au possible aussi bien dans leurs looks que leurs personnalités) ou au contraire effacés à l’image d’une Rachel King au regard bovin et de Salim, membre de l’armée irakienne qui aurait sans doute pu tirer son épingle du jeu si son écriture avait été plus subtile. En effet, passé un court moment dans l’intimité de son foyer afin de mettre en avant sa relation avec son fils, les scénaristes ne développent jamais cette histoire en préférant se concentrer sur ses rapports avec les marines avec qui il devra s’allier (ou non) pour combattre une menace commune. Même son de cloches concernant le triangle amoureux Eric/Nick/Rachel, central (pour certaines versions de l’histoire) mais passablement inintéressant et ici aussi traité de manière très classique.

Bien entendu, à l’instar des précédents volets, il vous faudra plusieurs runs pour profiter des différentes fins du jeu ou débloquer l’ensemble des collectibles, cet aspect étant autant un atout (prolongeant la durée de vie) qu’un énorme défaut puisqu’accentuant l’aspect redondant de l’ensemble et le fait qu’on puisse passer à côté de certains éléments scénaristiques plus ou moins importants en ayant raté une QTE ou pris une mauvaise décision. Il conviendra également de faire l’aventure en anglais, la version française recelant quelques coquilles (doublage comme sous-titres) rendant certaines séquences involontairement drôles à l’image de celle où Rachel avoue à Rick qu’elle voit quelqu’un d’autre. De plus, entre un mixage audio rendant parfois certains dialogues inaudibles, quelques bugs (nous demandant de relancer le jeu) et un gameplay globalement pataud (avec cette impossibilité de courir ou l’obligation de montrer les escaliers à deux à l’heure), on aura bien du mal à rentrer pleinement dans l’histoire. D’autant plus vrai que cette dernière semble tout le temps griller ses cartouches en ne laissant jamais s’insinuer l’horreur ou le moindre doute sur ce qui va se dérouler quelques minutes plus tard.

La formule Supermassive Games semble donc de plus en plus prisonnière de ses errances techniques (animations rigides, effet uncanny valley toujours présent concernant plusieurs expressions, scènes de jour peu efficaces), de sa construction se reposant trop sur ses multiples fins ou bien encore d’une écriture n’arrivant jamais à réutiliser ses références pour alimenter son récit autrement qu’à travers des scènes reprises à l’identique ou des clins d’oeil un peu poussifs. Les développeurs anglais ont pourtant intégré quelques nouveautés (à l’image du récit de l’explorateur Randolph Hodgson sous forme de vidéos d’époque) pour dynamiser leur histoire, soigné quelques plans (grâce à de beaux effets de lumière) ainsi que leur creature design (sans pour autant toujours mettre dans le mille) mais ce n’est malheureusement pas suffisant pour offrir à cet House of Ashes un intérêt digne de ce nom.

Malgré un contexte plus anxiogène qui aurait pu donner quelque chose de vraiment effrayant entre de bonnes mains, House of Ashes s’avère être le plus mauvais épisode de l’anthologie. Ecrit en dépit du bon sens, affichant des personnages clichés au possible, souffrant d’un rythme arthritique synonyme d’exploration fastidieuse, cet opus enchaîne les séquences identiques d’un bout à l’autre de l’aventure, s’avère involontairement drôle à cause de dialogues tombant très souvent à plat ou d’un aspect uncanny valley et ne parvient pas à susciter de vrais moments de tension malgré ses illustres références, de The Descent aux Montagnes Hallucinées de Lovecraft. Un nouveau coup d’épée dans l’eau pour le studio anglais qui devra sérieusement se reprendre pour son Season Finale.

Yannick Le Fur

Yannick Le Fur

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