Star Wars : Les Derniers Jedi contre-attaquent

Après un Réveil de la Force avant tout destiné à rassurer les fans après le rachat de LucasFilms par Disney, Les Derniers Jedi se devait d’aller plus loin en dépassant le côté fan service du film de J.J. Abrams. Pour autant, si l’Episode VII avait contre lui plusieurs défauts, il n’en restait pas moins qu’il avait aussi la lourde tâche de présenter les nouveaux personnages de cette trilogie en les confrontant aux anciens afin de faciliter le travail de sa suite. Partant de ce postulat, Les Derniers Jedi avait pour lui un terreau fertile à même de faire germer les graines d’une nouvelle Rébellion dont la tâche consiste toujours à enterrer le Premier Ordre.

C’est dans ce contexte que nous arrive Les Derniers Jedi, écrit et réalisé par Rian Johnson, honnête artisan n’ayant pourtant qu’à son actif le sympathique Looper et quelques épisodes de Breaking Bad. Pari osé quand on songe à l’importance de l’entreprise bien que similaire à celle de la première trilogie, lorsque Lucas avait confié les rênes de L’Empire Contre-Attaque et Le Retour du Jedi à Irvin Kershner et Richard Marquand. Lourde responsabilité pour Johnson devant à la fois capitaliser sur le travail d’Abrams tout en faisant avancer l’histoire pour amener le troisième opus de la saga. Pour se faire, le réalisateur s’appuie tout d’abord, et de manière constante, sur la construction de L’Empire Contre-Attaque. Si il évite partiellement le piège dans lequel s’était engouffré Abrams en saupoudrant à foison (souvent de manière maladroite) son long-métrage de clins d’oeil, il reste cantonné à une construction connue ayant, certes, fait ses preuves, mais minimisant par là-même l’effet de surprise. Pourtant, ce qui aurait finalement pu être une véritable faiblesse devient par certains côtés l’une de ses forces.

En effet, plutôt que de s’affranchir de l’héritage de la saga en terme de mise en scène, Johnson utilise au mieux la construction du film de Kershner en imposant un style sobre quoique très élégant et efficace tout en tissant des relations plus fortes entre les personnages de la nouvelle trilogie. Bien que l’équilibre soit efficace malgré la durée de 2h30, il est cependant regrettable que Rian Johnson ait autant concentré son récit sur Rey (cherchant le savoir auprès de Luke) et Kylo Ren, bien mieux loti que dans Le Réveil de la Force. Si ceci est compréhensible, dans le sens où les deux protagonistes restent plus que jamais les figures de proue de cette nouvelle trilogie, cela se fait au détriment des personnages secondaires. Ceci se ressent nettement à travers Finn, dont l’importance est inversement proportionnelle à son temps de présence à l’écran.

Même son de cloches pour Poe Dameron, plus que jamais présenté comme un baroudeur censé prendre la suite d’un Han Solo. Si chacun d’entre eux a bien entendu son moment de bravoure, il est malheureux que Les Derniers Jedi n’ait pas davantage cherché à creuser ses personnages pour renforcer les liens les unissant. Sur ce dernier point, on ne pourra également qu’être déçu par l’intégration maladroite de Rose Tico dont la relation avec Finn semble aussi artificielle que la présence des Porgs, mascotte de cet épisode mais renvoyant surtout à un merchandising parfois intégré au forceps. Et quitte à enfoncer le clou, que dire de Chewie, vestige d’une époque empreinte de nostalgie mais dont le rôle ne dépasse pas celui de nounou servant surtout à amener ce genre de produit très gênant.

Au-delà de ses critiques, Les Derniers Jedi conserve une dimension épique que nous n’avions pas connu depuis L’Empire Contre-Attaque. Ceci tient en partie à l’évolution de ses deux figures principales dont le traitement s’avère particulièrement intéressant. Alors que Rey n’aurait pu être qu’un stéréotype de femme forte, son écriture, beaucoup plus subtile et d’actualité, offre à l’actrice Daisy Ridley l’occasion d’étoffer son jeu. Doutant de ses pouvoirs, des choix qu’elle doit faire, elle se montre tour à tour proie et chasseur. De l’autre côté du miroir déformant, Kylo Ren sort enfin de l’ombre de Dark Vador en étant plus que jamais déterminé à faire table rase du passé pour aller de l’avant. Magnifié par un visuel époustouflant, les décisions de l’apprenti de Snoke seront bien entendu synonymes de batailles spatiales homériques ou de duels peu nombreux mais nous rappelant malgré tout que Star Wars trouve ses racines dans le film de chevalerie et le conte de fées qui prend ici une noirceur très appréciable.

Néanmoins, l’espoir n’en demeure pas moins le moteur de l’intrigue. Malgré l’importance du récit, Rian Johnson ne perd jamais une occasion de distiller des traits d’humour, jamais intrusifs et souvent bien trouvés. De l’auto-dérision concernant la forme de certains vaisseaux en passant par BB-9E, le Némesis de BB8, ces moments de légèreté sont les bienvenues.

En parallèle, le film explore avec une jubilation certaine l’univers de George Lucas via de somptueux décors, un impressionnant défilé de créatures ou bien encore une mise en scène renforcée par un sound design de qualité décuplant la beauté ainsi que la puissance évocatrice de certains plans.

Les Derniers Jedi réussit là où Le Réveil de la Force avait échoué en offrant à ses personnages centraux une personnalité plus marquée et un but mieux défini. Bien qu’on déplore certaines idées, utiles d’un point de vue scénaristique mais discutables d’un point de vue mythologique, l’énergie déployée par Rian Johnson pour creuser et affiner ce qui avait été survolé dans Le Réveil de la Force est sans doute la plus grande réussite du long-métrage au delà de son visuel éblouissant et de la bande son de John Williams toujours aussi vaillant du haut de ses 85 ans.

Yannick Le Fur

Yannick Le Fur

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