Deux ans après nous avoir agréablement surpris avec Fallen Order, Respawn Entertainement retourne dans une galaxie lointaine, très lointaine, pour nous narrer la suite des aventures de son Jedi qui a depuis pris de l’assurance tout en gagnant en Force. Séquelle calquée sur son modèle, Jedi Survivor n’entend pas révolutionner la formule établie, simplement l’améliorer, ce qui en soit n’est déjà pas une mince affaire.
D’apprenti Jedi, Cal Kestis est devenu un fier guerrier, plus conscient des enjeux gravitant autour de lui et toujours prêt à se battre pour aider les siens. C’est donc un héros plus affirmé qu’on retrouve dans Jedi Survivor, autant dans ses aptitudes (transparaissant dans le gameplay) que sa personnalité. Si le premier aspect reste central puisque nous accompagnant tout au long du jeu, le second l’est tout autant puisque moteur de notre progression. Malheureusement, sur ce point, il y avait sans doute mieux à faire pour casser un certain classicisme.
Bigger and better ?
La première chose qu’on remarque dans Star Wars Jedi : Survivor est sa volonté assumée de proposer davantage que son aîné et ce à tous les niveaux : plus d’options de customisation pour notre sabre (cette fois composé d’un nombre bien plus élevé de sections), BD-1, le look de Cal Kestis, plus de postures de combat, un aspect plates-formes bien plus soutenu et si on déplorera un nombre de planètes visitables en légère baisse (de sept, on passe à six avec deux dernières tenant plus de «simples décors» servant à l’épilogue), deux d’entre-elles profitent d’une construction semi-ouverte incitant à l’exploration. L’un dans l’autre, on pourrait n’y voir que du positif sauf que ce n’est pas nécessairement le cas.
Avant toute chose, les planètes de Survivor restent moins marquées (dans leurs biomes, leurs teintes) que celles de Fallen Order. Bien qu’on débute sur l’iconique Coruscant, on s’envolera par la suite vers des destinations ayant de la peine à tenir la comparaison avec Dathomir, Kashyyyk, Bogano ou Ilum. Pourtant, en parallèle de la quête principale qui nous fera voyager de l’une à l’autre, Respawn a intégré une dimension bien plus ouverte sur Koboh et Jedha. Il est important de s’attarder sur ce point puisqu’il synthétise à mon sens l’un des défauts du titre.
Ainsi, au delà de l’envie de s’accaparer un genre (l’open world) qui prend de plus en plus d’ampleur depuis plusieurs années, il faut aussi rappeler que quantité de titres se sont cassés les dents en bourrant leurs univers de pléthores d’activités, parfois jusqu’à l’écœurement, le joueur se retrouvant alors sous des monceaux d’objectifs annexes allant jusqu’à court-circuiter l’immersion ou du moins l’implication dans la quête principale. Jedi Survivor fait malheureusement partie de cette catégorie. Il est d’ailleurs intéressant de noter que lorsque le titre revient à une construction plus cloisonnée, plus proche de celle de Fallen Order, il n’en devient que meilleur. N’ayant pas réussi à rendre l’exploration gratifiante, la faute à des activités dénuées d’intérêt (trouver des graines à planter, des poissons pour l’aquarium du Pyloon Saloon, le bar de Greeze), Jedi Survivor finit par ennuyer, du moins si vous vous prenez au jeu du 100%. Il est donc dommage que les développeurs n’aient pas su rendre la visite des lieux plus excitante, le fait de devoir crapahuter en wall run pour obtenir un batch de couleurs pour BD1 n’étant pas des plus enthousiasmants.
Toutefois, je ferai preuve d’hypocrisie si je vous disais que je ne me suis pas amusé à changer les fringues de Cal, tout comme sa pilosité et sa coupe de cheveux afin d’avoir une sorte de Village People, coupe mulet, bacchantes proéminentes et pantalon de cowboy, mais ceci est une autre histoire. Malgré cela, je n’ai jamais vraiment éprouvé de réel plaisir à arpenter les deux planètes mentionnées plus avant et réclamant pas loin d’une dizaine d’heures simplement pour récolter l’ensemble des collectibles.
En un sens, Jedi Survivor n’avait nullement besoin de cela pour briller d’autant que cette envie de grandeur a sans doute fortement impacté le développement si l’on en croit les nombreux bugs et autres impairs techniques (textures s’affichant tardivement, QTE n’apparaissant pas ou fonctionnant mal, baisses de framerate…).
Cal nous fait sa Cerenade
Cette impression de flottement se retrouve également dans l’histoire qui, tout en se laissant suivre (grâce à quelques retournements de situation), ne surprend jamais vraiment, autant dans sa trame, ses thèmes ou même son fan service cochant toutes les cases. Certes, on aura droit à quelques passages virevoltants mais même du point de vue de la réalisation ou du rythme, Survivor se montre moins percutant que son aîné. Du côté du casting, le personnage de Dagan Gera (l’antagoniste principal) aurait sans doute mérité un traitement plus en profondeur tout comme les relations entre Cal et Merrin quelque peu survolées. Retrouver les anciens membres de Fallen Order (Greez, Cere) coulait de source mais encore aurait-il fallu les intégrer de manière plus efficace au récit.
Toutefois, on sent la volonté des scénaristes d’avoir voulu améliorer cet aspect, en créant une émulsion ne serait-ce qu’à travers les npc rencontrés qui viendront peupler le bar susmentionné (sorte de base d’opération sur Koboh) et avec qui on pourra obtenir de nouvelles missions annexes ou tout simplement bavarder pour en savoir un peu plus sur eux. On appréciera en sus certains personnages inédits à commencer par Bode Akuna, mercenaire roublard, dans la droite lignée de Han Solo, et formant un sympathique duo avec Cal. Peu original mais efficace. En saupoudrant également son titre de clins d’oeils au premier volet (l’apparition de la Neuvième Soeur, les mentions à Sorc Tormo, aux événements passés…) Respawn crédibilise son univers (canon, je le rappelle) en créant des ponts entre les deux œuvres tout en mettant en place les pièces d’une probable suite.
Dès lors, il est frustrant que l’histoire s’avère aussi classique, autant dans son dénouement que les sujets abordés : Cal face au côté Obscur, l’avenir des Jedi, etc. Néanmoins, on appréciera que les développeurs ne se soient pas trop pris au sérieux, en témoignent quelques passages savoureux (la charge héroïque d’un Trooper lambda sous forme de combat de boss) et plusieurs dialogues. Je vous incite d’ailleurs vivement à laisser ceux entre les droïdes de combat B1, toujours promptes à philosopher sur leur situation à travers des échanges véritablement exquis.
Un jeu Greezant
A ce stade, on pourrait penser que Jedi Survivor semble moins bon que Fallen Order. Si je lui préfère effectivement le premier volet (grâce à son effet de surprise et sa construction mieux maîtrisée), ce ressenti variera bien entendu en fonction de vos attentes car il va de soi que cette suite améliore de nombreuses choses et en ajoute de nouvelles.
Comme je le précisais plus avant, le titre regorge d’activités et si la plupart sont sans grand intérêt, on éprouvera toujours du plaisir à terminer les Failles (synonymes de défis Combat ou Parkour), résoudre les puzzles des Temples Jedi, à se détendre autour d’une partie d’Holotactique (mini jeu basé sur les scans des ennemis qu’on pourra ensuite réutiliser pour affronter plusieurs résidents du Pyloon Saloon) ou à rechercher les adversaires légendaires. Certes, il s’agira ici de simplement combattre des ennemis déjà rencontrés dans une version plus puissante mais on éprouvera un réel sentiment d’accomplissement puisque tournant autour d’un gameplay toujours aussi bien rodé et jouissif.
Avec ses multiples postures (sabre simple, double lame, pistolet/sabre…) et ses nombreux arbres de compétences associés, combattre devient encore plus délectable même si on souffrira toujours dans les séquences à 1 Vs 10 à cause d’un système de fight davantage pensé pour des duels. Pour autant, en utilisant à bon escient nos capacités (et accessoirement la Force) tout comme la possibilité de combattre par moments avec Merrin ou Bode, on s’en sortira avec panache et classe au point d’en redemander toujours plus malgré une difficulté plutôt corsée dès le mode Normal.
On aura donc beau pester contre cette carte plus lisible mais manquant encore de souplesse, on aura beau être agacés par quelques phases de Parkour (bien plus présentes et améliorées au point d’ancrer le titre dans le genre action/plates-formes), on aura beau souffler contre ces bugs, on y reviendra encore et encore avec une vraie satisfaction, celle de nous offrir la possibilité de vraiment ressentir la puissance d’un Jedi, celle d’avoir affaire à un jeu transpirant l’esprit Star Wars.
Ayant à cœur de (trop) bien faire, Respawn s’est quelque peu perdu en chemin en ayant les yeux plus gros que le ventre. Trop vaste pour ce qu’il a à raconter et même à proposer, Jedi Survivor doit composer avec une histoire et un intérêt s’étiolant à mesure que le temps passe sans pour autant remettre en question l’excellent feeling du gameplay une fois le sabre en mains. En axant cette suite autour de son Parkour, en accentuant l’aspect plates-formes du jeu tout en proposant davantage d’options de customisation ou de styles de combats, cette suite réussit malgré tout à retenir le joueur dont la passion pour la franchise gommera, ou du moins minimisera, les écueils évoqués dans ces lignes.