Silent Hill The Short Message : L’appel en absence ?

Sans doute galvanisé par les excellentes ventes des remakes des Resident Evil, Konami est sortie de sa retraite léthargique en annonçant quantité de projets autour d’une de ses licences cultes, Silent Hill. Après Silent Hill Ascension et en attendant le remake du magnum opus de la saga, Silent Hill 2, la société japonaise nous offre un jeu entièrement gratuit fortement influencé par le Silent Hills avorté de Kojima et la série des Layers of Fear. Un galop d’essai intéressant à défaut d’être passionnant.

Tournant autour du thème du suicide adolescent (malheureusement très présent au Japon), The Short Message ne choisit pas la voie de la facilité pour relancer la saga Silent Hill. Se déroulant en vue subjective (à l’image d’une partie de The Room, le 4ème épisode de la série), le titre n’entretient pourtant aucun véritable rapport avec les autres jeux, hormis quelques références (un panneau par ci, une coupure de journal mentionnant la bourgade par là) et les compositions, plus nuancées, moins marquées, du grand Akira Yamaoka. Pour marquer cette différence, le titre se déroule sur le vieux continent, en Allemagne plus précisément, dans la ville de Kettenstadt. Pour autant, on ne ressent jamais l’influence de la vieille Europe puisqu’au delà d’utiliser les gimmicks de la saga, The Short Message se déroule entièrement dans un complexe d’appartements abandonnés, lieu de villégiature de graffeurs, également célèbre pour ses nombreux suicides d’adolescentes.

Mal dans sa peau, Anita est l’une d’entre elles, paumée se complaisant dans une sorte de marasme duquel elle ne semble pas vouloir sortir. Piégée aussi bien mentalement que physiquement dans cet immeuble décrépi, elle semble errer sans but jusqu’à ce qu’elle reçoive un SMS de son amie Maya, artiste renommée sur les réseaux sociaux qui s’est récemment suicidée en sautant du toit dudit immeuble. Le point de départ de The Short Message donne le ton et durant les deux heures qu’il vous faudra pour traverser cette aventure, il n’en changera pas, du moins jusqu’à son final teinté d’espoir. En premier lieu, on pourra cependant se demander si le titre, essayant vaille que vaille d’y inclure l’ensemble des poncifs de la série (le brouillard, l’univers altéré, les grésillements annonciateurs d’un danger à venir…), en reprend bien les fondements à travers la quête de son personnage central.

Il est compliqué de répondre à cette question tant le personnage d’Anita ne génère pas vraiment l’empathie qu’on pouvait avoir pour James Sunderland ou Harry Mason désireux de braver l’inconnu afin de retrouver un être cher disparu. Dans le cas de The Short Message, l’impression d’avoir affaire à une sorte de persona représentant toute une jeunesse désabusée prévaut et il sera donc difficile de s’identifier au personnage d’autant qu’Anita semble constamment perdue en se bornant à répondre aux messages de Maya et d’Amélie, sa meilleure amie. D’ailleurs, les conversations avec cette dernière dénotent avec l’ambiance générale puisque tournant autour de sujets plus « communs ». On trouvera donc étrange qu’Anita ne fasse jamais mention de sa situation et réponde à son amie sans prendre le temps de lui expliquer ce qui lui arrive. D’autant plus étrange qu’à l’instar de P.T., Anita vivra plusieurs fois les mêmes boucles en s’enfonçant plus profondément dans sa psyché mais aussi le passé de Maya, via des flash-back en live action, plutôt cheap il faut le dire, autant dans le jeu tout relatif de l’actrice que son doublage américain. Le parti pris est plutôt étrange, certes atypique mais n’aidant pas nécessairement à s’immerger dans l’histoire.

L’immersion, l’empathie, c’est sans doute ce qui manque à The Short Message pour briller au sein de la galaxie Silent Hill. Difficile de dire si des personnes ayant été un jour dans cet état d’esprit seront plus impliquées mais en l’état, au-delà de personnages sans vrai background, la structure même du jeu, nous demandant d’errer d’appartement en appartement, de résoudre une ou deux «énigmes» des plus basiques tout en récupérant divers documents nous renseignant sur la situation de la ville et le passé des protagonistes, a du mal à mettre dans le mille. Pourtant, certaines idées plus subtiles (le fait de baisser la caméra lors du flash-back durant lequel Anita se rappelle de son enfance) sont intéressantes, la créature nous pourchassant à intervalles réguliers est plutôt réussie mais ici aussi, le tout s’inscrit dans une logique davantage mue par la série, ses codes, que l’envie de voir plus loin en nous proposant une vraie profondeur narrative. Tout n’est pas à jeter dans The Short Message, loin de là, mais l’impression de voir une toile inachevée ne sachant jamais vraiment ce qu’elle doit représenter lui colle à la peau.

Jamais effrayant, manquant de profondeur, malgré la pléthore de documents à récupérer, lardé par d’innombrables et peu intéressants échanges SMS, The Short Message finit par se saborder de lui-même en ne parvenant jamais à nous inclure dans son univers, qu’on soit ou non familier de Silent Hill. Ne reste plus qu’à attendre les autres itérations de la saga en espérant qu’elles côtoient la qualité des trois premiers opus à commencer par le sacro-saint Silent Hill 2 dont le remake en préparation peine pour l’instant à convaincre autant dans sa technique que l’axe choisi pour communiquer. Pour l’heure, l’avenir de la saga de Konami semble aussi brumeux que la bourgade américaine…

Etrange exercice de style que ce Short Message essayant de cocher toutes les cases pour rentrer dans le moule Silent Hill sans jamais vraiment réussir à convaincre. La faute à l’incapacité de condenser son récit se perdant ici en redites inutiles à l’image des boucles qu’on demandera au joueur de refaire à plusieurs reprises. Si son sujet est intéressant, on ne peut pas en dire autant d’Anita qui ne parvient malheureusement pas suffisamment à créer l’empathie, sans doute à cause d’une écriture maladroite lorgnant par moments vers l’occultisme tout en se raccrochant aux branches pour lier le tout à la saga. Un parti pris fragile pour un jeu loin d’être catastrophique mais jamais au niveau de ses illustres modèles.

Yannick Le Fur

Yannick Le Fur

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