Sans Un Bruit 2 – Le retour du cinéma muet

Pétri de bonnes intentions, Sans Un Bruit réussissait en 2018 à proposer un concept intéressant et à broder autour de celui-ci afin de nous offrir un survival aussi original qu’efficace. Tout en usant au mieux de ses effets, le film de John Krasinski suivait la fuite en avant de la famille Abbott, en pleine invasion extraterrestre. Délaissant le sensationnel au profit d’une sorte de minimalisme autant sonore que structurel, le long-métrage s’appuyait sur une tension savamment entretenue jusqu’à son final, certes bancal mais ouvrant la voie à une franchise en devenir. Trois ans plus tard, on retrouve Evelyn et ses enfants là où nous les avions laissé.

S’ouvrant sur une introduction en flash-back aussi impressionnante qu’immersive (malheureusement partiellement spoilée à travers les trailers), Sans Un Bruit 2 passe la seconde en reprenant dans la continuité du premier volet. Evelyn, Regan et Marcus s’échappent de leur ferme et reprennent leur voyage afin de trouver un lieu plus sûr pour y (sur)vivre. A l’image du premier épisode, cette Part II ne va pas tarder à les confronter à des aliens toujours aussi sensibles au bruit et capables de fondre sur les protagonistes au moindre bruissement de feuilles. Krasinski choisit une fois de plus d’aller à l’essentiel en ne cédant pas à l’appel d’une durée excessive. Tout est ici condensé en 1h37 (générique compris), ce qui influe bien entendu sur le rythme, plus soutenu que dans l’original.

Ne pouvant guère plus profiter de l’effet de surprise, le réalisateur s’évertue alors à tracer la route de notre petite famille qui va rencontrer en chemin une ancienne connaissance, Emmett, impeccablement interprété par Cillian Murphy. Va alors s’opérer un switch entre Evelyn/Marcus et Emmett/Regan, formant deux duos qui par la force des choses vont être amenés à se séparer. Une façon de s’émanciper de l’aspect huis-clos du précédent film et de multiplier les situations tout en approfondissant l’aspect humain des personnages. Le réalisateur prend ainsi le temps de s’intéresser à d’autres survivants en cassant la dimension familiale du premier volet et en permettant à Regan de gagner en épaisseur à travers son besoin de s’impliquer davantage dans la destinée de ses proches et cela au péril de sa vie.

John Kransinski soigne son montage (profitant d’un excellent mixage sonore) et utilise tout ce qu’il a sous la main pour apporter davantage de rythme à sa narration qui en devient dès lors plus prenante. Porté par ses comédien(ne)s, Sans Un Bruit 2 ne cesse de les malmener en les confrontant à des aliens toujours aussi dangereux mais aussi à des rescapés épars. Distillant quelles idées intéressantes, le film tisse au fil de sa progression un récit ténu mais néanmoins plus impactant que celui du premier volet en s’ouvrant à davantage d’environnements et donc de possibilités. On regrettera cependant que certaines pistes (le groupe de pillards, les survivants de l’île) ne servent qu’à faire monter la pression sans jamais bénéficier d’un vrai développement qui aurait pourtant permis à cette suite d’aborder la survie à plus grande échelle et donc de lui offrir un peu plus de matière. Dommage d’autant qu’en parallèle, Emmett profite d’une écriture intéressante (bien qu’assez conventionnelle pour le genre post-apo), aidée, il est vrai, par le besoin d’apporter à cette suite une nouvelle figure paternelle amenée à ne plus vivre dans son tragique passé afin de pouvoir épauler comme il se doit la famille Abbott.

Soignant son atmosphère en délaissant les jump-scares (à une ou deux exceptions près) pour au contraire privilégier les plans larges avec ces créatures bondissant sur leurs victimes, Sans un Bruit 2 reproduit la formule du premier épisode en n’intégrant jamais de véritables morceaux de bravoure afin d’appuyer la fragilité de l’ensemble des protagonistes.

Le film en profite alors pour mettre en avant Regan et Marcus jusqu’à en faire les «héros» de cette suite, de façon parfois un peu trop explicite à l’image d’une conclusion sous forme de jeu de miroirs, néanmoins esthétique et logique en vue du développement des adolescents dans une d’ores et déjà annoncée Part III.

Soutenu par une réalisation intelligente, Sans Un Bruit 2 pousse un peu plus loin le concept initial en développant, certes timidement, son univers, tout en parvenant à suffisamment varier ses situations bien qu’héritées pour la plupart de celles du précédent long-métrage. Emmené par un casting de qualité, cette Part II troque l’effet de surprise initial pour un rythme plus soutenu tout en ne délaissant jamais ses personnages au profit de ses créatures plus mortelles que jamais. En résulte une suite très efficace, allant à l’essentiel qui aurait malgré tout gagnée à creuser certaines pistes.

Yannick Le Fur

Yannick Le Fur

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