Créée en 1996, Resident Evil aura connu nombre de titres de plus ou moins bonne qualité, en fonction des orientations et des projets divers. Malgré les déconvenues, elle a toujours conservé la même aura auprès des fans au point que chaque annonce d’un nouvel épisode suscite une attente démesurée. Ironiquement, alors qu’il aurait p(d)û en être de même sur grand et petit écran, ça n’a jamais été le cas avec ses adaptations qu’elles soient pavées (ou non) des meilleures intentions. Malheureusement, la série de Netflix s’inscrit elle aussi dans cette vague d’adaptations maudites aussi inutiles que décevantes.
En regardant dans le rétroviseur, il est étrange de constater que Resident Evil n’a jamais vraiment eu droit à une adaptation à la hauteur du matériau de base. Bien que la matière narrative de la série n’ait jamais été des plus riches, il y a pourtant de quoi faire ne serait-ce qu’en creusant le passé des émissaires d’Umbrella, en s’attardant sur les opus les plus intéressants (à commencer par Code Veronica) tout en offrant les clés de la maison à des réalisateurs chevronnés à l’image du talentueux Christophe Gans qui a réussi à proposer l’une des meilleures adaptations de jeux vidéo à l’heure actuelle : Silent Hill. Au lieu de ça, la saga a préféré jouer la carte de l’action hollywoodienne à travers plusieurs films en CGI. Si il est vrai que RE Degeneration, Damnation et Vendetta se laissent voir d’autant qu’ils s’avèrent fidèles à la série tout en poursuivant les aventures des protagonistes principaux, il est également vrai que l’horreur est relativement mise de côté au profit d’un rythme frénétique, de chorégraphies devant autant à John Woo qu’à John Wick et de scénarii quasi inexistants. Un parti pris que ne suivra pas la désastreuse série animée, RE : Infinite Darkness, véritable maelstrom de mauvaises idées, de choix douteux servis par une animation datée.
Si les films chapeautés par Paul W. S. Anderson ont de leur côté rapporté plusieurs centaines de millions de dollars aux box office, le fait de se focaliser entièrement sur Alice, personnage inédit, tout en optant, dès le troisième opus, Extinction, pour un côté «Mad Maxien», desservait ces adaptations, chiches, plutôt ringardes et se bornant à intégrer créatures et personnages de la saga pour respecter le cahier des charges et ainsi multiplier les clins d’oeil aux fans de plus en plus désemparés à mesure que les films se suivaient. La série de Netflix avait donc de quoi intriguer puisque se basant sur Albert Wesker, «officiellement» décédé à la fin de Resident Evil 5, tout en se déroulant dans un futur proche. Toutefois, le fait de s’attarder sur ses deux filles (jamais mentionnées dans les jeux) avait mis la puce à l’oreille sur la nature un peu hors propos de cette nouvelle adaptation qui entendait bien, à l’image des films d’Anderson, ne pas adapter la saga à la lettre à l’inverse du récent (et désastreux) Bienvenue à Raccoon City. Une note d’intention certes originale mais qui confine une fois de plus au mauvais goût absolu.
Les problèmes de Resident Evil sont multiples. Déjà, la série ne semble jamais vraiment savoir sur quel pied danser en se positionnant comme une alternative à l’histoire que nous connaissons. Alors qu’elle débute dans un monde post-apo en nous présentant Jade Wesker aux prises avec un gigantesque ver en CGI moyennement convaincant mais dans la grande tradition des expérimentations d’Umbrella, le show opère rapidement un retour an arrière pour nous raconter l’adolescence de Jade et de sa sœur Billie. Une astuce ayant fait ses preuves dans la série, grandement surcotée, Yellow Jackets et qui aurait pu ici porter ses fruits si les personnages avaient eu un tant soit peu de charisme. Le problème est que ces flashbacks, très teenagers dans l’âme, sont d’un ennui profond tant ils n’ont rien d’intéressant à raconter. Qui plus est, ils cassent le rythme de la série qui ne semble jamais embrasser l’aspect série B du matériau de base autrement qu’à travers quelques séquences, pourtant réussies, mettant en avant Likers, Araignées et autres Cerbères.
Le reste n’est qu’une longue litanie faite de personnages caricaturaux au possible à commencer par Evelyn Marcus, la dirigeante d’Umbrella. Si il y avait ici aussi des pistes intéressantes à mener de par la parenté avec James Marcus, la série de Netflix préfère capitaliser sur la personnalité de la jeune femme prompte à opter pour les pires décisions possibles et à prendre tout le monde de haut afin de nous rappeler à quel point elle est machiavélique. De son côté, Wesker (incarné par un Lance «Fringe» Reddick complètement paumé) ère de scène en scène tel un fantôme sans personnalité jusqu’au terrible épisode 7 où il arbore un cosplay de Blade aussi navrant que ridicule. L’estocade finale serait-on tenté de dire tant rien ne pousse véritablement à aller au bout des 8 épisodes du show, annulé après une saison par Netflix. Manquant de rythme, n’ayant aucune fulgurance (si ce n’est à travers ses moments les plus cringe à commencer par le passage musical avec Evelyn) et n’essayant jamais de faire peur ni même de mettre mal à l’aise, Resident Evil loupe complètement le coche. Triste constat qui tend à prouver qu’adapter la saga de Capcom semble encore aujourd’hui des plus compliqué.
Resident Evil est-il victime d’une malédiction dès lors qu’on entend l’adapter en films ou en série ? C’est ce qu’on serait tenté de se dire tant la série de Netflix est une ode au mauvais goût. Nantie de personnages fades, sans relief ou clichés, de moments gênants au possible et d’une intrigue totalement inintéressante, cette Saison 01 se montre à ce point maladroite dans sa narration ou l’intégration à la truelle de son fan service, qu’elle ferait passer les films de Paul W. S Anderson pour des adaptations des plus respectables. Une nouvelle preuve qu’il est plus que temps d’engager les bonnes personnes pour rendre hommage au monument vidéoludique de Capcom.