35 années après sa sortie, le premier Predator n’a toujours pas été égalé en terme d’intensité et de real. Si les suites ont eu le mérite d’essayer diverses choses (guérilla urbaine, face à face sur une planète lointaine), ces films se sont avérés, au mieux distrayants, au pire totalement inutiles. De fait, malgré la proposition initiale plutôt originale se déroulant en 1719 au sein d’une tribu de Comanches, Prey ne suscitait pas particulièrement de grandes attentes. La surprise n’en est donc que plus délectable.
Une rencontre entre l’alien et un groupe de combattants dont les ¾ des membres vont passer l’arme à gauche avant la victoire finale… Chaque nouveau Predator semble vouer à raconter la même chose, encore et encore. Prey ne change pas fondamentalement les règles car si on évolue dans une époque plus lointaine, Naru, la jeune Comanche au centre de l’histoire, va affronter le Predator avec l’aide de son frère. De fait, la trame centrale du film de Dan «10 Cloverfield Lane» Trachtenberg reste classique mais solide d’autant qu’elle met au même niveau l’extraterrestre et la jeune guerrière qui, chacun de leurs côtés, vont devoir faire leurs preuves pour prouver à leur tribu respective qu’ils sont dignes d’être considérés comme de véritables chasseurs. Si il ne révolutionne pas la donne, ce postulat de départ offre pourtant à Prey un équilibre que nous n’avions pas connu depuis le film de McTiernan.
Ainsi, en troquant les grosses pétoires pour des arcs et des armes plus rudimentaires, Prey s’éloigne du film original, tout en échangeant la testostérone qui inondait littéralement le film de McT contre un aspect «girl power» lui apportant un vrai plus sans toutefois tomber dans des clichés féministes. Naru va ainsi devoir se battre (au sens propre comme au sens figuré) contre des traditions en s’affirmant comme une véritable guerrière et ainsi se montrer à la hauteur de son frère Taabe, chasseur émérite qui peu à peu va épauler sa soeur dans la voie qu’elle a choisi. C’est d’ailleurs la jeune femme qui va se rendre compte qu’une puissante créature venue d’ailleurs foule les terres des Comanches et qu’elle risque d’être autrement plus dangereuse que n’importe quel animal sauvage.
Va alors s’en suivre une traque aussi bien du côté de Naru, aidé de son chien Sarii, que de celle du Predator qui petit à petit va faire connaissance avec la faune locale en s’attaquant à des proies de plus en plus grosses, d’un serpent à un loup en passant par un ours. Un bon moyen pour nous dévoiler graduellement les capacités de l’extraterrestre prompte à utiliser son invisibilité et quelques gadgets létaux. Sur ce point, on pourra toutefois trouver étrange que les armes de ce Predator soient à peine moins évoluées que celle du Predator original malgré les 268 ans séparant les deux intrigues. Un problème de perception qu’avait également connu Prometheus vis à vis de l’Alien original. Un détail cependant au vu du travail réalisé, de la photo à la réalisation en passant par le superbe creature design.
Jouant habilement avec certains clins d’oeil au premier volet, pour mieux surprendre le spectateur, Prey use également de son époque lorsqu’il confronte Naru à une bande de colons Français armés de mousquetons et donc adversaires privilégiés pour notre créature. Au delà de la réjouissante scène d’action qui s’en suit, gore et parfaitement maîtrisée par Trachtenberg, l’apparition des colons sert aussi à nous rappeler que le Predator recherche avant toute chose des opposants dignes d’intérêt pour mettre à l’épreuve ses talents de chasseur, à l’inverse du groupe de colonisateurs décimant un troupeau entier de bisons pour le simple plaisir de tuer. Cette façon de faire met donc encore plus en avant le parallèle entre le Predator et Naru irrémédiablement voués à s’affronter. Sur ce point, la jeune (25 ans) Amber Midthunder s’en sort avec les honneurs et s’avère parfaitement crédible dans son rôle de chasseuse, aussi athlétique qu’intelligente, aussi agile qu’intrépide. Une adversaire à la mesure du Predator, bien loin des bidasses de Schwarzenegger, et insufflant justement à Prey ce dont la série avait besoin : un vrai renouveau ne perdant pourtant jamais de vue ce qui fait la force de la saga. Une excellente surprise au final alors qu’on était en droit de frémir de tout notre être après que la licence fut tombée dans l’escarcelle de Disney.
En faisant du Predator et de Naru deux faces d’une même pièce, Dan Trachtenberg propose un film revenant aux fondamentaux de la saga à travers l’initiation des deux guerriers et le thème de la chasse. Parfaitement équilibré, usant au mieux de son environnement, et articulant son récit autour de l’affrontement de ses deux personnages et de leur traque respective, Prey réhabilite la création de John et Jim Thomas tout en offrant à Amber Midthunder un magnifique rôle de femme forte. Sans jamais renier son passé (à travers quelques clins d’oeil subtiles), cette suite s’impose d’elle même comme le meilleur volet de la saga, à quelques encablures du chef-d’oeuvre de John McTiernan.