Pixels, perdu entre Independance Day et Ghostbusters

A l’origine du film Pixels, il y a l’excellent court-métrage éponyme du frenchy Patrick Jean datant de 2010. Le concept ? Simple mais terriblement original puisqu’il traite, avec beaucoup de nostalgie et de vraies idées créatrices, d’une invasion par des classiques du jeu vidéo des années 80 s’échappant d’un poste de télévision. Si vous ne l’avez pas encore vu, vous trouverez une séance de rattrapage ci-dessous.

Le film de Chris Columbus (Maman, j’ai raté l’avion, Harry Potter et la chambre des secrets) en reprend donc les grandes lignes tout en rajoutant (long-métrage oblige) diverses intrigues afin de passer d’une durée 2’39 minutes à celle plus respectable pour un blockbuster estival d’1h44. De fait, si l’invasion extraterrestre a maintes et maintes fois été au centre de plusieurs longs-métrages, la traiter via le prisme du jeu vidéo reste pour le moins original.

Ainsi, le film débute en 1982, alors que Sam Brenner et son copain grassouillet Will Cooper, découvrent les jeux vidéo via les premières bornes d’arcade sur le marché. Très vite, Sam montre un véritable attrait pour le média d’autant qu’il semble avoir un don pour analyser les patterns des ennemis, cette compétence lui étant bien utile pour terminer haut la main Defender, Pac-Man ou bien encore Galaga. Ceci lui permet alors de participer au Championnat du monde des jeux vidéo d’arcade où il finira malheureusement second lors d’un affrontement sur Donkey Kong. Les aléas de la vie qui n’empêchent pas les organisateurs, avec l’aide de la NASA, de lancer dans l’espace une capsule avec notamment des vidéos de l’événement. Malheureusement, des extraterrestres interceptent le message et le prennent pour une déclaration de guerre, ceci débouchant 30 ans plus tard sur une guerre ouverte entre E.T., prenant la forme des personnages de jeux vidéo, et des humains incrédules face à cette situation pour le moins étonnante.

C’est donc sous couvert de ce pitch peu cohérent (pourquoi les E.T. se transforment en icônes de jeux vidéo si ils les prennent à la base pour une menace ?) que le film peut réellement débuter. Will Cooper est devenu président des USA (rien de moins) alors que Sam se contente d’installer du matériel vidéo dans les foyers de la middle class américaine. Les deux ne tarderont pas à se retrouver pour lutter ensemble contre la menace alien.

Un film militant ?

Sous couvert d’un prétendu discours bienveillant vis à vis des jeux vidéo qui servent ici la forme plus que le fond, Pixels n’en reste pas moins un film hésitant entre ID4 et Ghostbusters auquel il emprunte un paquet d’idées, sans parler de Dan Aykroyd, le temps d’une séquence. Du coup, on a constamment l’impression que Columbus, dont la réalisation, pourtant solide et très ancrée (à tord ou à raison vu le sujet du film) dans les années 80, ne sait comment aborder son film. Le tout est d’autant plus flagrant que Sandler, qui est pourtant censé mener le casting, laisse les passages et répliques les plus drôles à Peter «Tyrion» Dinklage et Josh Gad (dont la reprise de Everybody Wants to Rule The World vaut à elle seule la vision du film), tout occupé qu’il est par l’histoire d’amour sans grand intérêt mettant en scène Violet Van Patten, mère du jeune Matty, et accessoirement conseillère militaire du président (la vie est bien faite parfois). Il est donc acté dès le début du film que les personnages secondaires le resteront jusqu’au bout sans possibilité d’évolution.

Le rythme du film pâtit qui plus est d’une construction manquant d’emphase, les scènes d’action (pensées autour d’un affrontement en trois manches faisant intervenir à chaque fois un jeu de légende dont les règles sont ici respectées) étant méthodiquement engoncées entre deux scènes de parlote. Si certains passages prêtent malgré tout à sourire, il est agaçant de constater que Pixels ne cherche nullement à réhabiliter le jeu vidéo actuel aux yeux du grand public mais plutôt à le discréditer en nous faisant comprendre que c’était mieux avant.

Les moyens employés pour faire passer le message dénotent surtout d’une méconnaissance du média à l’image de cette scène où Sam et Q*Bert discutent avec Matty en train de jouer à un jeu vidéo. Sandler lance alors au jeune garçon qu’il ne comprend rien aux jeux vidéo actuels qui n’ont pas de paterns précis à comprendre et qui sont surtout trop violents. Le hic est que le jeu vidéo qu’on voit alors tourner n’est autre que The Last of Us, jeu résolument adulte et mondialement reconnu pour ses qualités scénaristiques. Colombus choisit néanmoins de n’en montrer que des scènes d’action ou comment réduire un chef-d’oeuvre à un simple shooter à destination d’adolescents passifs qui ont depuis longtemps absorbé cette violence.

Entre références et clichés…

On ne cessera alors d’osciller entre clichés sur les jeux vidéo actuels, stéréotypes issus des comédies des années 80 (à l’image des Goonies ou, plus proche de nous, Super 8) et références vidéoludiques provenant des eighties qui n’ont finalement que peu d’impact sur l’intrigue à l’exception de la course-poursuite avec Pac-Man. Malheureusement, l’un des climax du film, durant lequel apparaît Toru Iwatani, le créateur du personnage, perd de sa saveur, le tout ayant été dévoilé en amont dans les différents trailers. De plus, on ne pourra s’empêcher de penser à la séquence finale de Ghostbusters avec son Bidendum chamallow, la comparaison n’allant malheureusement pas à l’avantage du film de Columbus.

Si quelques idées sortent du lot (l’apparition de Max Headroom ou de Tōru Iwatani, concepteur de Pac-Man, le Tetris grandeur nature qu’on trouvait déjà dans le court-métrage…), l’ensemble des références, culminant dans une séquence finale un brin bordélique, ne servent en somme que le propos énoncé plus haut tout en multipliant les clins d’oeil aux joueurs les plus âgés. Décevant surtout quand on se rappelle aux bons souvenirs des Mondes de Ralph, bien plus intelligent dans son propos et empreint d’une belle et douce nostalgie plus globale vis à vis du jeu vidéo.

Dans le cas de Pixels, il faudra malheureusement se contenter d’un discours passablement formaté sur les tricheurs amenant une morale bien sentie tout en suivant distraitement une histoire mal pensée.

En effet, au delà du fait qu’on assiste à une comédie, comment légitimer que les personnages se lancent des vannes, s’amusent ou soient si détendus alors que la survie de l’humanité est en jeu et que des milliers de morts soient à déplorer ?!

Un curieux mélange que Pixels qui, malgré des effets spéciaux réussis et quelques scènes plutôt drôles (malheureusement noyées parmi une kyrielle de situations forcées dont celles de Serena Williams) sonne faux à cause d’un scénario manquant de consistance, préférant constamment se réfugier dans le passé pour réhabiliter le jeu vidéo d’antan tout en pointant du doigt celui actuel.

Yannick Le Fur

Yannick Le Fur

À lire aussi...