Imaginez un univers totalement vierge qui n’a pas encore été souillé par l’homme moderne. Visualisez ce jardin d’Eden où seul le chant des oiseaux semble côtoyer le bruissement des branches bougeant au gré d’une brise légère. Ca y est, vous êtes arrivés sur Skull Island. Libre à vous désormais de visiter votre nouvelle terre d’accueil regorgeant de charmantes peuplades cannibales, d’insectes géants, de dinosaures carnivores et d’un gorille aussi grand qu’un immeuble.
L’adaptation de King Kong est en soi un véritable casse-tête. En effet, au-delà de l’attente suscitée par le film de Peter Jackson, son pendant vidéoludique se doit de lui être fidèle pour s’adresser aussi bien aux fans qu’au grand public. Pour ce faire, Ubisoft s’est associé au studio Weta qui a mis à disposition du studio français de nombreux croquis de production. On citera également l’implication de Peter Jackson lui-même dans le projet et le savoir-faire de Michel Ancel (Rayman, Beyond Good & Evil).
Tout était donc propice pour que King Kong soit une véritable extension de pixels venant soutenir la production du plus gros blockbuster de cette fin d’année. Et c’est peut-être pour toutes ces raisons qu’on ne peut s’empêcher d’être légèrement déçu par le résultat final qui témoigne pourtant d’une grande sincérité de la part d’Ancel tout en s’enfermant dans un certain manque de diversité. Pourtant, n’allez pas croire que je n’ai pas apprécié le jeu. Comment expliquer alors ce ressenti mitigé ? A cela, je vois trois raisons principales. La première tient aux passages avec Jack. Limités, ils se résument la plupart du temps à d’innombrables allers-retours en allant à un bout d’un niveau pour enflammer une lance, revenir sur nos pas pour brûler des ronces entravant notre progression puis à repartir chercher un levier qui nous servira à ouvrir une porte. Notons cependant que quelques phases plus dynamiques (mais trop disparates), où vous devrez attirer l’attention d’un T-Rex pendant que vos compagnons se fraieront un passage, apportent un peu de fraîcheur.
La deuxième raison est la place laissée à King Kong : très minime. Vous ne pourrez en effet diriger le gorille que dans 9 scènes sur un total de 39. Frustrant, vu que malgré leur côté minimaliste et bourrin, ces passages sont funs, grâce à la gestuelle de Kong qui est parfaitement rendue ou le déchaînement de violence amené par des empoignades homériques. Le problème du respect de l’oeuvre originale pourra être ici évoqué mais on se dit que quelques concessions n’auraient pas fait de mal pour profiter un peu plus de ces rixes monumentales. A ce sujet, on pourra citer le dernier baroud d’honneur à New York mais vu que ces deux chapitres font peine à voir (d’un point de vue graphique et en terme de maniabilité), on préférera ne pas top s’appesantir là-dessus. Enfin, le troisième point tient à la faible longévité du titre qui se termine en moins de 7 heures. Ceci dit, l’occasion de refaire une seconde fois l’aventure vous sera donnée pour débloquer une fin alternative ou d’autres bonus comme des interviews ou des croquis. A ce sujet, on saluera la façon dont a pensé le visionnage des artworks synonyme d’une sorte de musée dans lequel vous pourrez vous balader à loisir.
De son côté, la jouabilité de King Kong témoigne elle aussi d’une grande singularité en se voulant très immersive. D’ailleurs, il est intéressant de noter que si les phases avec Kong sont très cinématographiques, celles avec Jack Driscoll restent plus ancrées dans un modèle vidéoludique. Dans les deux cas, Michel Ancel a eut la bonne idée d’utiliser le format cinémascope, à l’image de ce qui avait été fait avec Beyond Godd & Evil, et qui, couplé à une absence d’indications visuelles, renforce le côté aventureux de l’aventure.
L’envie de proposer un jeu sans véritable HUD pour accentuer l’immersion passe aussi à travers plusieurs choix. Par exemple, vous pourrez communiquer avec vos compagnons pour leur demander comment ils vont ou pour échanger des armes. OK, les dialogues sont réduits à leur plus simple expression, tout comme les armes (au nombre de 4 sans compter les lances ou les os qu’on trouve un peu partout) mais l’idée reste bonne. Ensuite, en appuyant sur une touche, Jack se parlera à lui-même tout en nous renseignant sur le nombre de chargeurs restant. Enfin, lorsque vous aurez une arme blanche entre les mains, il vous suffira d’appuyer sur un bouton pour zoomer et utiliser votre doigt comme un viseur. De la même façon, lors des combats, lorsque vous vous ferez toucher, votre vision se troublera, le deuxième coup vous rendra encore plus vulnérable alors le troisième sera synonyme de Game Over. La solution consistera alors à se replier rapidement, le temps de retrouver la forme puis à utiliser tous les moyens mis à sa disposition pour contourner un problème.
Je fais ici référence à la chaîne alimentaire qui vous permettra d’embrocher des insectes pour les jeter en pâture aux prédateurs qui détourneront alors leur attention de votre personne. Libre à vous également de tuer un Venatosaurus, un Raptor ou tout autre petite créature pour faire en sorte de nourrir l’imposant T-Rex qui s’invitera tout au long de l’aventure. Si ce principe de chaîne alimentaire aurait mérité d’être plus étudié (il est très facile de finir le jeu sans l’utiliser), il permet de progresser plus facilement une fois à court de munitions. Moins profondes que les séquences de Jack, celles de Kong n’en restent pas moins jouissives comme précisé quelques lignes au dessus. La construction de ces scènes joue sur la capacité de Kong à marcher sur les murs ou à se balancer de branche en branche ainsi que sur des affrontements féroces où vous devrez venir à bout de plusieurs ennemis. On appréciera alors la gestuelle du gorille ainsi que ses capacités nous invitant à tout ravager sur notre passage. Le peu de mouvements est regrettable mais ça n’enlève rien au plaisir procuré par ce déchaînement de brutalité mis en exergue lors du passage en mode Rage, lui-même sublimé par un filtre graphique très « PoPesque » et un effet de ralenti lorsqu’on frappe un ennemi.
Au final, King Kong possède plusieurs défauts qui sont d’autant plus dommageables qu’ils auraient pu être évités. Malgré cela, l’adaptation reste correcte et immersive même si on en fait vite le tour. On pourra également lui reprocher un dernier arc (à New York) bâclé et une vraie redondance dans ses phases de gameplay. Pour autant, il serait hypocrite de dire qu’on ne s’y amuse pas, autant dans l’exploration de Skull Island que dans certains passages avec Kong aussi primaires que jouissifs.
Si le tandem Jackson/Ancel donne vie à une adaptation intéressante, on pourra être déçus par la place laissée au gorille. La balance entre les phases Jack/Kong est en effet bancale d’autant que les passages en vue FPS tournent toujours autour des deux mêmes objectifs. King Kong reste malgré tout un jeu qui se laisse apprécier grâce à une immersion qui doit beaucoup à plusieurs idées ingénieuses et une ambiance fidèlement retranscrite.