Mortal Kombat : Finish him !

La carrière de Mortal Kombat au cinéma et à la télévision a été jalonnée de nombreuses déconvenues. Séries live sans le sou, anime expurgé de toute violence ou le désastreux Mortal Kombat Annihilation, les exemples ne manquent pas. Cependant, cette suite a au moins eu le mérite de fortement mettre en avant les qualités de la première adaptation de Paul W.S. Anderson, plutôt fidèle au matériau de base et joliment emballée. Après un très chouette Mortal Kombat Legends : Scorpion’s Revenge, gore, jouissif et destiné à la vidéo, la franchise revient au cinéma à travers un film plus ambitieux dont trois suites sont d’ores et déjà annoncées en cas de succès. Autant le dire tout de suite, si le film a fait de jolis scores outre-Atlantique, il en viendrait presque à nous faire regretter le film de 1995.

Dès l’introduction de Mortal Kombat, présentant le passé de Scorpion et de son ennemi de toujours, Sub-Zero, une sorte d’inachevé prévaut. Tout s’enchaîne rapidement et sonne faux, au point qu’il est difficile d’éprouver quoi que ce soit pour le combattant et ce même après qu’Hanzo Hasachi ait perdu sa femme et son fils, gelés par Sub-Zero. Le problème vient ici du fait qu’on débarque dans cet univers sans vraiment savoir ce qui lie les différents clans et le pourquoi de leur lutte. Un peu de contexte aurait sans doute aidé à s’immerger tout en vibrant lors du premier affrontement, efficace mais dénué de véritable émotion. Le constat est d’autant plus flagrant quand on compare cette séquence à ce qu’offrait Scorpion’s Revenge entièrement dédié à l’Origin-story du combattant et parvenant habilement à proposer de nombreuses scènes d’action, gore à souhait, tout en développant le fighter maudit.

Bien que plus secondaire que par le passé, le film s’articule à nouveau autour d’un tournoi devant empêcher Shang Tsung d’envahir la Terre. Cependant, Mortal Kombat enclenche la seconde, passée son introduction, afin de nous présenter le reste du casting. Si l’idée de revenir sur les événements ayant permis aux combattants d’obtenir leurs pouvoirs reste bonne, on doutera en revanche du traitement de certains d’entre-eux. Impossible par exemple d’éprouver la moindre sympathie pour Kano, mercenaire qui rejoint le rang des guerriers Terriens et n’ayant pas son pareil pour balancer vanne sur vanne en devenant de plus en plus insupportable à mesure que le temps défile. Les retournements de situation le concernant tombent alors à l’eau, la faute à une caractérisation forcée nous le présentant comme un gentil benêt puis comme une menace pour les héros. Difficile dans ce cas de le prendre au sérieux quelle que soit la situation.

Pour donner plus de corps à l’équipe, Simon McQuoid (ancien publicitaire dont c’est le premier long-métrage) s’évertue à tisser des liens entre Sonya Blade et son compagnon d’armes, le Major Jackson «Jax» Briggs ou bien encore Cole Young et le vénérable Liu Kang, l’une des figures incontournables de la série. Peine perdue puisque rien ne fonctionne tant les personnages manquent de consistance. L’objectif de Mortal Kombat n’est finalement pas tant de nous faire connaître ses héros que la façon dont ils sont devenus ces héros. Ceci passe bien entendu par les affrontements, parfois bien mis en valeur, parfois à côté de la plaque à cause d’un montage beaucoup trop cut minimisant la puissance des coups portés ainsi que la lisibilité des chorégraphies.

Pour minimiser cet état de faits, McQuoid n’a pas lésiné sur les Fatalities et un gore très prononcé, marque de fabrique de la saga et ici sorte caution de fidélité entre le studio et les fans de la franchise. Le problème de Mortal Kombat vient également du fait qu’il essaie d’apporter du sang neuf, via le personnage inédit de Cole Young, sans jamais y parvenir, ce dernier n’arrivant pas vraiment à trouver sa place à l’intérieur de l’intrigue. Le combattant se montre tellement effacé dans son caractère trop classique, son intégration est tellement forcée, qu’il ne fait que mettre en valeur Scorpion et Sub-Zero, dont l’histoire est le véritable fil rouge de ce reboot. Que dire également du jeu caricatural de Ludi Lin (Liu Kang), autant dans ses dialogues que sa gestuelle, ce Goro en CGI, certes moins statique que son incroyable homologue animatronique de 1995 mais aussi moins expressif, ou bien encore la présence de Raiden, secondaire malgré sa puissance divine et ne servant finalement que de «Monsieur loyal» expliquant les tenants et aboutissants du Mortal Kombat à sa clique de champions.

Bien que certains personnages soient plutôt réussis, du moins dans leur design (à l’image de Kung Lao) et qu’on ait droit à une galerie de méchants relativement variée, Kabal ou bien encore Reptile venant rejoindre ceux déjà mentionnés, difficile de plaider la défense de ce Mortal Kombat qui, malgré un budget et des ambitions bien supérieurs à ceux des deux premiers films, loupe le coche en se prenant sans doute un peu trop au sérieux. On en viendrait presque à entendre le rire moqueur de Christophe Lambert.

Mortal Kombat est d’autant plus frustrant qu’il était fébrilement attendu en tant que reboot ambitieux et fidèle aux jeux, ce qu’il arrive toutefois à être à travers ses débordements gores ou sa galerie de personnages. Malheureusement, entre un script paresseux, une réalisation très inégale, certains personnages insupportables et un jeu d’acteur peu convaincant, on a bien du mal à cacher sa déception malgré quelques empoignades parvenant à nous amuser à défaut de consolider la mythologie d’ensemble pour d’éventuelles suites.

Yannick Le Fur

Yannick Le Fur

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