Mortal Kombat au cinéma et à la télévision : Très loin de la Flawless Victory

Alors que le premier jeu Mortal Kombat arrive sur bornes d’arcade en 1992, Hollywood ne met pas longtemps à s’emparer de la licence. C’est en 1995 que sort la première adaptation réalisée par Paul W.S. Anderson, futur metteur en scène de quatre longs-métrages Resident Evil. Plusieurs autres suivront, que ce soit sur grand et petit écran, à travers diverses séries live et animées. Le prochain film ayant récemment dévoilé son premier trailer, nous en avons profité pour revenir sur ce que la licence a eu droit de meilleur (et de pire), au cinéma, à la télévision ou bien encore sur le Web.

Mortal Kombat fait son cinéma

Le film de Paul W.S. Anderson reprend le schéma codifié du jeu en faisant s’affronter les Forces du Bien et du Mal à travers un tournoi, le bien nommé Mortal Kombat. Avant toute chose, il est bon de rappeler qu’on parle ici de l’adaptation du tout premier jeu qui ne profitait pas d’un scénario aussi dense que ceux des opus actuels. Logique donc, surtout pour l’époque, que le film soit le reflet du titre d’Ed Boon et John Tobias, qui se concentrait dès le départ sur ses kombattants et son aspect gore plutôt que sur son histoire. A ce sujet, bien que Mortal Kombat soit expurgé d’un trop plein de violence, il profitera d’une classification PG-13 (film déconseillé aux moins de 13 ans avec accompagnement parental fortement conseillé). Notons qu’en 1994, l’adaptation de Street Fighter avait écopé de la même classification. Il est d’ailleurs intéressant de préciser que Jean-Claude Van Damme (star du film de Steven E. de Souza) sera approché pour le rôle de Johnny Cage au même titre que Brandon Lee (qui décédera en 1993 sur le tournage de The Crow), Johnny Depp ainsi que Tom Cruise. Citons également Cameron Diaz et Sharon Stone ou bien encore Dina Meyer pressenties pour incarner Sonya Blade, rôle qui reviendra finalement à l’actrice Bridgette Wilson-Sampras.

Au-delà de ces péripéties de casting, auquel se greffera notre Christophe Lambert national (et son rire indissociable) dans le rôle de Raiden, le film se montre plutôt respectueux du matériau de base. Intégrant la plupart des personnages emblématiques (Liu Kang, Shang Tsung, Kitana ou bien encore un impressionnant Goro en animatronique), le long-métrage ne cache pas ses ambitions initiales en jalonnant son récit d’une multitude de combats, sur fond de bande originale techno (depuis devenue culte), faisant s’affronter les grandes figures du jeu original, avec comme point d’orgue les apparitions remarquées de Sub-Zero et Scorpion, à travers des chorégraphies mêlant arts martiaux et effets spéciaux plutôt convaincants pour l’époque. Sans crier au chef-d’oeuvre, ce premier Mortal Kombat s’avère être une friandise, un peu coupable, aujourd’hui datée, mais emballée avec efficacité par Anderson qui signera en 1997 l’un de ses meilleurs films, Event Horizon. Raflant 122 millions de dollars dans le monde, le film engendrera une suite qui ne mettra pas longtemps à arriver.

Deux ans plus tard donc, sort sur les écrans Mortal Kombat : Destruction Finale (Annihilation en VO). Là où le premier film prenait relativement au sérieux son sujet tout en y injectant une bonne dose d’humour, tout dans Destruction Finale frôle l’amateurisme. Entre le cabotinage de la plupart des acteurs, dont certains ont été maladroitement remplacés (Lambert cédera son rôle à un James Remar complètement paumé), les sfx abominables, une 3D à pleurer ou certaines scènes d’action terriblement mal montées, difficile d’apprécier le résultat même en le prenant au douzième degré. Il est d’ailleurs bon de préciser qu’à l’époque, si Christophe Lambert avait officiellement refusé le rôle car il était occupé avec Beowulf, il avouera par la suite que son refus fut surtout lié au fait qu’il n’avait tout simplement pas apprécié le script initial. De son côté, Paul W.S Anderson, échaudé par plus d’un an de discussions avec les producteurs du premier film pour imposer certains choix artistiques, préférera décliner la réalisation de cette suite. Grand bien en a pris aux deux hommes, car bien que Destruction Finale soit dans la droite lignée de son prédécesseur en matière de scénario, il verra trop grand sans avoir les moyens de ses ambitions. En résulte une invasion très chiche de la Terre par Shao Kahn, au rythme décousu et percluse de combats relativement médiocres qui permettront tout de même à Ray Park d’obtenir le rôle de Dark Maul dans Star Wars : Episode I : La Menace Fantôme. Précisons également qu’on y trouvait Tony Jaa (Ong-Bak, Fast and Furious 7…) en tant que cascadeur et doublure de Robin Shou (Liu Kang). Si on notera l’apparition de nouveaux personnages (Jax, Cyrax, Smoke, Motaro, Sindel, Baraka ou bien encore Sheeva), ces derniers n’apportent pas grand chose à l’ensemble si ce n’est une augmentation significative du name-dropping. Un second long-métrage aussi inutile que lamentable qui se ramassera complètement au box-office mondial avec des recettes atteignant péniblement les 51 millions de dollars, ceci annulant d’emblée la production d’une suite initialement prévue.

Alors que la série perdurera dans une certaine mesure via la télévision, YouTube et l’animation, elle aura donc attendu 24 ans pour revenir sur grand écran via un reboot sobrement titré Mortal Kombat, réalisé par Simon McQuoid (plusieurs publicités pour Playstation, Call of Duty, Nissan, Netflix et dont il s’agit ici du premier long-métrage) et produit par James Wan (Saw, The Conjuring, Aquaman). Une attente qu’on espère justifiée à travers un film plus sombre, plus gore, plus maîtrisé et qui, pourquoi pas, arriverait à conjuguer prouesses martiales et personnages avec davantage d’épaisseur. C’est ce que nous pourrons vérifier en avril prochain.

La loi des séries

Bien que la carrière cinématographique de Mortal Kombat soit brève, la série aura un peu plus de visibilité sur le petit écran. Cependant, ici aussi, la qualité n’est pas nécessairement au rendez-vous même si on peut clairement dissocier les productions pensées pour la télévision et celles pour le Web.

Sortie à la fin de l’année 1996 (soit avant l’arrivée de Destruction Finale), la série d’animation Mortal Kombat : Les Gardiens du Royaume se compose de 13 épisodes de 25 minutes et revient sur l’affrontement entre les guerriers menés par Raiden et les champions de l’empereur Shao Kahn.

Produite par Film Roman Productions (Mask, le médiocre Dead Space Downfall, Dante’s Inferno), cette série s’avère assez loin de l’esprit original car pensée dès le départ pour un très jeune public. L’animation est laborieuse, le character design à côté de la plaque, et on retrouve cette structure typique de plusieurs séries d’action de l’époque synonyme d’amorce lambda, d’affrontements contre des hordes d’adversaires menées par l’un des bras droits de Shao Kahn qui devra bien entendu en découdre avec l’un de nos héros par la suite.

La série étant expurgée de toute forme de violence, l’ensemble n’offre finalement que peu d’intérêt pour les fans malgré la quinzaine de personnages issus du jeu. Une bien maigre consolation au final. Pour l’anecdote, mentionnons que si le doublage anglais profitait de quelques noms connus (Clancy «The Kurgan» Brown, Ron «Hellboy» Perlman, Luke « Beverly Hills 90210 » Perry dans le rôle de Sub-Zero !), son équivalent français fera pâle figure avec certaines personnes s’occupant de doubler jusqu’à huit personnages différents.

En 1998, une nouvelle série voit le jour mais cette fois au format Live. Mortal Kombat Conquest reprend grosso modo la même histoire que celle des Gardiens du Royaume (et accessoirement les premiers jeux) et ce durant 22 épisodes de 45 minutes. Malheureusement, ici aussi, c’est une énorme déconvenue.

Le manque de moyens se fait ressentir à tous les niveaux (décors en carton pâte, photo, rythme) et les acteurs ne semblent pas vraiment savoir ce qu’ils font là. Malgré la présence de Daniel Bernhardt (Bloodsport 2 & 3), les combats demeurent mous et mal chorégraphiés (le meilleur restant l’affrontement obligatoire entre Scorpion et Sub-Zero) et il faut s’accrocher pour venir à bout de l’ensemble qui s’arrêtera au terme de sa première saison bien qu’une seconde était initialement prévue. Ce n’est qu’en 2011 que nous arrive une nouvelle adaptation de la licence, toujours sous forme de série. Cependant, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis Conquest et la différence se fait clairement ressentir.

L’histoire du show est intéressante à plus d’un titre puisqu’elle débute en 2010 lorsque Kevin Tancharoen réalise un fan film du nom de Mortal Kombat : Rebirth qu’il diffuse gratuitement sur YouTube. L’idée est clairement de présenter à Warner une approche très différente des précédentes adaptations en proposant un regard nouveau, plus sombre, plus violent, plus mature.

Tancharoen se donne les moyens de ses ambitions autant dans sa réalisation, très stylée, et profitant d’une photo travaillée, que dans son casting mettant en avant Michael «Spawn» Jay White dans le rôle de Jax ou bien encore Jeri Ryan (Star Trek : Voyager, Arrow…) incarnant Sonya Blade. Malgré le format court de 8 minutes, cette note d’intention permet également d’y intégrer un affrontement entre Johnny Cage et Baraka témoignant ici aussi d’une belle maîtrise. Le résultat réussira à convaincre la Warner qui donnera le feu vert pour la série qui va en découler.

Dans la droite lignée de Rebirth, Legacy, qui débarque en avril 2011 sur la chaîne YouTube Machinima, milite elle aussi pour une vision du jeu profitant d’un traitement plus en profondeur des personnages, des affrontements plus brutaux et une réalisation de qualité. Si tout n’est pas parfait (plusieurs sfx témoignent d’un budget limité, certaines prestations d’acteurs, le format court des épisodes ne permet pas toujours d’aller au fond des choses…), le résultat n’est reste pas moins à mille lieux de ce que nous avons eu jusqu’à présent. Tancharoen, qui réalise la totalité des épisodes, confirme son intention d’ancrer le tout dans un univers beaucoup plus réaliste, ceci se ressentant à travers divers épisodes se concentrant sur certains personnages en étoffant leur histoire. On appréciera l’ambiance générale ainsi que plusieurs idées originales comme celle de l’épisode 6 voyant Raiden arriver sur Terre sans pouvoirs et enfermé dans un hôpital psychiatrique ou bien encore l’épisode 7 nous racontant le passé de Scorpion dans un Japon féodal. L’accueil vis à vis de la série s’avère très positif et alors que le premier épisode est vu 5 millions de fois en une semaine, la Saison entière totalisera plus de 70 millions de vues.

Après une première salve de 9 épisodes (oscillant entre 9 et 12 minutes), une Saison 2 est officialisée en juillet 2012 et arrive en septembre 2013 également chez Machinima. L’attente est grande comme en témoignent les 2 millions de vues, en 24h, du premier trailer diffusé lors de la cérémonie des Streamy Awards en février 2013. Rajoutons qu’en mars 2013, pour la première fois, une chaîne YouTube achète un espace publicitaire à la télévision, afin de diffuser un spot TV de la Saison 2 durant l’émission d’AMC, Talking Dead.

Composé de 10 épisodes tous disponibles dès le départ (à l’inverse de la Saison 1 qui avait opté pour le mode de diffusion hebdomadaire), cette saison affine sa réalisation, son rythme ou même ses chorégraphies plus brutales et profitant de Fatalities.

Malgré plusieurs points encore perfectibles (principalement dus au budget réduit et au format), cette nouvelle saison intègre davantage de personnages avec certains changements d’acteurs. Mentionnons par exemple Casper Van Dien (Starship Troopers) qui remplace Matt Mullins dans le rôle de Johnny Cage, Mark Dacascos (Crying Freeman, Le Pacte des Loups, John Wick Parabellum) dans celui de Kung Lao (rôle qu’il avait refusé dans la série Conquest) ou Cary-Hiroyuki Tagawa qui reprend le rôle de Shang-Tsung (qu’il incarnait déjà dans le film de 1995) en lieu et place de Johnson Phan. En guise de nouveaux venus, Ermac et Liu Kang rejoignent les rangs des combattants aux côtés de Kung Lao, Stryker, Kitana, Mileena, Johnny Cage, Scorpion, Sub-Zero ou bien encore Raiden dont un épisode revient sur son combat contre les Forces de l’OutWorld.

Une Saison 3 annulée et entourée de mystères

En mars 2014, Tancharoen annonce qu’une Saison 3 est toujours d’actualité et qu’il est à nouveau crédité en tant que réalisateur, après avoir été approché par Warner et New Line pour réaliser un nouveau film en 2010. En janvier 2015, le coordinateur des cascades, Garrett Warren, annonce qu’il est impliqué sur le projet, tout comme Casper Van Dien qui présente une page de script de la Saison 3 titrée Mortal Kombat : Generations ainsi que des photos de lui et Mark Dacascos en train de s’entraîner. Le 19 janvier 2015, c’est Garrett Warren qui confirme que le tournage a débuté. Pourtant, aussi étrange que cela puisse paraître, la saison, attendue pour 2016, ne sera jamais diffusée. Encore aujourd’hui, il est très difficile d’avoir le fin mot de l’histoire d’autant que certains posts d’acteurs ont été supprimés après coup sur leurs réseaux sociaux respectifs. On peut se demander logiquement si le nouveau film a influé sur le devenir de cette saison. Pas certain, son sort étant a priori plutôt lié à Machinima (rachetée par Warner Bros. Digital Networks en 2016 et fermée en janvier 2019) et certaines décisions hasardeuses (concernant notamment l’accessibilité de leurs vidéos en dehors des Etats-Unis), comme le rappelle Sergio Pereira de cbr.com. Si il semble que la Saison 3 était bien avancée (voire entièrement tournée), il appartient désormais à Warner de prendre la décision quant à son avenir, en prenant en compte l’attente des fans, mais aussi et surtout le devenir cross media de la licence qu’il soit au cinéma, à la télévision ou sur le Web.

Une réjouissante résurrection animée

Enfin, c’est en 2020, qu’une nouvelle adaptation de Mortal Kombat débarque, cette fois sous forme de film d’animation Direct-to-video. Mortal Kombat Legends : Scorpion’s Revenge s’affranchit de toute forme de censure et s’en donne à cœur joie au point d’écoper de la classification R. Centré sur l’histoire d’Hanzo Hasashi (Scorpion), le film s’attarde sur la relation «compliquée» entre ce dernier et son ennemi de toujours, Sub-Zero, à travers leur passé commun. S’articulant autour d’un énième tournoi auquel participent Liu Kang, Sonya Blade, Johnny Cage, Jax, Shang Tsung, Quan Chi, Kano, Kitana, Goro, cette production Warner Bors Animation ne recule devant rien pour ce qui est des débordements gore.

Il faut avouer que si le spectacle est très primaire, il n’en procure pas moins une véritable satisfaction d’autant que les très nombreux affrontements s’avèrent fidèles aux styles des fighters, Fatalities comprises. Bien que l’animation du studio coréen Mir (Young Justice Outsiders, The Death of Superman, Batman : Soul of the Dragon) soit quelque peu inégale et que le style très marqué des personnages puisse ne pas plaire à tous, l’ensemble reste de très bonne facture et saura, à n’en point douter, parler aux amateurs de la licence ainsi qu’aux amoureux d’animation musclée. Espérerons donc que le succès soit au rendez-vous, ce qui ouvrirait la voie à de nouveaux films s’attardant sur d’autres combattants.

Article original

Yannick Le Fur

Yannick Le Fur

À lire aussi...