Poursuivant sa politique d’adaptations, Sony continue de proposer ses plus grands crus aux joueurs PC. Après l’exceptionnel God of War, c’est au tour de l’étourdissant Marvel’s Spider-Man de débarquer sur nos machines, quatre ans après son arrivée sur PS4. Nanti de quelques améliorations et profitant de l’ensemble des DLCs du jeu de base, le titre d’Insomniac Games (Ratchet & Clank) fait encore figure de mètre étalon en matière de jeux de supers-héros, juste derrière un certain Batman Arkham City. Une occasion à ne surtout pas manquer.
Si on se hasardait à faire un parallèle entre la franchise vidéoludique et cinématographique, on pourrait comparer ce nouveau Spider-Man aux deux premiers films de la trilogie de Sam Raimi sortis en 2002 puis 2004. En effet, les deux œuvres entretiennent de nombreux points communs à commencer par la vision des réalisateurs, ancrée dans les origines du héros à travers le traitement du personnage mais aussi celui de ses ennemis. De fait, si les deux longs-métrages de Raimi respiraient la passion pour l’âge d’or du Tisseur, le jeu d’Insomniac prend lui aussi le pari de miser sur les icônes qui ont alimenté les premières aventures de Spidey tout en actualisant le propos. En s’imprégnant de la formule Sony à travers une histoire forte, des personnages creusés et une mise en scène léchée, Marvel’s Spider-Man dépoussière le personnage sans pour autant singer ce qui se fait actuellement au cinéma. Et c’est là que le projet devient intéressant car au-delà du fait que le jeu fasse partie du canon officiel des comics, Insomniac propose sa propre vision du personnage. Sans renier les traits de caractère du personnage, ce Spider-Man parvient malgré tout à surprendre, à émouvoir tout en véhiculant un incroyable sentiment de puissance et de liberté. N’est-ce pas là ce qu’on attend d’un tel jeu ? Assurément.
S’inspirer, imiter, améliorer
Comme nous le disions un peu plus haut, Spider-Man s’appuie sur la charte de qualité Sony en respectant à la lettre ce qui a fait le succès d’Uncharted 4 : A Thief’s End, d’Horizon : Zero Dawn ou bien encore God of War. En résulte un jeu qui cherche à aller plus loin qu’un simple Open World truffé de missions secondaires destinées à rallonger artificiellement la durée de vie.
Attardons-nous cependant sur ce point ou plutôt cet écueil commun à beaucoup de jeux du même genre, qu’ils soient bons ou mauvais.
Dans ses grandes lignes, Spider-Man ne réinvente pas la roue et opte même pour une structure classique architecturée autour d’une histoire principale, de quêtes annexes et autres collectibles à récupérer. Néanmoins, le titre a pour lui de s’appuyer sur un gameplay parfaitement huilé et surtout un système de jeu savamment pensé afin de minimiser le côté redondant de l’ensemble tout en préservant intact le plaisir de jeu. Sur ce point, Spider-Man étonne, autant dans son ingéniosité que dans sa finition. De fait, à l’image d’un certain God of War, tout est lié dans Spider-Man et incite constamment à alterner entre les multiples quêtes annexes pour récupérer différents types de jetons indispensables pour obtenir de nouvelles capacités, des gadgets ainsi que des costumes. On ne se fera donc pas prier d’autant que le jeu propose un bon challenge en Normal, le mode Difficile réclamant pour sa part une maîtrise parfaite du gameplay.
En somme, en soumettant suffisamment d’activités tournant autour des combats, de l’infiltration et des déplacements dans la ville, Spider-Man trouve un équilibre très agréable en évitant le piège d’une trop grande répétition. D’autant plus vrai qu’au sein d’un même type de quêtes, les objectifs peuvent varier ainsi que la méthode pour les boucler. On retrouve également ce degré de finition dans les items à récupérer, ici des sacs à dos, puisque chaque baluchon sera synonyme d’un objet lié à la vie Peter Parker avec un petit commentaire audio de l’intéressé à la clé. Certes, il s’agit ici d’un élément récurrent des Open World mais il faut avouer que l’envie de découvrir tous ces objets est bel et bien réelle grâce à «ces petites carottes mythologiques». On appréciera aussi d’avoir quelques missions secondaires renvoyant à d’autres personnages gravitant autour de Spidey à l’image de ce qui avait été fait dans les Batman Arkham, l’une des références évidentes du jeu d’Insomniac. Spider-Man reprend donc le meilleur de plusieurs jeux en peaufinant quantité de petites choses afin de proposer le quartier de Manhattan dans laquelle on aime se balader de building en building tout en arpentant les rues au détour desquelles on pourra assister à un braquage, un vol de voiture, des tentatives d’intimidation, bref, autant de raisons de sauver la veuve et l’orphelin.
Quand Spider-Man fait son cinéma
Au-delà de son monde ouvert, vivant et incitant à la découverte, Spider-Man peut également compter sur sa mise en scène. Diablement dynamique et fortement inspirée par le cinéma hollywoodien, autant dans son obsession à embellir chacun des mouvements de Spidey que dans ses cadrages impossibles, la réalisation joue constamment avec les lieux de l’action et ses protagonistes pour offrir au spectateur une dimension cinématographique très immersive. On retrouve d’ailleurs cette volonté lors de certaines séquences en QTE ponctuant des passages de gameplay quand il s’agit d’accentuer diverses émotions. Sans être intrusives, ces phases s’imbriquent bien dans l’ensemble et portent à bout de bras cette volonté de proposer quelque chose d’impressionnant et de marquant pour le joueur.
En marge de l’action, Spider-Man n’oublie pas de développer ses personnages pour les rendre plus attachants. Pari réussi et si après God of War, on était curieux de voir ce que le jeu d’Insomniac allait donner à ce niveau, force est de constater qu’on est surpris par certains passages touchants et des dialogues étonnamment bien écrits, surtout entre Peter Parker et Otto Octavius. Mentionnons aussi les interventions radiophoniques de JJ Jameson, audibles lorsqu’on se balade dans NY, délectables dans leur mauvaise fois et souvent très drôles à cause du cynisme éhonté du personnage qui n’est plus à présenter. A ce sujet, attardons-nous quelques secondes sur le doublage français, en tout point excellent, mené de bout en bout par un Donald Reignoux en très grande forme et soutenu par une équipe de doubleurs parfaitement à l’aise dans leurs rôles respectifs. On trouvera toutefois étrange de ne pas pouvoir profiter du doublage original pour le moment, autrement qu’en passant la console en anglais.
Combattre, s’infiltrer
Artistiquement parlant, Spider-Man est donc une franche réussite. La bonne nouvelle est que son gameplay s’avère tout aussi bon et délectable. Les développeurs ont également saisi le besoin de concevoir un système imbriquant tous les éléments afin de minimiser le côté répétitif en incitant le joueur à varier les plaisirs. Et ça marche ! Le tout est pourtant d’une simplicité assez évidente. Ainsi, bien que Spider-Man s’appuie sur un système conventionnel de gain d’expérience avec montée de niveaux, ces passages vous rapporteront des points de compétence indispensables pour débloquer des skills parmi trois arbres, chacun associé à une façon de combattre et/ou de se mouvoir. Vous êtes davantage porté sur les attaques silencieuses et les projections ? Optez pour Innovateur ! Vous misez plutôt sur les combos et l’esquive ? Défenseur est fait pour vous. Vous ne manquez pas une occasion de bondir, de combattre dans les airs et d’effectuer des mouvements gracieux ? Que diriez-vous de l’arbre Tisseur ? A vous de voir même si en jouant normalement, vous devriez tout débloquer sans trop d’efforts et ainsi avoir une bonne panoplie de coups à disposition.
Sur ce point, Spider-Man est d’ailleurs un modèle du genre et bien que les mouvements soient nombreux, la jouabilité s’avère accessible en combinant la plupart du temps deux boutons, l’appui prolongé sur l’un d’eux ou le martelage d’une touche pour les combos de base. Le sentiment de puissance est d’ailleurs bien présent au fur et à mesure qu’on progresse dans le jeu et procure une excitation certaine lorsque face à des vagues d’ennemis, on parvient sans peine à user de toutes nos capacités pour en venir à bout avec classe et aisance. Effectuer une esquive parfaite en aveuglant avec un jet de toile un ennemi qui vient de nous tirer dessus au bazooka, balancer plusieurs éléments du décor pour affaiblir l’adversaire, les entoiler au mur, désarmer des bad-guys en leur lançant leur arme à la figure, effectuer des combos de 50 coups tout en usant de vos pouvoirs deviendra rapidement une seconde nature. Toutefois, si vous avez encore des problèmes, vous aurez la possibilité d’utiliser plusieurs gadgets (rechargeables après un certain temps) et une capacité liée à chaque costume débloqué.
A ce sujet, on en note pas moins de 26 et presque autant de pouvoirs ici aussi rechargeables après quelques minutes. Outre l’aspect esthétique et pas mal de fan service, vous aurez la possibilité de choisir le vêtement le plus seyant et d’y associer n’importe quel pouvoir pour peu que vous ayez débloqué au préalable le costume associé. Sachant que chaque acquisition de costume, gadget ou mod de tenues (pour des améliorations passives) vous réclamera différents types de jetons, vous comprendrez vite qu’il vous faudra varier les plaisirs en switchant constamment entre les bases de Kingpin à nettoyer, les crimes de rues à résoudre, les recherches d’Harry Osborn, les pigeons d’Harold à récupérer, etc. Le tout s’appuyant encore une fois sur un gameplay en tout point excellent, le sentiment de lassitude s’avère finalement très peu présent, même après avoir bouclé l’aventure, lorsque vous pourrez errer dans New York pour terminer l’ensemble des quêtes à disposition.
Nuançons tout de même ce tableau idyllique par quelques défauts qui auraient pu être facilement gommés. En premier lieu, si les combats de boss ont bénéficié de beaucoup de soin à l’image de certains passages totalement inspirés par les Batman Arkham, on aurait apprécié qu’Insomniac rajoute un peu plus de bad-guys dans les missions annexes. Certes, on a bien droit à une quête de Black Cat mais on ne l’aperçoit même pas une seule seconde afin de préserver la surprise pour le DLC à venir. Très maladroit. De même, une autre quête liée à un ancien membre des Sinister Six (ça vous laisse pas mal de possibilités !), est une bonne surprise même si le combat de boss qui en résulte est malheureusement en deçà des autres. On aurait apprécié un peu plus de générosité à ce niveau-là. Heureusement, les défis (course, combat, infiltration) de Taskmaster s’avèrent sympathiques et nous permettent même de croiser le fer avec l’anti-héros à plusieurs reprises.
On reprochera aussi aux développeurs d’avoir un peu trop abusé de deux mini-jeux nous demandant de raccorder des circuits et d’associer des échantillons pour trouver une séquence spécifique. Bien que ces mini-jeux (de plus en plus difficiles), d’abord présents dans le labo de Doc Ock, ne soient pas obligatoires, on devra en parallèle se les coltiner à de nombreuses reprises au cours de l’aventure. Si ces derniers ne sont pas désagréables, on ressent rapidement leur manque de variété.
Enfin, si Spider-Man offre en sus des phases d’infiltration, on sent bien qu’à l’inverse d’un Batman Arkham qui s’articulait parfaitement autour de ces deux axes que sont l’action et la furtivité, le jeu d’Insomniac a davantage été pensé à travers son système de combat et ses déplacements. Certes, on peut effectuer des attaques silencieuses, éliminer des gardes en les entoilant au plafond mais le peu de gadgets directement associés à ces séquences et la façon de procéder fait qu’on rentre vite dans une certaine routine. Le tout fonctionne mais lasse assez vite et ce ne sont pas les passages avec Mary Jane qui y changeront quelque chose, ceux-ci étant trop scriptés et faciles pour vraiment plaire malgré une bonne idée de départ afin d’apporter quelques changements de ton à la progression et au récit.
Des (é)toiles plein les yeux
Bien entendu, tout ceci ne serait rien sans un terrain de jeu à la hauteur. On vous rassure, Manhattan est au niveau de tout le reste. Mieux, après plus de 25 heures, on éprouve toujours du plaisir à la parcourir de long en large, sans utiliser le Fast Travel pourtant disponible après un petit moment. Il faut dire que le système de déplacement est extrêmement souple, fluide et crédible, Spidey ne pouvant par exemple pas se servir d’un nuage pour accrocher ses toiles. Le combo Swing/Parkour se révèle exquis et procure un vrai sentiment de liberté aussi bien quand il s’agit de se balancer de building en building, de courir sur une façade de bâtiment ou en marchant dans des rues animées à divers moments de la journée. On appréciera alors de se poser quelques instants en scrutant des plans dignes d’une carte postale sur le rebord d’un immeuble, entouré de pigeons picorant quelques graines.
Ce niveau de finition se retrouve en outre dans les divers effets spéciaux, les plans de caméra (lors des finish moves) et aussi et surtout les animations de Spider-Man, plus élastique que jamais. Les artistes d’Insomniac s’en sont donné à coeur joie et cela se ressent dans chaque acrobatie nous donnant véritablement l’impression d’incarner Spider-Man, celui-là même qu’on a connu dans les pages de Strange, à la télévision ou au cinéma. Et c’est bien ça finalement qui fait de Spider-Man un jeu aussi excellent malgré ses défauts. Tout comme Rocksteady avec le Dark Knight, Insomniac Games s’est complètement approprié le super-héros et a réussi à proposer sa vision du New-Yorkais, toujours aussi blagueur mais plus humain et incroyable que jamais quand il s’agit de passer à l’action.
Super PC pour super-héros ?
Concernant cette nouvelle version, sans surprise, Sony a effectué du bon boulot. Déjà d’un point de vue du contenu, vous aurez le droit aux DLCs sortis à l’époque. Au nombre de trois (Le Casse, La Guerre des Gangs et Le Retour de Silver), ils forment une histoire complète mettant en scène de nouveaux personnages à l’image de La Chatte Noire, Silver Sable, Hammerhead, etc. Si on y trouve des costumes supplémentaires, le tout s’avère malheureusement assez limité avec trop de longueurs inutiles et une courbe de difficulté plutôt mal gérée. Reste que l’ensemble rajoute malgré tout quelques heures au compteur, ce qui n’est pas négligeable tant le gameplay reste agréable.
D’un point de vue technique, même si j’ai constaté quelques bugs graphiques ici et là (testé sur un PC i7-9700K 3,6 Ghz, GeForce GTX 1070, 16 Go de RAM), l’ensemble s’avère extrêmement fluide (avec des réglages en Élevés, résolution 3440×1440, 60fps sans Ray Tracing) même si il conviendra d’avoir, selon les recos de PlayStation, une GeForce RTX 3080 ou une Radeon RX 6950XT pour avoir une expérience optimale (4K/60 avec Ray Tracing). On appréciera également à l’image de God of War la gestion des écrans ultra wide (21:9), du DLSS d’Nvidia ou bien encore de la manette DualSense.
Quoi qu’il en soit, si vous avez une configuration qui, à l’image de la mienne, commence un peu à dater, vous pourrez malgré tout profiter de ce titre trônant toujours dans le trio de tête des meilleures adaptations de supers-héros de tous les temps aux côtés des Batman Arkham.
Aussi indispensable sur PC que consoles et s’intégrant parfaitement dans le moule des productions Sony, le titre des Californiens fait sensation à tous les niveaux. Beau, jouable, excitant, surprenant, émouvant même, Spider-Man s’avère être le jeu que tous les fans attendaient. A partir d’une formule qu’on aurait pu penser érodée, les développeurs ont en effet conçu un jeu équilibré, jouissif et dispensant un immense sentiment de liberté et de puissance. Force est de constater que croquer la Grosse Pomme n’aura jamais été aussi succulent et si plusieurs pépins sont bel et bien visibles, on attend déjà avec impatience la nouvelle cueillette qui devra se montrer encore plus savoureuse. On fait confiance à Insomniac qui semble avoir tout compris du personnage, en en ayant saisi toute l’essence comme ce fut le cas il y a quelques années avec Rocksteady et un certain Batman.