En 2018, Marvel’s Spider-Man avait offert au Tisseur une aventure à sa hauteur, à l’image de ce que Rocksteady avait fait plusieurs années auparavant avec le Dark Knight via Arkham Asylum. Plus élastique, bondissant et cabotin que jamais, Spidey en était ressorti grandi et pouvait entrevoir l’avenir avec sérénité, sous l’égide des papas de Ratchet & Clank. Le personnage, propriété de Sony popularisée auprès du grand public via plusieurs longs-métrages, semblait donc être le parfait candidat pour accompagner la sortie de la nouvelle console du constructeur japonais. Outre le plaisir de replonger dans cet univers, Insomniac Games nous offre cette fois la possibilité d’incarner non pas Peter Parker, mais son jeune protégé, Miles Morales, en faisant de ce stand-alone une suite directe au titre original. Logique mais au-delà de ce parti-pris, le gameplay initial a-t-il su évoluer en faisant de ce titre l’étalon à même de booster les ventes de la PS5 ?
Déjà présent dans le jeu de base, Miles révélait, à la toute fin de l’aventure, ses pouvoirs au Spider-Man original. Sorte de miroir adolescent de Peter Parker, Miles Morales, alors âgé de 15 ans, se présentait comme un atout de poids pour Peter et accessoirement le nouveau défenseur de New-York. En plus des origines hispaniques (de par sa mère) et africaines (de par son père) de Miles fortement inspirées par l’ascension de Barack Obama au pouvoir, il est à noter que le personnage se verra porter au cinéma en 2018, à travers le magnifique film d’animation Spider-Man : New Generation. Une machine marketing (et artistique) parfaitement huilée et permettant de proposer au public cible un choix de contenus à même de développer l’univers de Spider-Man sur plusieurs supports. Le tout n’est bien entendu pas anodin et si Marvel’s Spider-Man : Miles Morales reprend donc plusieurs éléments de New Generation, des longs-métrages live et des comic books, le revers de la médaille est qu’il ne donne que rarement l’impression de pleinement s’émanciper de ses influences.
Une histoire avec une vraie Morale(s) ?
L’histoire née de ce postulat de départ n’arrive donc que rarement à nous surprendre d’autant que les quelques ramifications entre les individus sont ici aussi issues, pour la plupart, de New Generation. Si on y ajoute peu de personnages gravitant autour de Miles, le scénario s’avère cousu de fil blanc jusqu’à son final, sans surprises bien que réussi. Il est toutefois amusant de noter que quelques éléments semblent faire directement référence à certains longs-métrages (dont Far From Home) ou à l’histoire de Peter Parker lors d’instants se voulant plus poignants.
Bien que le synopsis de Marvel’s Spider-Man : Miles Morales s’avère plutôt générique pour qui est familier de cet univers, on appréciera le côté «passation de (grands) pouvoirs (et donc de grandes responsabilités)» entre Peter et Miles qui aura la lourde tâche de veiller seul sur la Big Apple. Bien entendu, les problèmes ne tarderont pas à surgir, qu’ils soient synonymes de vols de voiture, de trafics d’armes ou d’affaires plus sérieuses faisant intervenir ennemis connus et nouveaux venus. Une manière comme une autre de lier Marvel’s Spider-Man et ce stand-alone, sorte d’entre-deux annonçant d’ores et déjà le véritable Marvel’s Spider-Man 2 qui ne devrait pas tarder à être officialisé au vu des excellentes ventes de l’original. Ce n’est donc pas tant dans l’histoire de cet opus (proposant par ailleurs quelques passages joliment amenés en plus d’être très fortement inspirés par l’oeuvre de Naughty Dog et une dimension familiale très marquée) que dans ce qu’il met en place pour une potentielle suite que Miles Morales s’avère excitant.
Une mise en scène à 88 Miles à l’heure
Alors que le titre se construit autour d’un jeu de miroirs entre la vie de Miles et celle de Peter via plusieurs scénettes mettant en avant l’amitié et la complicité entre le jeune garçon et son ami Ganke Lee ou bien encore la relation avec sa mère suite au décès son père, le jeu d’Insomniac étonne davantage à travers sa mise en scène incroyablement dynamique, très hollywoodienne et usant, à travers une séquence absolument bluffante, de tous les éléments qu’offre le jeu vidéo (interaction comprise) pour asseoir définitivement Spider-Man comme le super-héros le plus amusant à incarner de ces dernières années.
Dès ses trente premières minutes, maîtrisées à la perfection et servant aussi bien de raccord avec le précédent jeu, de passage de flambeau, mais aussi de tuto, Miles Morales donne le La d’une aventure aussi bondissante et jouissive que son aînée, qu’on incarne Spidey manette en mains ou qu’on assiste à ses prouesses à travers des cinématiques intégrant une caméra faisant fi de la gravité pour iconiser comme jamais le New-yorkais virevoltant. La technique aidant, le jeu alterne alors très souvent entre cinématiques et passages in game avec une étonnante fluidité et se pose, à l’image d’un certain God of War, comme un nouvel hybride ayant réussi à gommer les barrières entre les septième et dixième arts.
L’Araignée sympa du quartier
Il est toutefois un peu frustrant qu’en marge de cette réalisation de haute volée, le tout ait des airs de déjà-vu puisque construit sur les bases du précédent jeu. Certes, New-York profite désormais d’un superbe skin de Noël avec ses parcs et autres immenses avenues enneigées, Miles dispose de nouveaux pouvoirs et gadgets dynamisant l’action et apportant un peu de variété à l’infiltration mais dans l’absolu, les activités proposées sont peu ou prou identiques à celles du jeu de 2018. Cependant, en parallèle des événements aléatoires (courses-poursuites, braquages, trafics d’armes…), on appréciera à nouveau d’avoir plusieurs missions annexes un chouilla plus scénarisées. Dans les faits, bien que ces missions soient également pensées autour du même gameplay (action/infiltration/exploration), elles apportent un peu de fraîcheur d’autant qu’elles sont accessibles à l’aide d’un menuing amélioré, via un accès rapide grâce au pavé tactile. Notons que si on ne retrouve pas les deux mini-jeux (surexploités) de Marvel’s Spider-Man, Insomniac les troque ici pour quelques énigmes basées sur des pylônes électriques à raccorder. Rien de très compliqué, mais suffisamment bien pensé pour mettre en avant le level design très réfléchi du titre quelle que soit votre approche.
Bien sûr, afin de booster la durée de vie du titre, la recherche de collectibles et l’obtention des différentes médailles dans les défis disséminés à travers la ville, est toujours d’actualité. A la clé, des jetons pour améliorer vos gadgets ou obtenir les nombreux costumes à dispo. Notez que vous devrez automatiquement débuter un New Game+ pour obtenir plusieurs d’entre eux ainsi que les dernières compétences de Miles Morales qui profite cette fois de quelques mouvements supplémentaires tournant autour de pouvoirs bioélectriques. Invisibilité temporaire, charge électrique, attaque de zone, vous aurez de solides arguments pour venir à bout de la nouvelle faction de l’Underground composés d’adversaires véloces et lourdement armés. Une plaie surtout si vous vous attaquez à leurs repaires synonymes d’une kyrielle de gardes et dénotant d’un challenge très corsé si vous vous décidez à foncer tête baissée sans réfléchir.
S’il est toujours aussi plaisant de profiter de cet excellent système de combat et de ces déplacements fluides associés à une gestuelle indissociable du personnage, il est en revanche décevant de ne pas avoir plus de boss, cet état de faits nous renvoyant au statut de «simple» suite 1.5 du jeu sorti en 2018. Frustrant d’autant que les développeurs maîtrisent parfaitement la chose à travers les trois affrontements du jeu.
Entre Spider-Sense et DualSense
Avant de conclure, penchons-nous sur les différentes moutures du jeu. La version reine, sur PS5, profite de deux modes, autrement dit Graphismes et Performance. Le premier, vous permettra de jouer en 4K et d’avoir des effets de Ray Tracing mais sera capé à 30fps. Le mode Performance, lui, propose de jouer dans une résolution proche de la 4K, sans Ray Tracing mais en 60fps. Ma recommandation va plutôt au second mode pour un meilleur ressenti apportant beaucoup de fluidité au gameplay. Qui plus est, il m’a semblé que ce mode améliorait également la netteté de l’image, que ce soit sur un écran de PC ou l’ensemble des téléviseurs (OLED, 4K/HDR, 4K) sur lesquels le jeu a été testé. Enfin, si vous n’imaginez pas l’aventure sans Ray tracing, le tout est plus que dispensable sachant qu’il n’est principalement synonyme que de reflets dans les vitres, comme vous pouvez le voir ci-dessous. Bien que le constat soit également similaire pour les features de la DualSense, ici réduites à leur plus simple expression, les vibrations et les gâchettes adaptatives pourront améliorer le feeling lors des déplacements, ceci variant bien entendu en fonction du ressenti très personnel des joueurs.
Quid de la version PlayStation 4 ?
Marvel’s Spider-Man : Miles Morales étant un titre cross-gen, il convenait de voir comment il pouvait tourner sur une machine vieille de sept ans déjà. Sans surprise, le titre d’Insomniac Games bénéficie du même soin apporté à sa finition que le jeu principal, sorti deux ans plus tôt. On recommandera d’y jouer plutôt sur PS4 Pro pour bénéficier, notamment, de la HDR (seule option que vous pouvez activer ou non, le jeu ne proposant pas d’alterner entre mode « graphismes » et mode « performance »), voire d’un mode photo particulièrement impressionnant en résolution maximale, et bien sûr d’un framerate particulièrement stable ; cependant, les possesseurs de PS4 « fat » ou slim ne seront pas lésés.
Durant nos sessions de jeu sur les deux modèles de PS4, hormis un seul freeze du jeu sur PS4 Pro, nous n’avons pas constaté de réelles faiblesses handicapantes en terme de rendu, ce qui confirme que les joueurs ayant de bons souvenirs de Marvel’s Spider-Man retrouveront toutes les qualités techniques qui rendaient l’expérience fluide et agréable en 2018, et surtout, rencontreront aussi peu de faiblesses (les chutes de framerate se montrant franchement rares). En résumé, sur une PS4 basique, attendez-vous à un titre joli et fluide, quasi exempt de vilains ralentissements, auquel on préférera cependant une version PS4 Pro qui le met davantage en valeur et à laquelle il ne manque franchement que le ray-tracing et/ou le 60fps… que seule la version PlayStation 5 saura vous apporter.
En définitive, Marvel’s Spider-Man : Miles Morales est à Marvel’s Spider-Man, ce que Batman Arkham Origins fut à Batman Arkham City. Bâti sur de solides fondations, apportant un peu de sang neuf, mais affaibli par un énorme sentiment de déjà-vu. Pas de quoi bouder son plaisir d’autant que Miles Morales s’avère bien plus intéressant que les trois DLC ayant conclu de manière un peu maladroite la précédente aventure. Alors qu’on lui reprochera d’avoir manqué d’ambition dans sa structure toujours aussi classique, la diversité de ses objectifs ou son scénario trop convenu, on saluera néanmoins les quelques améliorations de gameplay et surtout sa fabuleuse mise en scène à la croisée des chemins du cinéma et du jeu vidéo. Vous cherchiez une excuse pour retourner vous balancer entre les buildings de Manhattan ? Insomniac Games vous a entendu…
Classique dans sa construction et son scénario, époustouflant dans sa mise en scène, Marvel’s Spider-Man : Miles Morales détonne à défaut d’étonner. S’axant autour d’un excellent gameplay profitant ici d’améliorations, le tout peine toutefois à convaincre dans sa proposition de contenu trop proche de celle du jeu de 2018. En soi, ce n’est pas très problématique d’autant qu’on troque ici l’élément de surprise pour une sensation de puissance encore plus prégnante grâce aux nouvelles capacités de Miles. Toujours aussi agréable dans son système de déplacement et ses scènes d’action, légèrement plus fun dans ses passages d’infiltration, le titre maximise une structure parfaitement rodée sans jamais chercher à réagencer les éléments. Un bien pour un mal débouchant sur un stand-alone plus hollywoodien que jamais, mais s’enfermant de lui même dans une structure très convenue.