Invincible S01 : Entre adolescence et ultra violence

Alors qu’il n’a pas encore la renommée qu’il connaîtra en 2007 avec The Walking Dead, Robert kirkman nous offre une œuvre trash, excitante et profonde 5 ans auparavant. C’est en 2002 que sort le premier volume d’Invincible, sorte de déclinaison trash de Superman proposant moult débordements gores bien avant le comics de The Boys qui n’arrivera qu’en 2006. En 2019, nous arrive l’adaptation du comics de Garth Ennis qui connaît un succès autant public que critique. Irrévérencieux, violent et prenant le meilleur de la BD tout en modifiant quantité de détails, le show d’Eric Kripke est logiquement reconduit pour une deuxième puis troisième saison. Réfléchissant en parallèle à une sorte de pendant animé aux débordements gores de The Boys, Amazon lance la production d’Invincible en 2018 qui arrive sur la plate-forme trois ans plus tard. Une attente qui en valait largement la chandelle.

Avant d’être une fable s’étalant jusqu’au fin fond du cosmos, Invincible traite de l’adolescence, du douloureux passage à l’âge adulte et de ce que cela implique de décisions et de désillusions. Mark Grayson, jeune lycéen en sait quelque chose en tant que fils d’Omni-Man, le plus puissant des super-héros ayant débarqué sur Terre il y a de nombreuses années. Ayant tardivement acquis les mêmes capacités que son paternel, il devient du jour au lendemain un justicier en prenant le nom d’Invincible, ce qui nous donne d’entrée de jeu une idée de l’étendue de ses pouvoirs. Le jeune homme va alors devoir conjuguer vie amoureuse, études et son nouveau «job». Invincible alterne avec une étonnante fluidité entre le quotidien de tout adolescent et l’ampleur de la tâche qui attend Mark. A travers 8 épisodes d’une durée de 45 minutes, la série prend son temps pour développer ses personnages tout en y intégrant d’incroyables scènes d’action, bluffantes et d’une brutalité sans nom. La mise en scène compense ainsi une animation qui n’est pas toujours à la hauteur et le scénario fait le reste.

Le premier épisode par exemple se ponctue de façon inattendue voire choquante en faisant des actes d’Omni-Man un passionnant fil de rouge qui, on vous rassure, trouvera une explication (elle aussi tétanisante) dans le dernier épisode. La force de la série vient donc de sa propension à ne jamais oublier d’entretenir le mystère tout en faisant évoluer ses héros à commencer par Mark qui très rapidement sera confronté à de douloureuses prises de conscience en comprenant que malgré ses immenses pouvoirs, il ne peut sauver la Terre entière.

Sans jamais dévier de sa vision initiale, Invincible ajoute également une dynamique de groupe en construisant autour des compagnons de Mark des intrigues parallèles, pas toujours au niveau les unes des autres mais densifiant un peu plus l’histoire.

C’est aussi dans son ultra violence et son côté outrageusement gore que la série trouve son identité. Hollywoodiennes dans l’âme, les scènes d’action ne lésinent jamais sur les membres arrachés et les explosions (de véhicules, bâtiments mais aussi d’organes) tout en déployant une énergie folle. Chaque coup porté fait mal et qu’on soit Invincible ou non, la défaite n’est jamais loin si on n’y prend pas garde. C’est aussi en cela que la série est intéressante car si la base renvoie à moult sagas DC (Superman, Teen Titans), Kirkman malmène ses personnages en les confrontant à des sentiments et leur opposé : le courage et le doute, l’amour et la trahison, l’unité et l’individualisme. Invincible devient dès lors beaucoup plus qu’une simple série de supers-héros bien que ces derniers assurent continuellement le spectacle. Pour autant, le tout ne se prend pas au sérieux et distille plusieurs traits d’humour pour mieux rebondir sur une énucléation quelques minutes plus tard afin de surprendre le spectateur.

Nantie d’une réalisation efficace et parfois très inspirée (la scène du métro de l’épisode 8), l’adaptation d’Amazon prend également quelques distances avec le comics, à l’image de ce qui avait fait pour The Boys. Une sage décision car sans trahir le matériau original, elle le modifie intelligemment afin de pouvoir étonner les fans de la première heure. L’une des nombreuses qualités de la série dont deux autres saisons ont d’ores et déjà été commandées pour notre plus grand plaisir.

Époustouflante de son premier à son dernier épisode, Invincible culmine aussi bien dans ses scènes d’action anthologiques que dans ses dialogues à l’intérieur de la sphère familiale. Prenant soin de développer habilement ses intrigues tout en offrant des affrontements percutants, cette première saison est une totale réussite si l’on excepte une animation manquant souvent de fluidité ou des intrigues secondaires pas toujours au niveau. Un détail tant le plaisir de la découverte est là grâce à une incroyable galerie de personnages et un ton résolument adulte malgré son héros adolescent.

Yannick Le Fur

Yannick Le Fur

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