Orphelins depuis la fin (définitive ?) de la série des Batman Arkham, les fans de DC attendaient le jeu qui aurait pu à nouveau leur permettre de survoler Gotham afin de baffer du malfrat à tout va. Alors que Rocksteady s’en était allé voir du côté de Suicide Squad, c’est chez Warner Bros Games Montréal qu’avait échu l’univers du Dark Knight. Pour autant, point de Batman dans Gotham Knights puisqu’entièrement dédié aux élèves du Chevalier Noir que sont Nightwing, Robin, Batgirl et Red Hood. Un parti pris plutôt osé mais pour autant pas dénué de sens pour qui chercherait un peu d’originalité.
Le Dark Knight n’est pas étranger à Warner Bros Games Montréal. En 2013, alors que le studio anglais Rocksteady s’attelle au développement du troisième opus de la saga des Batman Arkham, les Québécois se chargent de leur côté d’un nouvel épisode afin de combler le vide jusqu’à la sortie d’Arkham Knight. L’idée est alors de concevoir un préquel à Asylum bâti sur les (excellentes) bases des jeux de Rocksteady. C’est ainsi que Batman Arkham Origins voit le jour. Présenté comme un opus centré autour de ses combats de boss, le titre intègre également du multijoueur (anecdotique) à la charge du studio Splash Damage. Se parant d’une ambiance hivernale, Origins profite du travail de Rocksteady, le système de combat Free Flow ou bien encore la modélisation de Gotham issue d’Arkham City. Toutes les planètes semblent alignées pour que le titre rencontre autant de succès que ses prédécesseurs sauf que…le tout fonctionne moins bien dans sa globalité, la faute à une mise en scène sans inventivité, des combats de boss peu inspirés (un comble) ou bien encore une forte impression de déjà-vu. Si le studio redressera la tête via un excellent DLC se déroulant dans le manoir Wayne investi par Mister Freeze, cette histoire nous montre que le studio avait à l’époque les épaules moins solides que celles de Rocksteady. Neuf ans plus tard, leur nouvelle incursion à Gotham a donc de quoi intriguer d’autant qu’en lieu et place de Batman, ce sont ses protégés qui lui volent la vedette.
Gotham nous fait la cour
Optant à nouveau pour du semi open world, on ne sera pas vraiment surpris par le fait d’évoluer dans une Gotham blindée d’activités, bien que manquant de vie. En premier lieu, on sera étonnés que techniquement et visuellement, le tout soit moins beau et maîtrisé qu’Arkham Knight bien que celui-ci date de 2015. Difficile dans ce cas de comprendre et d’accepter l’absence de 60fps. S’articulant autour de la mort de Bruce Wayne et du fameux arc de La Cour des Hiboux, Gotham Knights tente, tant bien que mal, de nous narrer une version alternative de cette histoire en remplaçant Batman par nos quatre héros interchangeables qui vont devoir ramener l’ordre en ville tout en faisant la lumière sur une conspiration aux ramifications étendues. Afin de densifier sa narration, Gotham Knights intègre en parallèle trois autres arcs secondaires mettant en scène Harley Quinn, ClayFace et Mister Freeze. Libre à vous de naviguer entre chacune de ses intrigues au fil de votre progression d’autant que chacune d’entre elles s’avère réussie. Cependant, c’est dans sa construction que le jeu pèche énormément malgré une impression de contenu gargantuesque et un florilège de missions diverses et variées. Kidnapping, attaque de fourgons, piratage de données, vol d’ADN, Gotham Knights semble généreux même si passées quelques heures, on se rend compte que c’est beaucoup de poudre aux yeux.
Comme dans n’importe quel jeu de ce type (à commencer par Marvel’s Spider-Man, autre influence évidente du studio), on aura le choix d’avancer en ligne droite dans l’histoire ou de faire nombre d’à-côtés pour augmenter le niveau de ses héros. Retenez à ce sujet que si le niveau recommandé ne changera pas pour les quêtes principales et les trois scenarii additionnels, celui des objectifs annexes s’adaptera à votre niveau actuel. Construit autour du principe de nuits, chaque fois que vous quitterez le Beffroi (votre base d’opération où vous pourrez parler à Alfred, changer de héros, profiter de cinématiques liées à vos personnages…), vous aurez un certain nombre d’activités pour vous occuper. Se faisant, vous obtiendrez des «points d’investigation» qui vous permettront de débloquer d’autres activités la nuit suivante et ainsi de suite. L’idée est bonne car outre le fait de procurer un sentiment de travail accompli, elle permet aussi de segmenter votre temps de jeu et de ne pas subir un aspect bourratif commun à pas mal d’open world à commencer par ceux d’Ubisoft (aussi bons soient-ils).
Comme je le disais au-dessus, vous aurez dans Gotham Knights pas mal d’activités, sauf que 95% d’entre-elles s’articulent autour de combats contre l’une des factions du jeu. En somme, le type d’objectifs n’est finalement qu’une façade, ce qui amène logiquement un sentiment de redondance très important. Pour «varier» les plaisirs, on pourra terminer une rixe en essayant de remplir certains objectifs (faire x lancers, ne pas subir de dégâts…) mais sachant que ces derniers tournent eux aussi en boucle, on les laissera tomber dès lors qu’on aura atteint notre niveau max. Restera alors les courses en Batcycle, les séquences d’infiltration et les scènes de crime. Malheureusement, aucune d’entre elles ne s’avère suffisamment probante. Pire, elles se montrent bien moins bonnes que leurs homologues de la saga Arkham. Ainsi, les courses en Batcycle sont molles et sans challenge et l’infiltration se résume à sa plus simple expression en nous demandant de désactiver des caméras et d’éliminer des gardes dans des endroits au level-design paresseux. Quant aux scènes de crime, entre un aspect «jeu d’objets cachés» nous réclamant de balader notre curseur sur l’écran pour trouver des indices et la résolution consistant à lier deux indices entre eux, on est ici aussi très loin des scènes d’enquête de Gotham Knights. Cet aspect est encore plus présent dans les scènes de crime additionnelles qui tournent toutes autour du même objectif : trouver l’endroit d’où viennent les criminels. En somme, la victime, le modus operandi ou les indices deviennent ici totalement secondaires puisque seul l’élément contenant un lieu devient utile. Un bilan très mitigé donc plus ou moins atténué par la complémentarité des quatre héros.
Un pour tous, tous pour un !
En effet, si il y a quelque chose qu’on ne peut enlever à Gotham Knigts, c’est bien le fait qu’il soit très agréable de diriger chacun des quatre personnages possédant leur propre style et capacités associées. Bien que Red Hood se distingue par sa propension à utiliser ses flingues, il se montre aussi très efficace au cac à l’instar de ses trois compagnons. D’ailleurs, si les trois autres héros versent davantage dans le combat rapproché, leur style diffère quelque peu ne serait-ce que par l’arme qu’ils utilisent chacun : les bâtons d’eskrima pour Nightwing, le bâton de bo pour Robin et les tonfa pour Batgirl. On signalera aussi un moyen de déplacement propre à chaque héros (en plus du grappin, du Batcycle et des points de voyage rapide) afin d’explorer Gotham. Cependant, c’est surtout à travers leurs capacités d’élan que la différence se fera ressentir. Pour les débloquer, vous devrez au préalable remplir certains défis au fur et à mesure de l’aventure. Ensuite, une fois donné un certain nombre de coups à vos adversaires, vous serez capables de les utiliser, via une pression sur la touche R1 et un bouton d’action associé. Simple même si on pourra trouver abusé le cooldown abusivement long pour la capacité la plus puissante dont l’efficacité variera d’ailleurs grandement en fonction des héros.
Nonobstant la complémentarité des héros, difficile d’excuser les faiblesses du système de combat inspiré du Free flow et du système de Marvel’s Spider-Man mais n’arrivant jamais à leur hauteur. On regrettera ainsi l’impossibilité de locker, ceci nous valant souvent de frapper à côté ou une précision toute relative surtout lorsque notre héros se jette de lui même sur un ennemi alors qu’on est en train d’en finir avec un autre. Poursuivons avec une caméra trop proche rendant les rixes brouillonnes, surtout en intérieurs, ou un système bien trop basé sur les esquives à répétition à cause de l’absence de contres. Ceci fait d’ailleurs toute la différence avec le Free flow d’autant qu’il est impossible de passer par dessus un ennemi et qu’on subira continuellement les assauts répétés des ennemis ne se privant pas de nous tirer dessus à une cadence effrénée. On devra alors continuellement esquiver, frapper une ou deux fois, esquiver et ainsi de suite. Epuisant à la longue. Certes, en gagnant de l’expérience (heureusement commune aux quatre héros), on augmentera nos statistiques d’attaque, on débloquera des skills rendant le tout un peu plus fun mais malgré cela, Warner Bros Games Montréal aurait largement gagné à améliorer le système pour éviter certains affrontements trop longs ou même l’obligation de crafter des pièces d’équipement pour gagner en efficacité.
Loot them all
C’est ici qu’intervient la dimension «jeu service» de Gotham Knights, non pas dans sa structure mais bel et bien dans son gameplay nous forçant à enchaîner les missions pour gagner des matériaux indispensables pour obtenir armures, armes (au corps à corps et à distance) et mods. Si l’idée s’avère déjà très clivante dans le cadre d’un jeu soutenu par son scénario et son ambiance, elle est ici très intrusive en cela qu’on devra, pour chaque héros, recommencer encore et encore les mêmes missions pour obtenir des schémas plus puissants. On pourra également désassembler les équipements pour obtenir davantage de matériaux afin de crafter un équipement plus puissant dont le niveau augmentera en y associant des mods liés aux attaques critiques, aux dégâts ou à la défense élémentaires, à notre santé, etc. Si le système permet d’obtenir des équipements plus efficaces face aux différentes factions, et surtout aux boss ayant chacun des forces et faiblesses, on restera dubitatifs devant ce système qui n’avait pas nécessairement sa place dans un tel univers d’autant que la fusion de mods s’avère souvent aléatoire en nous donnant des résultats qui n’ont ni queue ni tête.
Concernant les boss justement, Gotham Knights s’en sort convenablement. Au risque de me répéter, le titre fait toutefois largement moins bien qu’Arkham City (autant dans la mise en scène que la façon de les battre), bien que certains d’entre-eux procurent de bonnes sensations et réclameront de votre part un minimum de dextérité. A ce sujet, on notera qu’une fois terminé le jeu, on pourra reprendre chaque combat de boss, avec trois ami.e.s. Bien plus coriaces (et avec un fort aspect «sac à PV»), ils vous réclameront toutefois un niveau de puissance global minimal avant de vous y frotter et des équipements de Niveau 60. Mentionnons également que si ce contenu gratuit est venu enrichir le New Game+, il est également arrivé avec Les Assauts héroïques (ici aussi pour 1 à 4 joueurs), soit 30 étages remplis d’ennemis qui vous rapporteront un loot de meilleure qualité permettant de crafter des équipements plus puissants et donc d’augmenter votre puissance. Un petit bonus non négligeable qui ne fera cependant pas oublier qu’à la base, l’aventure principale avait été pensée pour être jouée à quatre joueurs avant que cette feature ne soit ramenée à deux. Sur ce point d’ailleurs, il sera intéressant de jouer en duo pour récupérer plus rapidement les nombreux collectibles (enregistrements audio, couvertures de comics, pages de l’histoire de La Cour des Hiboux…), un objet découvert par l’un allant aussi dans l’inventaire de l’autre. Pratique d’autant que cette activité s’avère peu passionnante dans Gotham Knights malgré les informations qu’on obtiendra sur le lore.
Le titre ne manque donc pas de contenu, d’autant que chaque héros pourra revêtir une quinzaine de costumes plutôt classes, ni même d’idées mais se heurte malheureusement à de très nombreuses approximations rendant l’expérience trop classique voire agaçante par moments. Frustrant surtout qu’artistiquement, hormis un character design très carré, Gotham Knights offre parfois des ambiances très sombres ou au contraire des jeux de lumière mettant en valeur décors autant gothiques qu’urbains. La visite dans l’asile d’Arkham et les lieux où réside la Cour des Hiboux s’avère particulièrement réussie grâce à un soin tout particulier apporté aux décors. Ce n’est donc pas tant l’absence du Dark Knight qui fait défaut à Gotham Knights mais bel et bien le savoir-faire du studio britannique dont l’héritage est ici la plus grande force mais aussi la plus grande faiblesse tant Warner Bros Games Montreal n’aura pas su l’utiliser à bon escient pour proposer une suite aussi ambitieuse et réussie que la trilogie Arkham.
Sans être foncièrement mauvais, le titre de Warner Bros Montreal doit supporter la comparaison avec la série des Batman Arkham qu’il n’arrive jamais à dépasser quel que soit le sujet évoqué. Classique sans être pour autant inintéressant, le titre des Québécois se montre simplement moyen sur tous les aspects et ne parvient jamais à convaincre pleinement aussi bien dans son histoire (cousue de fil blanc), ses combats ou son exploration. Devant également composer avec un aspect «En travaux» synonyme de nombreuses maladresses et autres approximations, Gotham Knights se laisse parcourir mais est malheureusement voué à rester dans l’ombre de la série de Rocksteady.