Ghostbusters : Afterlife, les fantômes du passé reviennent nous sauver

En 2016, Sony Pictures Entertainment relançait la franchise Ghostbusters avec un épisode bancal, qui tentait tant bien que mal de rebooter la licence et de lui rendre hommage à travers des références intégrées au forceps et un humour bas de plafond. Cinq ans plus tard, les chasseurs de fantômes ressortent les packs de protons pour un opus cette fois aussi nostalgique que sincère…

Abandonnant les rues bondées de New-York, lieu de prédilection des précédents volets, Jason Reitman (Thank You for Smoking, Juno) choisit la petite ville américaine de Summerville pour planter son décor. Anachronisme bétonné, la bourgade semble s’être figée dans les années 80, auxquelles Reitman fait d’ailleurs constamment référence, par l’entremise du cinéma du coin, diffusant le Cannibal Girls du paternel, quantité de clins d’œil ou encore par l’architecture même du long-métrage qui évoque les grandes heures d’Amblin, la société de production de Steven Spielberg.

L’Héritage est donc un cri du cœur aux eighties, une lettre d’amour aux références cinématographiques du réalisateur quarantenaire, mais aussi, et surtout, une suite essayant de prendre le meilleur de son modèle tout en allant de l’avant. Respect et innovation, telle pourrait être la maxime de ce nouveau Ghostbusters.

La rupture de ton initiée, loin d’être anodine, permet dès le départ d’offrir à S.O.S. Fantômes : L’Héritage une dimension plus intimiste, qu’on retrouve également dans son synopsis. Callie (Carrie « Gone Girl » Coon), endettée jusqu’au cou, doit quitter son appartement et choisit de se mettre au vert avec ses deux enfants, Trevor (Finn « Stranger Things » Wolfhard) et Phoebe (l’excellente Mckenna Grace). Emménageant dans la demeure décrépie de son défunt père, Callie et sa petite famille ne vont pas tarder à découvrir que la charmante bourgade n’a rien à envier à la Big Apple en matière d’apparitions ectoplasmiques.


Une histoire de famille

S’articulant autour de la notion de parenté, L’Héritage troque le film de potes pour une histoire de famille, soudée dans l’adversité, et qui va devoir tout reprendre à zéro en s’acclimatant tant bien que mal à un nouvel environnement campagnard. Un point de départ original (pour la saga) même si on aurait pu s’attendre à ce que Jason Reitman approfondisse davantage les relations entre les protagonistes. À l’inverse, le réalisateur choisit d’éclater sa narration et de développer ses personnages en offrant à chaque membre de la famille un compagnon de route.

Sur ce point, on trouvera matière à redire, car si la jeune Phoebe, aussi à l’aise en sciences qu’en blagues vaseuses, forme avec Podcast (Logan Kim) un délicieux duo qui n’aurait nullement détoné dans les Goonies de Richard Donner, le reste de la famille n’a malheureusement pas autant de chance. Trevor, féru de mécanique un peu paumé, devra se contenter d’une amourette avec une jeune serveuse du drive-in où il travaille. Le personnage se trouve au final très effacé, à l’image de sa charmante et dynamique maman partagée entre le désir de reconstruire sa vie et celui de flirter avec Paul Rudd, parfait dans son rôle de professeur débonnaire à mi-temps, plus intéressé par ses études sismologiques que par ses cours, dont la finalité consiste à passer des VHS de Cujo et autres Chucky à ses élèves.

En cela la narration est quelque peu bancale, la plupart des personnages ne semblant destinés qu’à errer d’une scène à l’autre jusqu’à servir « la cause » de Phoebe. C’est elle, en effet, qui va entrer en contact avec l’Au-Delà pour éviter un chaos à venir.

Un hommage vibrant mais prévisible

Intimement lié au film de 1984, S.O.S. Fantômes : L’Héritage subit quelque peu le besoin de connecter son intrigue à celle du film d’Ivan Reitman. Cependant, bien que les Easter eggs et autres apparitions réelles ou fantomatiques (jusqu’à la scène post-générique) génèrent des sourires complices en ravivant d’agréables souvenirs (notamment au détour d’une séquence poétique des plus touchantes), la plupart servent aussi habilement l’intrigue. Revers de la médaille, ils ont également le défaut de rendre le scénario bien trop prévisible.

Nous nous garderons de trop vous en dévoiler, mais sachez que le film ne surprend jamais, ni dans son histoire, qui grille trop rapidement ses cartouches, ni dans les manifestations spectrales, finalement assez timorées et trop ancrées dans le passé de la saga. Certes, il est amusant de retrouver un Bouffe-tout grassouillet, mais il y avait sans doute matière à proposer une galerie de créatures plus réjouissantes, plus espiègles, tout en mettant à contribution Summerville pour de réjouissantes scènes de destruction à bord de l’Ecto-1. On retiendra néanmoins quelques excellentes idées, très « Gremlinsesques », malheureusement spoilées dans des extraits diffusés en amont de la sortie du film.

Reste que Jason Reitman emballe le tout avec une joie communicative, en usant d’élégants plans de caméra pour mettre en valeur les panoramas de l’Oklahoma (ou plutôt d’Alberta, au Canada, où a été tourné le film), embellis par la photo d’Eric Steelberg (un habitué du réalisateur). Le film profite aussi du respect infini que le réalisateur témoigne aux films de son papa, que l’on retrouve dans le jeu des acteurs et actrices, et on saluera le dernier arc, plus dynamique, qui doit beaucoup au mélange entre effets spéciaux dernier cri et animatroniques, pour un résultat à la fois moderne et joliment désuet.


911 raisons d’appeler qui vous savez…

Au-delà de sa prévisibilité, S.O.S. Fantômes : L’Héritage conjugue une touchante sincérité à un besoin d’aller de l’avant en passant le flambeau à une toute nouvelle génération de Chasseurs de fantômes. Mû par ses jeunes comédien·ne·s, parfaitement dans le ton, et propulsé par un revival de séries et films eighties, ce nouvel épisode réussit, malgré ses écueils, à trouver un certain équilibre : il saisit le meilleur de son illustre passé, aidé par le bonheur de retrouver une partie du casting de 1984, et referme les portes entrouvertes il y a 37 ans.

Mais c’est peut-être aussi ce qui donne l’impression que L’Héritage est bloqué dans une sorte d’entre-deux structurel, plus occupé à tisser des liens avec le Ghostbusters original qu’à développer ses propres personnages qui auraient sans doute mérité un peu plus d’épaisseur pour pleinement convaincre. Si d’un côté, on retombera donc avec un vrai plaisir dans la formule combinant humour, action et bons sentiments, on éprouvera de l’autre un sentiment étrange d’inachevé autant au niveau du spectacle proposé que de l’histoire racontée, sincère, drôle et émouvante, mais sans doute trop conventionnelle pour nous faire totalement retrouver notre âme d’adolescent.

Bien que très convenu et assez déséquilibré dans ses arcs narratifs, S.O.S. Fantômes : L’Héritage profite d’un véritable amour porté au film original (auquel il est intimement lié) dont il actualise la formule pour s’adresser aux nouvelles générations. Loin d’être parfait, il n’en reste pas moins une proposition vivifiante et sincère dans sa démarche, alliant un humour qui fait souvent mouche à une touchante et émouvante nostalgie.

Yannick Le Fur

Yannick Le Fur

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