Dead Space Remake : Retour vers l’enfer

S’inscrivant dans cette grande vague de remakes sévissant depuis quelques années, Dead Space fait peau neuve. A la charge des artistes de Motive Studios (Star Wars : Squadrons) de remettre au goût du jour ce monument du survival-horror qui avait fait vaciller Capcom à l’époque de sa sortie et qui a récemment servi de décalque au déséquilibré The Callisto Protocol. Si Dead Space a acquis ses galons d’indispensable dès sa sortie tout en densifiant son lore au grès de ses suites, ce qu’il proposait à l’époque fonctionne-t-il toujours aujourd’hui ?

Plutôt que de nous attarder sur le sujet quasi philosophique consistant à se questionner sur l’intérêt du remake d’un jeu qui a extrêmement bien vieilli, revenons justement sur les immenses qualités de l’œuvre originale. En 2008, lorsque sort Dead Space, le jeu de Visceral Games peut être vu comme une simple contre-proposition spatiale à la saga Resident Evil, le 4ème épisode étant d’ailleurs l’une des nombreuses influences de Glen Schofield, le Game Director du titre. Pourtant, dès ses premières minutes, grâce à son aspect hautement anxiogène, ses créatures difformes pouvant surgir de partout, sa violence exacerbée et un travail exceptionnel sur le son, Dead Space marque instantanément les esprits. Tout en étant plus souple qu’un Resident Evil, le jeu prend le contrepied de RE4 (plus porté sur l’action que ses prédécesseurs) en accentuant son aspect horrifique jusqu’au boutisme. En ressort un jeu extraordinaire mêlant parfaitement les deux éléments. Ce concept sera encore amélioré dans le deuxième épisode et malheureusement en partie sacrifié sur l’autel du multijoueur et autres évolutions maladroites de la formule dans Dead Space 3. Il n’en reste pas moins que le premier volet reste culte et que ce remake accentue encore plus ses immenses qualités, notamment à travers un lore approfondi.

L’expérience Interdite

Bien que l’idée ne soit pas de repenser entièrement l’histoire de Dead Space tournant autour du brise-surface USG Ishimura qui ne donne plus signe de vie, les développeurs de Motive Studios ont plutôt choisi la solution consistant à enrichir le matériau d’origine afin de densifier la narration. Le moins qu’on puisse dire est que le tout fait son petit effet grâce à plusieurs niveaux d’amélioration. Déjà, on retiendra le fait qu’Isaac puisse enfin parler, ceci lui permettant d’interagir avec les autres personnages. Ainsi, en lui donnant plus d’humanité, ces échanges apportent davantage de fluidité à la narration se reposant toujours sur un ensemble de logs audio/vidéo et autres textes afin de nous faire découvrir ce qui s’est précédemment passé sur l’immense vaisseau. On notera également l’idée assez intéressante consistant à intégrer l’Unitologie (la religion fictive de Dead Space et critique pas vraiment masquée de la Scientologie et autres religions sectaires) dans la vie d’Isaac à travers ses parents. Dommage toutefois que l’idée n’ait pas été plus développée à l’image des quêtes secondaires, peu nombreuses (trois seulement) dont une uniquement liée à la récupération de RIGs pour ouvrir des portes recélant moult munitions et argent.

A contrario, on appréciera les nombreux hologrammes de scènes passées ou certaines cinématiques supplémentaires dynamisant le récit tout en donnant un peu plus d’épaisseur à certains personnages. Il conviendra aussi de ne pas oublier la fin alternative, disponible en New Game + après avoir récupéré 12 fragments du Monolithe. Pas vraiment raccord avec ce que racontera Dead Space 2, elle se présente davantage comme une petite cerise sur un énorme gâteau bien copieux. Toute cette matière inédite crédibilise encore un peu plus cet univers fortement influencé par quantité de jeux et autres films à commencer par l’Event Horizon de Paul W. S. Anderson. Ainsi, en offrant à Dead Space un cadre et des personnages plus crédibles (toute proportion gardée) ou du moins plus vivants, on vibre davantage pour eux et ce jusqu’à l’ultime compte à rebours.

Beauté macabre

Pour appuyer cette narration, il fallait une forme à la hauteur et sur ce point, le jeu réalise un quasi sans fautes. Certes, on pourra pester sur des animations toujours un peu rigides (surtout en comparaison du récent The Callisto Protocol) mais ce constat est contrebalancé par une très belle gestion des lumières et effets de particules. Cet aspect, qui offrait déjà un caractère très marqué à l’original, prend ici une autre dimension grâce aux avancées techniques, au travail accompli en 2008 mais aussi au talent des équipes de Motive Studios. L’exploration du brise-surface en devient une fois encore fascinante d’autant que le travail sur les surfaces métalliques et organiques, amène une évolution de l’habitacle aussi glauque à parcourir que fascinante à découvrir. Le remake conservant bien entendu le gore outrancier de l’original, on appréciera encore plus de démembrer, découper ou empaler le moindre Nécromorphe. Un prérequis indispensable pour progresser et synonyme du fameux démembrement tactique au cœur de la communication initiale du jeu.

Il convient en parallèle de rappeler que ce remake améliore également l’un des aspects fondamentaux du jeu original : sa bande-son. Moins que ses musiques, sobres mais efficaces grâce, notamment, à des violons stridents grinçant dès que le danger se fait trop pressant, ce sont surtout les bruitages du jeu qui accentuent l’immersion. En jouant avec cet aspect, en optant volontairement pour des silences afin de rendre le danger plus effrayant, les développeurs ont ainsi réussi à créer l’effroi avec un simple son aussi terrifiant dans sa régularité que son écho se répercutant dans les coursives du vaisseau, les râles de Nécromorphes ou le bruit de gigantesques turbines assourdissantes masquant les sons des créatures alentours. En alternant les types d’environnements (les sections du vaisseau allant des quartiers de l’équipage aux bas-fonds du vaisseau réservés au forage et à l’activité minière) et les différents lieux (intérieurs de l’Ishimura mais aussi passages dans l’espace avec ces sons sourds créant instantanément une sensation d’étouffement accentuée par la respiration haletante d’Isaac au fur et à mesure que son air diminue), Dead Space Remake se montre aussi viscéral dans ses créatures difformes que son environnement sonore, une composante essentielle de tout bon survival-horror.

Mort ou vif

Le gameplay, lui, ne s’offre aucune réelle nouveauté et profite au mieux d’une plus grande liberté permettant de visiter à sa guise l’Ishimura. Ainsi, bien que l’aventure soit toujours découpée en chapitres, rien ne vous empêchera de revenir dans n’importe quelle section du vaisseau pour récupérer les collectibles manquants ou boucler les quêtes secondaires mentionnées plus haut. On saluera toutefois quelques passages repensés à l’image de la séquence des météorites à intercepter se déroulant ici à l’extérieur et demandant au joueur de recalibrer trois canons en visant les débris spatiaux. La possibilité de voler en Zéro G, ici plus centrale, permet également de se sentir plus libre, autant dans la façon d’explorer que lors des affrontements afin de prendre la tangente pour mieux anticiper une attaque de Nécromorphes voire l’intercepter grâce à la Stase ou les nombreuses armes à disposition toujours aussi complémentaires et délicieuses à manier grâce un excellent feeling ici aussi renforcé par un traitement sonore de haute volée.

On pourra cependant déplorer que Motive Studios n’ait pas intégré un retournement rapide qui aurait été bien utile lorsqu’on se retrouve submergé de tous les côtés. Il faudra alors user au mieux de ladite Stase pour ralentir ses adversaires et faire le ménage grâce aux tirs secondaires de nos armes, particulièrement efficaces. Au rayon des reproches, mentionnons également le fait que les coffres et armoires nécessitant un pass de level supérieur n’apparaissent pas sur la map, à l’inverses des portes nécessitant ce système d’ouverture. On pourra d’ailleurs trouver cette évolution de gameplay toute relative (le jeu original ne demandant que des points de force pour accéder aux endroits les plus intéressants) puisque nous forçant à faire plusieurs allers-retours au fil de la progression. Néanmoins, cet état de faits profite du SSD minimisant drastiquement les temps de chargements. Au final, bien que Dead Space Remake concerne un petit côté suranné dans sa jouabilité, celle-ci se montre suffisamment probante pour se retrouver complètement immergé d’autant qu’en jouant sur la propension des Nécromoprhes à surgir de n’importe quel conduit ou avec certains hologrammes se déclenchant automatiquement, le sentiment d’inconfort se montre omniprésent.

Le piédestal du monolithe

A l’instar de certains remakes sortis ces dernières années, à commencer par l’excellent Resident Evil 2, Dead Space revient sur le devant de la scène grâce à sa propre réactualisation en rappelant à quel point il est un jeu extrêmement important pour le genre survival-horror. En magnifiant la forme et en affinant le fond, Motive Studios rend désormais accessible au plus grand nombre le premier opus d’une saga qui aurait pu perdurer si elle ne s’était pas confrontée aux objectifs financiers de l’époque d’Electronic Arts. Socle solide, ce premier volet ouvrira la voie à une trilogie généreuse qui, certes, se perdra dans un troisième épisode quelque peu maladroit sans pour autant remettre en question l’avenir de la série et dont les fondations d’un quatrième épisode avorté peuvent se trouver sur le Net.

On ne peut donc qu’espérer que cette version 2023 de Dead Space trouve son public pour rappeler à EA les incroyables propriétés du diamant noir qu’elle a laissé couver pendant près de 10 ans et ne demandant qu’à être à nouveau mises à profit à travers le remake des deux autres opus et un prolongement de l’histoire. L’espace est infini et les terreurs qu’il recèle sont indicibles…qu’elles émanent ou non de l’Unitologie.

Intelligent dans son approche, le remake de Dead Space use des dernières avancées technologiques pour actualiser un jeu déjà exceptionnel à la base. Si on pourra lui reprocher quelques animations rigides (encore plus en comparaison du récent The Callisto Protocol), la forme de Dead Space est d’une précision chirurgicale, des effets de lumière ou de particules en passant par son impressionnant travail sonore. Mais c’est aussi sur le fond que ce remake étonne, que ce soit à travers l’approfondissement de son lore ou une plus grande liberté nous permettant d’explorer à l’envie l’Ishimura. Tout ceci contribue à faire de Dead Space Remake un jeu fascinant tout en confirmant, si besoin est, son statut d’œuvre culte.

Yannick Le Fur

Yannick Le Fur

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