Dire que Dead Island 2 nous aura fait mariner tient du doux euphémisme. Retardé maintes et maintes fois, la suite du premier volet sorti en 2011 sera passé par moult étapes avoir de voir le jour. Notre patience a-t-elle été récompensée ? Plutôt, oui, car derrière l’impression de déjà-vu se cache bel et bien le défouloir qu’on était en droit d’attendre.
En 2011, Dead Island voit le jour. Développé par Techland (le sympatoche Call of Juarez, Xpand Rally), le jeu propose de se balader sur l’île fictive de Banoi infestée de zombies. Gigantesque bac à sable tournant autour de son aspect coconut mais aussi et surtout son gore outrancier, son craft d’armes et ses combats au cac, le titre trouve son public au point que son éditeur, Deep Silver, va rapidement étendre le lore de sa franchise à travers divers épisodes, principaux comme annexes. C’est du moins l’idée sauf que ça ne va pas être aussi simple que ça.
Dès le départ, Deep Silver voit grand en offrant à Dead Island la possibilité de se décliner via plusieurs genres : Aventure/Action (Escape From Dead Island), MOBA (Dead Island Epidemic), Beat’em All (Dead Island : Retro Revenge) et même Tower Defense (Dead Island Survivors). Bien que tous ces titres soient sortis sur une période allant de 2014 à 2018, la série principale fait du surplace puisqu’on compte simplement une suite 1.5 (Dead Island Riptide) qui arrivera en 2013. Si Dead Island 2 est annoncé dès 2014, il mettra pas moins de neuf ans à arriver sur nos machines. En 2015, Yager se verra retirer le projet par Deep Silver, après avoir travaillé dessus pendant trois ans. Le Directeur général de Yager, Timo Ullmann, précisera plus tard que le départ du studio a eu lieu pour divergences d’opinions concernant l’orientation du projet. Aujourd’hui, il reste néanmoins, pour les plus curieux, quelques vidéos de la version de Yager diffusées sur YouTube. Du côté du développement, ce sont les Anglais de Sumo Digital qui le reprendront en 2016.
Ne manquant pas de rappeler chaque année que le jeu n’a pas été annulé, Deep Silver annonce en 2019 que le projet a encore une fois changé de mains. Bye bye Sumo Digital, hello Dambuster, anciennement Free Radical Design (TimeSplitters) puis Crytek UK (Crysis 3, Ryse : Son of Rome). Si on ne saura jamais pourquoi Sumo Digital s’est vu dépossédé du titre (l’ampleur du projet, des retards dans le développement, des différences de point de vue ?) Dead Island 2 voit finalement vu le jour en 2023 après avoir été à deux doigts d’obtenir le titre de plus grand vaporware de la décennie.
Entre respect et ambitions mesurées
Comme on pouvait l’imaginer compte tenu du parcours du combattant décrit plus haut, Dambuster Studios a conçu son titre sur les bases de l’épisode original en reprenant tout ce qui avait fait son succès. Toutefois, en cours de développement, les ambitions seront revues à la baisse, notamment en ce qui concerne le Multijoueur (initialement pensé pour 8 joueurs, il passera finalement à 3) ou bien encore la taille de la map. En effet, les développeurs avaient tout d’abord songé à permettre aux joueurs de sillonner la Californie à bord de véhicules avant d’opter pour quelque chose de plus « réaliste ». Au final, je pense que revenir à des ambitions plus mesurées est un mal pour un bien, et ce, pour trois raisons. Déjà, en choisissant cette voie, le studio s’est assuré de mieux maîtriser son sujet, de s’attarder sur ce qui compte vraiment dans Dead Island et donc d’éviter de s’éparpiller, chose que les développeurs n’avaient pas réussi à faire avec Homefront : The Revolution.
Ensuite, en resserrant la zone de jeu, cela permet également de proposer une histoire moins diluée qui, sans être éblouissante, n’en demeure pas moins intéressante en essayant de naviguer entre l’aspect délirant, induit par le gameplay et le ton d’ensemble, et quelque chose de plus sérieux. Enfin, les open world sont bien suffisamment nombreux de nos jours (qu’ils proposent ou non un univers mâtiné d’horreur) pour qu’on ne se sente pas lésés. D’autant plus vrai que l’aspect ouvert du jeu original (et les balades en véhicules associées) n’était déjà pas sa plus grande force. Néanmoins, pour palier à cette map plus étriquée ici découpée en dix zones nous faisant visiter les lieux les plus iconiques de Los Angeles (Venice Beach, Hollywood Boulevard, Beverly Hills, Bel-Air…), Dambuster s’est évertué à intégrer tous les éléments (ou presque) de Dead Island.
On a ainsi le choix entre six personnages, chacun avec des caractéristiques (de résistance, d’endurance, de santé max…) différentes, en plus de leur personnalité marquée. Cerise sur le gâteau, si les quêtes ne changeront pas en fonction du personnage choisi, la fin du jeu évoluera suivant le héros. Mentionnons également la présence de Sam B (comme NPC) afin de faire le lien avec Dead Island. Le bougre ne sert pas à grand chose mais on notera l’effort ou du moins le clin d’oeil.
Bien entendu, l’exploration se fera une fois encore sous couvert d’affrontements extrêmement gores. Cet aspect, ici poussé jusqu’à son paroxysme, bénéficie qui plus est du F.L.E.S.H. system (Fully Locational Evisceration System for Humanoids) synonyme de démembrements réagissant à l’arme utilisée et aux mouvements effectués. En somme, que vous tiriez à l’arme à feu ou utilisiez une arme coupante ou contondante, cela aura un impact direct sur la mort des zombies. Autant dire que les développeurs se sont fait plaisir puisqu’en plus d’avoir opté pour un démembrement réaliste (les mâchoires volent, chaque membre peut être découpé, il est possible de défoncer la tête d’un zombie en lui enfonçant son poing dans la caboche…), le fait d’utiliser des armes enflammées, électriques ou acides auront également un impact sur les chairs des ennemis.
Pour autant, Dead Island 2 reste, tout comme son modèle, un jeu complètement décalé et extrêmement fun, son aspect déjanté désamorçant cette ultra violence presque cartoonesque. Il est aussi intéressant de noter que Dambuster a choisi de rendre le tout moins punitif, chaque mort ne nous faisant plus perdre d’argent (indispensable pour les achats de matériaux notamment) à l’inverse de Dead Island et Riptide. D’un autre coté, ce parti pris minimise la difficulté générale et la tension qui aurait pu résulter de certains affrontements, contre des hordes notamment. Certes, on roulera la plupart du temps sur le jeu (encore plus lorsqu’on récupérera la Colère Sanguinaire boostant momentanément nos capacités) mais difficile malgré tout de refréner ce sourire en dégommant ces zombies de toutes sortes, qu’ils nous crachent de l’acide, nous foncent dessus toutes griffes dehors ou essaient de nous écraser en faisant jouer leurs muscles putrides et atrophiés.
Craft me if you can
Démembrer, c’est une chose, mais pour que ce soit bien fait, il vous faudra donc du matériel de qualité et des capacités hors normes. Ca tombe bien, Dead Island 2 propose tout un attirail ainsi qu’un système permettant de customiser sa façon de jouer de manière plutôt poussée. Déjà au coeur de l’expérience de l’épisode original, le craft refait ici surface dans une version plus poussée. La façon de procéder reste toutefois la même : On passe son temps à fouiller le moindre meuble, les valises qui traînent ou dépouilles de zombies, on récupère des matériaux et ne restera plus ensuite qu’à les utiliser pour créer des mods pour les armes que vous aurez au préalable acquis en explorant ou en résolvant des quêtes. Sauf que cette fois, les mods sont bien plus nombreux (trop sans doute) et vous permettront d’affiner votre customisation, certaines armes pouvant accueillir jusqu’à 5 mods/perks.
En substance, vous pourrez donc créer vous même les meilleures armes du jeu mais dans les faits, c’est surtout leur niveau de rareté (Inhabituelle, Rare, Supérieure, Légendaire) qui impactera sur les statistiques de base que vous pourrez améliorer en usant des mods. Certes, nous n’atteignons pas le degré de «loufoquerie» d’un Dead Rising mais il y a de quoi avoir de beaux joujoux. On pourra donc s’amuser à expérimenter mais c’est surtout la pléthore d’armes disponibles qui fera la différence : batte de baseball, épée, masse, pistolet à clous, poing américain, fusil à canon scié, hache, les armes se comptent par dizaines et on aura de cesse de switcher entre elles (grâce à un menu radial) pour une meilleure efficacité en fonction des adversaires. Bien qu’on puisse déplorer l’absence de tronçonneuses et autres scies électriques, Dead Island 2 se montre particulièrement généreux dans les moyens de répandre tripailles et viscères.
Au craft, s’ajoute également un système de cartes offrant des bonus passifs ou des mouvements supplémentaires. Si on s’y perd un peu à cause de leur nombre très élevé, il faut noter qu’en examinant les effets de chacune d’entre elles, il sera possible de se créer un deck sur mesures afin d’affiner les capacités de son personnage pour l’orienter davantage vers le cac, le combat à distance, l’usage de la Colère Sanguinaire, etc.
Plutôt complet dans ce qu’il met à disposition, Dead Island 2 propose finalement tout ce qu’on pouvait attendre de lui à commencer par une expérience primaire mais oh combien réjouissante. Offrant par ailleurs de très jolis environnements, mixant classique (égouts, métro), clinquant (maisons de stars) et touristique (la jetée, des studios de cinéma), le tout incite à l’exploration, qu’elle soit ou non pragmatique, tout au long des 35 heures qu’il vous faudra pour retourner entièrement le jeu. Une conclusion positive pour un titre enfanté dans la douleur.
Dead Island 2 revient de loin et on ne peut que féliciter Dambuster Studios d’avoir réussi à conserver l’ADN de l’original tout en proposant à son tour une aventure aussi fun et décomplexée que celle de son modèle. Bien que l’impression de déjà-vu soit forcément là, Los Angeles offre un terrain de jeu suffisamment vaste et intéressant pour qu’on y passe un long moment à démembrer du zombie dans une débauche de gore aussi ridicule qu’enthousiasmante. Sans avoir la profondeur d’un Dying Light 2 ou l’ambition du premier Dead Island, cette suite se nourrit de son concept basique mais oh combien jubilatoire tout en soignant son scénario, de série B mais pas si inintéressant que ça.