L’Or des nazis semble attirer les convoitises puisque deux films ont récemment traité ce sujet, autrement dit Blood & Gold (Netflix) et Sisu sorti il y a quelques jours sur nos écrans de cinéma. Très fortement inspirés par l’oeuvre de Quentin Tarantino, les deux oeuvres se revendiquent ouvertement de l’influence Grindhouse et Inglourious Basterds en offrant un spectacle gore, primaire et résolument jouissif.
Blood & Gold : L’élève trop sage
Blood & Gold, réalisé par Peter Thorwarth (Blood Red Sky), pose son action à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, en 1945. Un déserteur de l’armée allemande à la recherche de sa fille, Heinrich, va en chemin rencontrer Elsa, une jeune femme vivant avec son frère dans une ferme non loin d’un village recelant une cargaison d’or convoitée par les SS. Se prêtant mains fortes, Henrich, Elsa et les villageois vont se dresser contre les nazis bien décidés à récupérer l’or par tous les moyens.
Bien que l’histoire de Stefan Barth (scénariste de plusieurs épisodes de Le Clown et Alerte Cobra) tente d’apporter un minimum de contexte, parfois sous couvert d’humour, en offrant un peu de profondeur aux personnages, c’est malheureusement l’inverse qui se produit. En effet, si l’idée pouvait avoir du sens sur le papier, elle ne fait que parasiter une progression qui ne lâche jamais complètement la bride d’autant qu’elle ne peut compter sur des dialogues ciselés à l’inverse des œuvres de Tarantino. En résulte un film très sage, aux antipodes d’un Overlord ou Iron Sky, et qu’on aurait aimé plus virulent.
Dans Blood & Gold, tout est carré, classique, trop sans doute. L’intrigue s’empêtre dans son besoin de raconter quelque chose et ceci minimise grandement l’aspect fun de l’ensemble. D’autant plus dommageable que les personnages ne profitent pas d’un développement suffisant pour qu’on s’attache vraiment à eux. On aurait alors pu s’attendre à une critique du régime nazi à travers une réjouissante satire mais ici aussi, cet aspect s’avère très léger puisque cantonné à quelques dialogues (notamment en rapport au frère handicapé d’Elsa) ou aux exactions des nazis pillant les villages à l’orée de la fin de la guerre. Frustrant donc même si d’un point de vue formel, Peter Thorwarth soigne ses cadrages. On retiendra cependant une photo très homogène, assez fade, et des scènes d’action filmées en grand angle, lisibles mais timorées malgré quelques idées et plans bien gores.
En résulte un film n’allant jamais vraiment au bout des choses, autant dans son action que sa galerie de personnages. Certes, l’esprit Grindhouse est bien là, le tout évite de se prendre trop au sérieux, l’idée de miser sur un duo homme/femme est intéressant (d’autant que Marie Hacke s’avère très convaincante dès lors qu’elle vire badass) mais alors qu’on aurait pu s’attendre à un coup de poing, c’est davantage une gifle à laquelle nous avons le droit.
Sisu : De L’Or et du Sang – Un film à trois francs Sisu ?
Le postulat de départ de Sisu est peu ou prou le même de celui de Blood & Gold. A l’automne 1944, le dénommé Aatami découvre de l’or au fin fond de la Laponie. Après avoir récupéré l’ensemble du gisement, il décide d’aller le mettre en sécurité dans une banque, en ville. Flanqué de son fidèle toutou, il va croiser en chemin une bande de nazis avec qui il va devoir en découdre.
A la différence de Blood & Gold, Sisu embrasse davantage son concept bas de plafond, aussi bien dans sa progression, longitudinale et fluide, que dans son aspect gore. Il est d’ailleurs amusant de constater que dans les deux cas, des membres volent mais là où le tout reste «Grand public» dans Blood & Gold, le film de Jalmari Helander (les réjouissants Père Noël Origines et Big Game) y va franco en déversant des gerbes de sang par litrons. Cet aspect offre un aspect jubilatoire au film déroulant assez rapidement des moments de pure action mus par un Aatami revenant à la charge, tel un Terminator, après avoir été brûlé, pendu, noyé.
A partir de là, les soldats explosent, se font égorger, rouler dessus, le body count grimpe en flèche et le film se limite alors à sa fonction première : divertir en expurgeant son intrigue de tout rajout inutile, de toute intrigue parasite. Dans la grande tradition des John Wick (auquel il emprunte sa simplicité, son action viscérale…et son toutou) et autres Nobody, Sisu se nourrit de cette action débridée, primaire, afin d’installer un récit dont le manichéisme légitime toute cette débauche de violence graphique. Le film n’entend pas véritablement raconter quelque chose, encore moins moins donner des leçons de morale (c’est même tout le contraire), et préfère s’engouffrer dans une vendetta contre cette escouade de SS.
Ainsi, bien que le film ne profite pas, à l’instar de Blood & Gold, de la qualité d’écriture d’un Tarantino, il s’imprègne pourtant de la même radicalité, de sa narration sous forme de chapitres tout en intégrant des personnages charismatiques dont le héros de notre histoire incarné par Jorma Tommila campant un ancien héros de guerre au lourd passé et devenu depuis une légende. Le parallèle avec John Wick est ici encore plus fort et sert donc le propos d’autant que l’acteur finlandais s’avère parfait dans le rôle en se tenant toujours à la frontière du caricatural sans jamais tomber dedans. Et c’est en ça que Sisu s’avère jubilatoire. Ne déviant jamais de son concept régressif au possible, le long-métrage de Helander fonce tête baissée durant 1h30 et nous entraîne dans un maelström d’action bourrine en assumant totalement son concept. On pourra lui reprocher son manque d’originalité mais pour qui a été biberonné aux séries B, l’invitation est difficile à refuser.
Mélange entre la série B, le western et les films de Quentin Tarantino, Blood & Gold et Sisu s’imprègnent des mêmes codes afin d’orchestrer un savoureux jeu de massacre entre nazis et héros revanchard, indestructible et prêt à tout pour récupérer son bien. Si on devait en choisir un, j’opterai plutôt pour Sisu, aussi classique que Blood & Gold mais étant bien plus généreux, autant dans son action débridée que son aspect gore et profitant par ailleurs du charisme de Jorma Tommila.