Alan Wake II : The Lake House – L’art abstrait ?

Après un premier contenu assez décevant malgré un concept excitant, Alan Wake II profite d’Halloween pour sortir son deuxième DLC. Bien qu’Alan soit constamment cité, cette extension nous propose d’incarner l’agent Estevez qui va investiguer du côté de La Maison du Lac, un complexe de l’Agence menant diverses expériences pour contrer le romancier naviguant entre les différents univers. Tout un programme pour un résultat anxiogène mais pour le moins étrange.

Inviter le joueur dans un lieu clos pour susciter l’effroi n’est pas nouveau, pas plus que de le plonger dans l’obscurité en l’entourant de créatures cauchemardesques. C’est même le propre de la plupart des survival-horror, passés comme actuels. De fait, afin de rendre l’expérience plus intéressante, The Lake House s’est attaché à approfondir le récit. D’abord, pour donner un sens aux deux heures qu’il vous faudra pour boucler ce contenu et ensuite, pour densifier les connexions entre Alan Wake et Control pour cimenter un peu plus le RCU (Remedy Connected Universe). Le tout a du sens mais on voit d’ores et déjà les limites d’un tel procédé dans le cas présent.

En effet, The Lake House n’apporte finalement pas grand chose à l’univers d’Alan Wake et ce malgré quelques très bonnes idées à l’image des machines à écrire censées reproduire le style de l’écrivain pour influer sur la réalité et ainsi contrôler l’Ombre. D’un côté, ce DLC adopte une fois de plus cette dimension horrifique voire métaphysique en imbriquant le tout dans l’univers de Control via différents personnages, à commencer par l’agent Kiran Estevez travaillant pour Le Bureau, ou bien encore un teasing pour le déjà annoncé Control 2. L’idée est légitime mais ceci démontre avant tout la volonté de densifier le RCU plutôt que d’apporter une véritable extension à Alan Wake 2 par ailleurs ici totalement absent hormis via quelques lectures de documents. On ne sera donc pas surpris que The Lake House soit quasi indissociable de l’extension AWE de Control en reprenant même certains lieux iconiques de ce dernier. Bref, si vous n’avez fait ce titre, vous n’aurez clairement pas toutes les clés en main pour saisir toutes les subtilités du scénario.

A ce sujet, on notera également une des faiblesses déjà constatées dans Control et Alan Wake 2 synonyme d’une myriade de documents à lire. Avoir un lore passionnant est une chose, savoir l’installer, le raconter, en est une autre. A ce petit jeu, Remedy n’est clairement pas un bon élève à l’image de Guerrilla Games et leur saga Horizon subissant exactement le même écueil. On devra donc parfois se coltiner trois ou quatre documents (sur les 37 à récolter) à la suite pour en savoir un peu plus sur l’incident de La Maison du Lac impliquant les Marmont, couple de scientifiques menant des recherches sur la faculté de l’Ombre à utiliser l’art pour refaçonner la réalité.

Bien que la progression soit très fermée, puisque s’étalant simplement sur les cinq étages du complexe, il serait hypocrite de dire qu’on éprouve pas du plaisir à arpenter ces couloirs parsemés de visions de cauchemar, qu’elles soient sous formes de cadavres baignant dans des marres de sang, des immenses salles s’étirant à l’infini ou ces êtres difformes émanant directement de peintures. D’ailleurs, avant de venir à bout de ce nouvel ennemi, vous devrez dans un premier temps les éviter puis récupérer un lance grenades chargés de Pierre noire, la seule substance ayant un effet contre ces créatures. Une façon d’accentuer la tension tout en l’imprégnant d’action. En parlant d’action, The Lake House se veut l’antithèse de Night Springs puisque cette fois, les munitions et autres piles seront en nombre très réduit et ce malgré la présence de diverses scènes d’action contre plusieurs ennemis. Autant dire qu’il vous faudra bien gérer vos flares, switcher intelligemment entre vos armes en fonction des adversaires et surtout bien maîtriser l’esquive.

Les aspirations de ce contenu auront donc tendance à minimiser ce qu’aurait pu être The Lake House, autrement dit une vraie suite au jeu original. Cependant, on appréciera malgré tout la visite tant celle-ci milite pour un type d’horreur « Lynchesque » donnant cette personnalité si marquée au RCU. On naviguera donc ici entre l’excitation et la frustration tout en se frottant déjà les mains en imaginant déjà ce que pourrait raconter Control 2.

Après une escapade rendant hommage à The Twilight Zone, Alan Wake 2 revient avec ce contenu à une horreur plus prégnante, autant dans son ambiance sombre et sanglante que ses créatures ou bien encore son aspect anxiogène. Imbriquant à nouveau l’univers d’Alan Wake et celui de Control, ce contenu délaisse bizarrement l’écrivain au profit des membres du Bureau afin de teaser Control 2. Un partir pris étrange qui pourra laisser sur le bord de la route les fans de Wake n’ayant pas touché à l’autre saga de Remedy. Reste un second DLC à l’immersion réussie oscillant entre action soutenue et écrits métaphysiques mais qui aurait toutefois gagné à davantage penser son scénario afin d’enrichir la mythologie d’Alan Wake plutôt qu’à tracer des lignes multiples entre les deux sagas du développeur finlandais.

Yannick Le Fur

Yannick Le Fur

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