American Horror Stories S03 : Plus soporifique qu’horrifique

Mise à mal par la COVID, la Saison 03 d’American Horror Stories aura finalement attendu un an pour proposer la deuxième partie de ses épisodes (5 à 9). On aurait pu penser que cette attente aurait été salvatrice mais il n’en est rien puisque cette troisième saison montre une fois encore ses trop grandes faiblesses malgré la pluralité des sujets abordés.

Après une Saison 1 décevante et une Saison 02 encore moins bonne, American Horror Stories semble être vouée à rester dans l’ombre de ses concurrentes, que ce soit Black Mirror ou même Creepshow, fauchée mais oh combien plus jouissive. La S03 de la création de Ryan Murphy et Brad Falchuk aborde toujours autant de genres (horreur, thriller, légendes urbaines…) mais le fait avec un tel manque d’idées et d’énergie que le tout en devient consternant. Le plus ennuyant est que lorsque les scénarios semblent de prime abord intéressants, ils semblent tout le temps choisir la mauvaise voie et se plantent magistralement, sorti du petit dernier, Le Monstre Sous Le Lit, irréprochable tant dans son approche que sa réalisation. Malheureusement, cet épisode semble être l’anomalie de cette saison qui abuse de ses « créatures », pourtant réussies (BFF En Ligne, X), jusqu’à perdre tout effet dramatique. La Saison 03 se montre également terriblement frileuse dans son approche horrifique même si elle abuse des gimmicks propres au genre jusqu’à les rendre totalement caduques. De plus, en utilisant des idées déjà exploitées ailleurs (Bientôt De Retour, Daphne), la série supporte encore plus mal la comparaison à cause de scénarii peu convaincants et de réalisations généralement très plates. Malheureusement, quand d’autres essaient de sortir du lot à l’image de X et son noir et blanc, ce n’est guère mieux puisque l’effet apparait simplement comme esthétique plus que référentiel ou utile. Il faudra donc encore attendre un moment avant qu’American Horror Stories ne trouve sa véritable identité en optant pour des récits plus surprenants, plus impactants, meilleurs, tout simplement.

  • Episode 01 : BFF En Ligne
  • Durée : 52 minutes

Shelby est une fille mal dans sa peau. Elle vit seule avec son père depuis le décès de sa mère et se fait harceler dans son collège. Elle trouve alors refuge dans les vidéos d’une YouTubeuse par le biais desquelles elle fait la connaissance d’une certaine Bestie, fille affreusement défigurée qui va devenir sa meilleure amie. Va alors s’ensuivre une relation toxique qui va mener Shelby à aller à l’encontre de qui elle est vraiment. Ce premier épisode de la Saison 3 fait abstraction du fantastique pour se concentrer sur la relation entre les deux femmes et la façon dont Bestie va peu à peu prendre l’ascendant sur la psychologie de Shelby. Bien que l’atmosphère soit de plus en plus dérangeante (aidée en cela par le maquillage très convaincant de Bestie), l’épisode s’avère trop long en multipliant les échanges inutiles jusqu’à la rencontre avec le dénommé River. Paradoxalement, le dernier acte semble pressé d’en finir et nous offre une fin rushée peu convaincante.

  • Episode 02 : Daphne
  • Durée : 42 minutes

Celles et ceux ayant déjà vu Her, Ex Machina ou le récent Afraid seront en territoire connu avec ce deuxième épisode. On y retrouve un artiste, Will, bloqué chez lui pendant l’épidémie de Covid, qui accueille une sorte de Super Alexa répondant au nom de Daphne (doublée par Gwyneth Paltrow). Bien entendu, l’assistante virtuelle va passer de docile collaboratrice à véritable psychopathe fou amoureuse de son nouveau propriétaire. Ce segment ne réinvente malheureusement rien du tout et touche à peine du doigt les possibilités d’un tel concept (la bague connectée, le système d’aération…). On a l’impression d’avoir vu ça 1000 fois ailleurs, notamment dans Black Mirror, et si sa fin ambiguë est plutôt réussie (bien qu’un peu exagérée), elle ne sauve malheureusement pas cet épisode qui s’avère trop timoré dans ses idées.

  • Episode 03 : Ver Solitaire
  • Durée : 42 minutes

Vivian espère un jour faire la Une de Vogue. Pour réaliser son rêve, elle utilise un ver solitaire pour la faire maigrir et ainsi répondre aux exigences d’une agence de mannequinat. Commence alors une transformation aussi bien mentale que physique. Alors qu’on aurait pu espérer un épisode mettant à mal ce milieu et ses dérives, il n’en est rien. L’épisode trace timidement sa route en n’osant jamais aller du côté du body horror et s’avère être bien trop sage dans ce qu’il raconte et montre bien que certains maquillages soient ici aussi à féliciter. En choisissant également de ne jamais vraiment s’appesantir sur les origines du ver, le segment oscille d’un bord à l’autre jusqu’à sa conclusion sans véritable surprise.

  • Episode 04 : Organe Solitaire
  • Durée : 38 minutes

L’un des épisodes les plus faibles de ce début de saison, déjà pas bien folichonne, suit le dénommé Toby, homme à femmes, arrogant et prétentieux traitant la gente féminine comme du bétail destiné à lui procurer du plaisir. Après une nuit qu’il aurait aimé torride, il se retrouve avec un rein en moins et quelque chose qu’on lui a greffé qui grandit dans son propre corps. Que dire si ce n’est que son atmosphère avec son mystérieux groupe à la Eyes Wide Shut n’arrive jamais à passionner, la faute à des dialogues lénifiants et un sentiment d’angoisse totalement absent. Toby déambule de lieu en lieu pour savoir ce qu’on a lui a implanté et va se retrouver face à une machination qui le dépasse. Dommage que le tout tombe à plat, la faute à un scénario sans saveur et un casting n’y croyant pas vraiment.

  • Episode 05 : Arrières-boutiques
  • Durée : 39 minutes

Outre le plaisir de retrouver Michael Emporioli (Les Soprano), Arrières-boutiques embrasse son aspect fantastique de façon bien plus franche que les autres épisodes. Le résultat est d’autant plus convaincant qu’il s’appuie également sur la notion de culpabilité suite à la disparition du fils de Daniel. Si le scénario n’arrive pas toujours à faire la part des choses entre ce qu’il veut raconter et dénoncer, Arrières-boutiques profite malgré tout d’une ambiance se montrant parfois anxiogène grâce à l’aspect commun des lieux servant de décorum aux cauchemars pourtant bien réels du personnage et ce jusque dans sa conclusion aussi atrocement banale que métaphorique.

  • Episode 06 : Bientôt De Retour
  • Durée : 46 minutes

Reprenant peu ou prou le concept de l’excellent épisode 01 de la S02 de Black Mirror, Bientôt De Retour, Clone nous raconte l’histoire de Guy qui est confronté à la perte de son compagnon, David Woodrow Randolph, un milliardaire dont la volonté était de subsister sous la forme d’un clone. Après sa mort. Ce nouveau couple va bien entendu être le moyen d’aborder les thèmes du désir et de la jalousie avec, malheureusement, des scènes très classiques illustrant ces idées. Exit cependant les lois d’Asimov dont l’épisode élude le propos afin de dynamiser son récit malheureusement très conventionnel. On retiendra tout de même une fin surprenante et ambiguë aussi bien autour de la psychologie de David que de celle de son clone.

  • Episode 07 : X
  • Durée : 38 minutes

L’épisode 7 synthétise bien ce qui ne va pas dans American Horror Stories. En effet, malgré l’esthétique plutôt léchée, le plaisir de revoir un acteur issu du passé (Henri « Fonzie » Winkler) et une  « créature » réussie, le tout échoue à peu près dans tout ce qu’il entreprend. L’histoire débute pourtant de façon très efficace, dans un hôpital où débarque une patiente à l’expression figée d’effroi. S’en suit un jeu de cache à cache (peu crédible) avec une infirmière qui tire tellement sur la corde que ladite patiente ne suscite plus aucun effroi lors de ses trop nombreuses apparitions. De plus, le mystère autour d’un programme non officiel tombe également à plat tant le scénario grille ses cartouches dès le départ pour des raisons que je ne citerai pas ici. Enfin, entre un Noir & blanc faussement référentiel (à l’inverse par exemple de l’épisode Post Modern Prometheus de la S05 d’X-Files qui rendait un superbe hommage au Frankenstein de 1931) et une fin balisée qui ne surprendra personne, on reste sur notre fin d’autant que certains éléments ne sont tout simplement jamais expliqués.

  • Episode 08 : Lutin
  • Durée : 46 minutes

Reprenant la légende des Leprechaun (le titre original de l’épisode), Lutin mélange film de braquage et fantastique pour un résultat en dents de scie. Bien que certaines idées fassent lever un sourcil (l’escalier dans le coffre de la banque menant aux sous-terrains du Leprechaun), l’épisode ne s’en sert pas vraiment pour effrayer et après avoir « joué » avec sa créature, le fait de la montrer dessert complètement son dernier arc malgré une révélation qu’on qualifiera poliment de gentillette même si elle tente de moderniser quelque peu le mythe. Un énième coup d’épée dans l’eau pour un épisode aussi soporifique que dispensable.

  • Episode 09 : Le Monstre Sous Le Lit
  • Durée : 36 minutes

Un épisode totalement inespéré en guise de conclusion à cette très médiocre Saison 03 tant il met dans le mille à tous les niveaux. Reprenant la peur enfantine du monstre sous le lit, ce segment le modernise en le mélangeant avec un drame dans la grande veine de certains films d’horreur des années 80 à commencer par Shocker ou Les Griffes De La Nuit. Bien que le jeu de Debby Ryan (dans le rôle principal de Jillian) manque parfois de conviction et que l’emploi de Jeff Hiller (déjà vu dans l’épisode BFF En Ligne) ne soit pas la meilleure idée pour l’immersion, la réalisation de Courtney Hoffman rattrape ces faux-pas en jouant habilement avec sa créature jusqu’à sa conclusion teintée de cynisme et saupoudrée de social justice warrior. Un excellent épisode sachant entretenir le mystère et se payant même le luxe d’une fin assez cruelle.

Même si on ne s’attendait pas à une révolution avec cette Saison 03, force est de constater que le temps de gestation dû à la COVID n’aura servi à rien. Peu surprenante, rarement effrayante, toujours en dessous de ses modèles directs en terme de qualité, American Horror Stories s’enfonce dans les méandres de la médiocrité dont plus personne ne semble pouvoir l’en extirper.

Yannick Le Fur

Yannick Le Fur

À lire aussi...