Bien que Robocop ait depuis longtemps atteint un statut d’icône de la pop culture, on compte peu d’adaptations. Quatre long-métrages, deux séries TV en prise de vue réelle et deux en animation, voici pour l’aspect cinématographique et télévisuel. Du côté des jeux vidéo, c’est encore plus light puisqu’on dénombre simplement sept titres (dont un sur mobiles et un sur bornes d’Arcade) entre 1988 et 2004. Rogue City était donc très attendu par les fans bien que développé par Teyon, responsable du peu recommandable Terminator : Renaissance et de l’exécrable Rambo : The Video Game. Pourtant, au vu du résultat, on a envie de se dire que tout arrive car aussi étonnant que cela puisse paraître, Rogue City est de loin la meilleure adaptation vidéoludique du Super flic de Detroit.
Compte tenu de la radicalité de l’histoire ou de l’atmosphère poisseuse des deux premiers films, dont se revendique le jeu, tout laissait présager un résultat des plus bourrins nous demandant simplement d’aller d’un point A à un point B en zigouillant des hordes de punks. Si cet aspect du jeu est bel et bien présent et oh combien jouissif, ce qui étonne en premier lieu dans Rogue City est son envie de raconter une histoire en utilisant autant que faire se peut l’ensemble de ses protagonistes, de Lewis aux Forces de police en passant par le grand patron de l’OCP. Chaque membre du casting a son intérêt que ce soit à travers les missions principales ou celles secondaires, nombreuses, pas toujours équilibrées mais offrant au titre une véritable immersion.
DIRECTIVE N°1 : RACONTER UNE BONNE HISTOIRE
Se déroulant entre les deux premiers films, l’intrigue de Rogue City met en scène un mystérieux «Nouveau gars en ville » qui semble vouloir faire main basse sur le Vieux Detroit avec l’aide des gangs locaux. Tout en essayant de dénicher l’identité de ce nouveau caïd, Murphy ne tarde pas à comprendre que quelque chose de plus grand que le trafic de Nuke est en jeu. Poussant son investigation, Alex va également devoir affronter des souvenirs de son passé et découvrir qui il est vraiment : Robocop, le super flic de l’OCP, ou le policier revenu d’entre les morts. Jouant avec les thématiques du film, le titre de Teyon n’oublie pas non plus de saupoudrer son intrigue de ce cynisme omniprésent dans le long-métrage original, autant à travers les prises d’antenne des médias, passant allégrement de l’annonce d’un décès à celui d’un concours du plus gros mangeur de hot-dogs, que diverses compagnies vantant les mérites de leurs services via des pubs radio au ton plus décalé les unes que les autres. A ce sujet, ne passez à côté de ces dernières et allumez les radios quand vous en avez l’occasion. Dans le cas contraire, vous louperiez de véritables petites pépites d’humour noir.
Le développeur polonais parvient donc à nous étonner du point de vue de l’écriture car si celle-ci repose grandement sur l’héritage laissé par Verhoeven, on sent la volonté de bien faire, en imbriquant les personnages qu’on connaît à travers des intrigues inédites tout en ouvrant d’ores et déjà la porte à une suite qui aurait mine de rien l’occasion de se réapproprier le catastrophique Robocop 3 pour en livrer une version plus violente, plus immorale, dans la veine de celle des deux premiers films. Mais nous n’en sommes pas encore là. Rogue City profite donc d’une quantité non négligeable de quêtes principales pour faire avancer son intrigue en trois actes ainsi que de diverses quêtes secondaires. Si ces dernières sont forcément plus limitées, elles permettent de développer certains personnages à l’image de la jeune recrue Ulysse Washington qu’on prend plaisir à voir évoluer d’autant que certains de nos choix impacteront (de façon mesurée) sur la progression du policier. Le scénario de Rogue City tient la route, s’avère intéressant et c’est en soi une prouesse d’autant que la mise en scène très figée des dialogues (simplement synonyme de champ /contre-champ) et le niveau technique de ces dernières n’aident pas vraiment à l’immersion. Cependant, pour palier à cet état de faits, l’excellent doublage (profitant de la voix de Peter Weller, toujours aussi à l’aise dans le rôle de Robocop) et sound design (le bruit de pas si caractéristique de Robocop ou bien encore celui de son pistolet M93R sonnent toujours aussi juste) aident grandement, tout comme le fait de visiter plusieurs lieux cultes des films.
DIRECTIVE N°2 : PROPOSER PLUS QU’UN SIMPLE FPS
De fait, si dans sa construction, le jeu est très classique, il alterne toutefois entre des passages imposés par le scénario et une zone semi-ouverte où on reviendra à plusieurs occasions dans des versions différentes (jour / nuit / en pleine émeute). Ici aussi, c’est assez étonnant et appréciable puisque cela permet au scénario d’avancer tout en offrant aux joueurs la possibilité de prendre leur temps en optant pour des missions annexes ou visiter le Vieux Detroit afin de côtoyer la populace, mettre des amendes si on assiste à un délit voire même de procéder à quelques phases d’enquêtes parfois longuettes et mal pensées (puisque nous obligeant à faire plusieurs allers-retours entre divers lieux) mais apportant un peu d’originalité. L’idée est plutôt marrante mais aurait pu être davantage développée à l’image de la mission dans le commissariat nous demandant de prendre les dépositions et d’opter pour la «sentence» parmi trois choix possibles en se mettant plutôt du côté de la loi ou en se montrant plus tolérant.
Outre le plaisir d’évoluer dans des décors plutôt jolis, ces pérégrinations donneront aussi et surtout la possibilité de récupérer de l’EXP (en terminant une mission, en récupérant des preuves…), des puces ainsi que des cartes-mère. Comme dans beaucoup de titres, l’expérience vous mettra d’obtenir des points de compétence qui serviront à débloquer plusieurs skills : dash, possibilité de récupérer de la santé grâce à des boîtes à fusibles, mode Bullet Time, orientation des dialogues. Les possibilités sont suffisamment nombreuses pour avoir une véritable incidence sur la difficulté du jeu, plutôt faible (même en mode Extrême) hormis quelques passages assez retors contre certains boss ou des hordes de robots tueurs. Néanmoins, si vous désirez débloquer l’ensemble des compétences, il vous faudra automatiquement passer par le New Game+, ceci offrant une certaine rejouabilité d’autant que plusieurs skills permettent de transcender les gunfights en les rendant encore plus jouissifs.
Cet aspect est également amené par les cartes mère mentionnées plus haut qui vous permettront de booster certains aspects de votre stuff. De plusieurs types (proposant plus ou moins d’améliorations), vous ne pourrez toutefois en activer qu’une à la fois, l’idée étant donc d’opter pour la plus complète. Une fois ceci fait, vous n’aurez alors qu’à placer les puces (ici aussi de différents types liées à leurs connexions et à des pourcentages d’augmentation) afin d’atteindre les bonus qui vous intéressent. La petite astuce est qu’il faudra placer les bonnes puces aux bons endroits tout en évitant qu’elles n’activent des malus. Notons qu’il est également possible de fusionner des puces pour en obtenir de nouvelles. Malheureusement, la feature s’avère loupée puisque basée sur de l’aléatoire. Admettons que vous fusionniez trois puces à trois branches disposant d’un pourcentage de 25%. Vous n’aurez pas automatiquement une puce à trois branches de plus de 25% comme résultat. Au contraire, celui-ci sera des plus illogiques, comme par exemple une puce à deux branches de 18%. On laissera donc rapidement tomber cette fusion d’autant plus inutile que les puces à dénicher sont légion et bien suffisantes pour booster significativement la puissance de Robocop.
DIRECTIVE N°3 : SOIGNER LE GAMEPLAY
Au delà de son aspect light RPG plutôt bien digéré, Rogue City se repose aussi sur un gameplay extrêmement efficace synonyme de gunfights tous plus excitants les uns que les autres. Sur ce point, Teyon a fait de l’excellent travail et c’est un véritable plaisir de dézinguer du malfrat en faisant exploser les têtes ou en sulfatant décor et ennemis dans des ralentis rendant cette débauche d’action encore plus esthétique. Influencés par les gunfights de Matrix et ceux de F.E.A.R., les affrontements de Robocop : Rogue City prennent le meilleur de leurs inspirations tout en proposant un très bon feeling quelle que soit l’arme choisie. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la plupart du temps on utilisera celle de base tant elle est iconique et complémentaire des autres pétoires.
En effet, là où les autres armes (pompe, mitraillette, uzi…) seront à privilégier dans des endroits plus exigus afin de faire rapidement le ménage, le flingue de Robocop a de nombreux avantages à commencer par sa redoutable précision à longue distance. Ainsi, grâce à notre ciblage, on pourra très rapidement repérer tous les adversaires pour les flinguer dans la foulée. Le M93R est si puissant (d’autant qu’on peut également améliorer ses performances et qu’il dispose de munitions infinies) qu’on ne le laissera jamais de côté. Il s’avérera même plus efficace que certains fusils de précision ou pétoires plus modernes. Pour autant, comme je le précisais plus haut, le feeling des armes est tellement agréable qu’on ne se fera pas prier pour switcher entre tous nos joujoux ou même utiliser le combo dash/ralenti/coup de poing, tout simplement parce-que c’est fun !
Fun, c’est sans doute le mot qui définit le mieux cette nouvelle adaptation de Robocop, aussi ambitieuse que bourrine, aussi cynique que drôle, aussi immersive que nostalgique. Certes, le niveau technique fait parfois peine à voir (surtout durant les cinématiques), oui, Teyon a sans doute vu trop grand en n’arrivant pas toujours à concrétiser ce qu’ils avaient en tête, OK, il y a quelques éléments de gameplay mal pensés (le fait de dasher uniquement lors des gunfights et donc d’obliger le joueur à « trottiner » lors des phases d’explo) mais dans l’absolu, le jeu démontre aussi que le studio a appris de ses erreurs passées afin de proposer un produit allant plus loin que le simple FPS qu’il aurait pu être. La fin de Rogue City préfigurant d’ores et déjà une suite, on est très impatients de retourner à Detroit afin de casser du ninja cybernétique !
Ployant parfois sous le poids de ses ambitions, ne maîtrisant pas toujours sa narration, Robocop : Rogue City fait plusieurs faux-pas tout en conservant l’envie de proposer autre chose qu’un FPS lambda. La bonne volonté du studio (qui avait tout à prouver) fait donc plaisir à voir d’autant que les gunfights sont excellents et que l’histoire profite d’un fan service jamais intrusif ajoutant à une histoire assez classique mais s’intégrant plutôt bien entre les deux premiers films. Nous n’en attendions honnêtement pas tant.