Alan Wake 2 : Night Springs – Remedy nous la fait courte

Capitalisant sur la série fictive Night Springs, le premier DLC d’Alan Wake 2 rend à nouveau hommage à la série The Twilight Zone de Rod Serling en nous proposant trois histoires distinctes mettant chacune en avant un personnage diffèrent. Idée intéressante qui montre malheureusement très rapidement ses limites à cause d’une orientation des plus douteuses.

Il est difficile de comprendre ce qui a motivé le surplus d’action de Night Springs. Il est de notoriété publique que le survival horror est aujourd’hui un genre plutôt de niche bien que certaines exceptions (Resident Evil) soient toujours aussi populaires. Alan Wake avait pris le parti en 2010 de proposer une œuvre bien différente de celle de Capcom ou de Konami (Silent Hill) en ancrant son histoire dans un univers davantage influencé par Stephen King et des anthologies comme The Night Stalker, Au-Delà Du Réel ou The Twilight Zone. Psychologique, par moments intangible, la saga de Remedy revenait avec brio sur le concept même de création en extrapolant sur la notion de fiction et de réalité. Alan Wake 2 suivait donc logiquement lui aussi ce concept et est parvenu, malgré quelques grosses faiblesses d’écriture, à être aussi captivant et original que son grand-frère. On était donc impatients de voir comme le premier DLC allait densifier cette mythologie et le moins qu’on puisse dire est que la surprise est effectivement de taille mais pas nécessairement dans le bon sens du terme.

En proposant trois histoires distinctes de l’anthologie Night Springs, ce premier DLC nous met ainsi dans la peau de Rose, la serveuse du Oh Deer Diner, une « copie » de Jesse Faden, l’héroïne de Control, et le shérif Tim Breaker, vu dans l’histoire principale. Une chouette idée d’autant que l’ambiance de chaque épisode est également changeante. Ainsi, le premier épisode, La Plus Grande Fan, se montre décalé, autant dans son ton, grâce à la personnalité de Rose, que sa soundtrack guillerette tranchant avec son action non-stop synonyme de gunfights tonitruants rythmés par les explosions et les tirs de fusil à pompe. Le deuxième épisode repose principalement sur le fait d’incarner Jesse, privée de ses pouvoirs ici remplacés par un glock au moins aussi efficace. Le troisième épisode se concentre sur le shérif Breaker et tout en le liant à l’Episode 2, s’attarde davantage sur la recherche de Warlin Door, présentateur de Night Springs et sorte d’entité régissant le Multivers dans lequel évoluent les trois personnages.

Oui, Night Springs fait la part belle à cette atmosphère héritée de Twin Peaks mais joue paradoxalement sur les plates-bandes d’un actioner bas du front en inondant littéralement la progression de caches comportant objets de soin et munitions. On en viendrait presque à se demander si ce n’est pas une critique (maladroite pour le coup) des survival-horror typés RE où l’action l’emporte généralement sur le fond. Difficile à dire mais en rythmant l’avancée des trois épisodes par d’incessants affrontements ne proposant aucun challenge, Night Springs minimise l’immersion, l’empathie et s’enferme dans une redite gênante d’autant que le tout recycle des décors de l’histoire principale. On devra ainsi attendre l’Episode 3 (chacun d’entre eux pouvant se faire dans l’ordre voulu bien qu’il vaille mieux privilégier l’ordre chronologique) pour avoir droit à de vraies idées de mise en scène à l’image de ce passage en 8 bits, cette narration sous forme de BD revenant fugacement sur les événements de Control, cet aspect meta entre Sam Lake et Shawn Ashmore ironisant sur Quantum Break ou bien encore ce passage en ASCII. De par leur originalité, ces passages sont presque hors sujets tant le reste paraît classique et fainéant. Un comble !

En somme, ce DLC ne fait qu’effleurer ses thématiques à commencer par la relation fan/artiste ou bien encore son rapport au jeu vidéo qui sert la forme en imprimant de l’originalité au dernier tronçon mais sans réellement revenir sur l’évolution du média ou même l’aspect créatif pourtant au centre de la série. Ainsi Night Springs ajoute sa pierre à l’édifice du multivers de la saga tout en oubliant de creuser véritablement son sujet ou même lui adjoindre une dimension ludique suffisamment solide. Frustrant.

Malgré un concept anthologique accrocheur et quelques idées sympathiques, Night Springs se saborde de lui-même à cause d’une orientation action (synonyme de munitions et objets de soin quasi illimités) n’ayant aucun sens. En se sentant invincible, le joueur ne vibre pas pour les personnages et ce n’est certainement pas le fan service ou l’effleurement des thématiques de ce DLC qui minimiseront cet aspect.

Yannick Le Fur

Yannick Le Fur

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