Insomniac Games commence à bien connaître Spider-Man puisqu’en comptant Miles Morales, nous en sommes déjà à trois épisodes. Trois opus qui, certes, se ressemblent mais qui témoignent malgré tout d’une évolution significative de la saga autant dans la mise en scène que dans la volonté de s’intéresser à ses personnages. Spider-Man 2 ne déroge pas à la règle en se montrant une fois encore très juste dans les rapports entre ses divers protagonistes et le plaisir de jeu qu’il procure.
Tout comme avec Miles Morales, certains ne verront rien d’autre en Spider-Man 2 qu’une version 1.5 de l’original sorti en 2018. L’un dans l’autre, difficile de leur en vouloir voire même de leur donner complétement tort. Pourtant, lorsqu’on s’investit dans le titre, il en ressort une maîtrise totale de la mise en scène, du rythme et d’un gameplay entièrement dévolu au plaisir de la découverte. C’est un fait, si arpenter la Big Apple a des airs de déjà-vu (malgré l’ajout des quartiers de Brooklyn et du Queens), difficile de refréner un sourire tant tous les éléments s’imbriquent parfaitement les uns dans les autres, tant l’homogénéité de l’ensemble se veut synonyme d’émerveillement continu. Oui, Spider-Man 2 ne cherche jamais à réinventer la roue mais il serait hypocrite de minimiser ses nombreuses qualités et son envie d’améliorer la formule.
Ceci passe tout d’abord par un amour pour son personnage ou plutôt ses personnages, qu’il s’agisse de Peter, Miles, Mary Jane ou bien encore New-York, à la fois lieu de l’action et protagoniste à part entière de l’histoire qui ne sera pas tendre avec elle tant les scènes de destruction seront nombreuses et de plus en plus impressionnantes au fil du récit. D’ailleurs, dans la grande tradition du studio, le jeu débute par une introduction dynamique devant autant à son aspect hollywoodien qu’à la façon de nous prendre par la main en y injectant au fur et à mesure d’une course poursuite avec L’Homme Sable les bases du gameplay à venir. Parfaitement calibrée, cette séquence est annonciatrice de tout ce qui va suivre : un point de vue hollywoodien, un rythme millimétré et un aspect seamless entre cinématiques et gameplay synonyme de fluidité continue.
Spider-Man 2 est un blockbuster et si il renvoie à tout ce qui englobe ce terme (en bien comme en mal), il a également pour lui de poursuivre de façon logique l’histoire débutée en 2018. Ainsi, si le premier jeu s’articulait autour de Peter et son entourage, à travers sa Tante, ses amis et Otto Octavius, son mentor et futur Nemesis, le deuxième jeu intégrait de façon bien plus franche Miles Morales dont le destin tragique trouvera écho à celui de Peter. Logique donc que le titre fasse autant la part belle à l’un et à l’autre, du moins dans son gameplay nous permettant de switcher à la volée d’un personnage à l’autre. Outre les capacités (et très nombreux costumes) propres à chaque héros, c’est aussi à travers leur récit respectif qu’Insomniac entend créer la connexion entre personnages et joueurs tout en insufflant cette empathie indispensable pour un titre misant autant sur sa narration car oui, au-delà de sa dimension de super production, Spider-Man 2 est plus que jamais un jeu PlayStation.
En empruntant la voix tracée par Uncharted 4, The Last of Us et le premier Spider-Man, cette suite se veut aussi désireuse que son aînée d’insuffler de l’émotion en parallèle d’impressionnantes scènes d’action et d’excellents combats de boss. Pour ce faire, les scénaristes ont jeté leur dévolu sur Harry Osborn, ami d’enfance de Peter, qu’on voyait en fâcheuse condition physique à la fin de l’opus de 2018. L’idée a du sens mais il faut avouer que le tout s’avère moins réussi que l’histoire de Tante May, peut-être à cause de cette volonté d’imbriquer toutes les intrigues dans un tout se voulant homogène. Malheureusement, entre la maladie d’Harry, l’apparition de Kraven et le désir de vengeance de Miles désirant en découdre avec Mister Negative, le tout a parfois des allures de patchwork et à mesure qu’on progresse, l’émotion s’étiole malgré plusieurs passages très réussis à l’image de flashbacks revenant sur les débuts professionnels de Pete. Il faut aussi reconnaître à Insomniac cette volonté de proposer des intrigues matures et des personnages plus proches des comics que ne l’ont jamais été ceux du MCU. On retiendra également du scénario un traitement de Venom bien plus intelligent et respectueux que celui des déplorables films également sortis sous la bannière de Sony.
En parallèle de ces trames principales, il convient également de saluer le travail du studio qui est parvenu à proposer certaines quêtes annexes très bien écrites en abordant l’héritage musical des afro américains, en nous faisant incarner Hayley, l’amie sourde et muette de Miles, tout en teasant certaines choses excitantes pour le futur de la série. Si certains pourront sans doute lui reprocher son excès d’inclusivité, l’ensemble des protagonistes reste parfaitement intégré dans le récit, aussi bien à travers l’aspect estudiantin propre à Miles ou l’histoire plus adulte de Peter confronté à la maladie de son ami ou à travers sa relation avec Mary Jane Watson.
Pour cimenter l’ensemble, les développeurs californiens ont repris les bases de leur gameplay, déjà excellent, tout en l’améliorant afin d’accentuer les déplacements, les affrontements et l’infiltration. Si le dernier point évoqué reste encore trop anecdotique (surtout avec la possibilité de tisser des filins où bon nous semble pour se défaire des ennemis en silence), on retiendra des séquences de stealth avec Mary Jane plus intéressantes que celles de Spidey. Paradoxal mais témoignant du soin abordé à cet aspect qui n’était pas folichon dans le premier volet. En permettant cette fois à la belle de taser ses ennemis, en plus de détourner leur attention ou de les entoiler (si si), on prendra étonnamment du plaisir lors de ces passages.
La jouabilité, elle, se veut aussi intuitive que par le passé, autant lorsqu’il s’agit de survoler les grattes ciels de New-York que lorsqu’on doit combattre les Chasseurs de Kraven, gangs new-yorkais et autres ennemis robotisés. S’articulant autour de délits, challenges et autres missions, Spider-Man 2 déploie à nouveau des trésors de gameplay afin de maximiser l’expérience de jeu. OK, on retrouve la plupart des missions des précédents volets (poursuites de véhicules, affrontements en pagaille -parfois inutilement longs-) mais Insomniac a toutefois tenté d’apporter plusieurs nouveautés afin d’éviter que le tout ne s’enferme trop vite dans une action redondante, bien que jouissive. Outre des puzzles trop simplistes pour être vraiment intéressants, on retiendra les challenges en wingsuit mettant en avant cet élément de gameplay rendant encore plus virevoltants les déplacements en ville. Les challenges de Mysterio, bien qu’également centrés sur l’action, permettent de leur côté d’obtenir des jetons (indispensables pour débloquer des compétences ou booster nos gadgets) tout en profitant de très belles idées visuelles à l’image de celle du dernier défi aussi impressionnante qu’onirique.
Se reposant toujours sur la complémentarité des styles de Pete et Miles, le titre maximise cette idée en nous allouant à intervalles réguliers (lors de défis et/ou l’histoire principale) un compagnon synonyme de combos intervenants aléatoirement. Une façon de donner un coup de fouet aux affrontements toujours aussi énergiques grâce à un système de combat riche (easy to learn, hard to master) et une mise en scène bluffante. Ne nous y trompons pas, si Spider-Man 2 fonctionne aussi bien, c’est aussi et surtout grâce à la capacité du studio à mixer tous les éléments composant un jeu vidéo et ce de façon parfaitement huilée pour en sortir le meilleur. Maîtrisant à la perfection la montée en puissance de son histoire, de l’évolution de ses héros et de son terrain de jeu, le titre d’Insomniac sacralise ses protagonistes en prenant le meilleur du 7ème et 10ème art. Le résultat, non sans défauts (grosse impression de déjà-vu, histoire moins émouvante que celle de l’opus de 2018, certains ennemis sont de vrais sacs à PV) témoigne avant toute chose d’une véritable passion pour le Tisseur et de la volonté d’offrir aux joueurs un jeu bien calibré (trop diront certains), hollywoodien, et étonnamment mature dans sa narration.
Continuant ce qu’ils avaient entrepris avec les deux précédents volets, tout en teasant fortement le prochain, Insomniac nous offre un Spider-Man 2 qui perd en spontanéité ce qu’il gagne en intensivité, autant dans son gameplay que sa mise en scène. Le tout pourra sans doute diviser en fonction de ce que vous attendez d’une suite mais difficile de remettre en question le savoir-faire du studio, l’amour pour ses personnages et le plaisir généré par ce nouveau volet.