Une boucle temporelle, une fin du monde, une agence gouvernementale garante du devenir de l’humanité. Tout ceci aurait pu donner une série à mi-chemin entre Demain à la Une et Timeless et se terminer au bout d’une saison en passant totalement inaperçue. Sauf qu’il n’en est rien. The Lazarus Project (initialement diffusée en 2022 sur la chaîne anglaise Sky) brille à tous les niveaux et traite son sujet avec originalité et intelligence. Retour sur l’une des meilleures séries de genre du moment.
Très usité dans le milieu cinématographique et télévisuel, le voyage temporel est un élément qui a été abordé de façons diverses et variées par nombre de réalisateurs. De fait, difficile aujourd’hui d’utiliser ce concept sans tomber dans une certaine redite. Si The Lazarus Project ne réinvente pas la roue, il embrasse parfaitement son sujet en jouant avec ses codes à travers moult idées toutes plus intéressantes les unes que les autres. Cependant, les deux premiers épisodes, aussi bons soient-ils, ne laissent pas vraiment présager d’une telle qualité d’écriture émanant de la plume anglaise de Joe Barton n’ayant à son actif (notable) que la série Giri/Haji annulée après une seule saison.
Un air de déjà-vu ?
George est un gars sans encombre. Il vient d’obtenir un prêt bancaire pour l’application qu’il développe, il a une copine, Sarah, qui va avoir un enfant et qu’il compte bien épouser. Bref tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais un jour, George se réveille et tout lui semble familier. Vous savez, cette fameuse impression de déjà-vu. Si pour beaucoup d’entre nous, ceci s’arrête à l’état de sensation, chez George, le tout prend une tournure plus étonnante puisqu’il vient bel et bien de se réveiller six mois plus tôt. Ce postulat de départ, tout le monde ou presque le connaît tant il a été utilisé maintes et maintes fois. The Lazarus Project ne déroge pas à la règle en usant de prime abord des mêmes codes et si le premier épisode pose les bases avec un délicieux humour anglais (la blague du COVID), le deuxième verse davantage du côté de l’action à travers une course poursuite en plein Paris reconstitué (tant bien que mal) du côté de la République Tchèque.
En effet, George ne tarde pas à rejoindre l’agence Lazarus Project, une sorte de garant de l’ordre mondial qui après avoir découvert le moyen de revenir dans le passé, l’utilise pour empêcher des catastrophes de se produire. Une attaque terroriste meurtrière qui a fait des milliers de morts ? Une bombe nucléaire qui explose ? Un virus qui décime les populations ? Pas de souci, une fois le problème identifié, les équipes de Lazarus Project vont tout mettre en œuvre pour le résoudre et si ils échouent, retour à la case départ, il y a six mois. Jouissive bien qu’assez classique dans ce qu’elle propose au tout départ, la série passe la seconde dès son fantastique troisième épisode aussi intelligent que profond, aussi passionnant que dramatique.
Une seconde chance
Cet état de faits tient tout d’abord à un élément qui n’a l’air de rien dans la conceptualisation du retour dans le temps mais qui va pourtant prendre tout son sens dans la structure narrative de certains épisodes. Ainsi, dès le premier d’entre eux, la série intègre un concept original synonyme de sauvegarde. Tous les six mois, l’agence en effectue une à minuit, de sorte que si une catastrophe se passe après ladite sauvegarde et nécessite un retour dans le temps, les personnes conscientes de ce retour (en somme toutes le personnes du Project Lazarus) ne revivront «que» les derniers six mois. De ce postulat très inspiré des jeux vidéo, la série va en tirer de multiples possibilités en l’abordant de façon aussi bien comique que dramatique. Sans tout vous dévoiler, l’épisode 3 est un modèle du genre. Ainsi, tout en revenant sur le passé commun de deux agents, le scénario se concentre sur un heureux événement qui va vite devenir un effroyable cauchemar à mesure qu’on le revit encore et encore. Profond, émouvant, soutenu par des comédiens habités par leurs rôles, l’épisode s’évertue à décrire le long processus de remise en question des individus, ce qui importe pour eux, ce qui constitue leur vie future. Jouant avec la douleur psychique que peut engendrer ces multiples retours dans le passé, l’épisode est une véritable claque et s’inscrit dans une progression de saison parvenant avec une grande facilité à aborder plusieurs genres.
Certes, quelques plans à sfx ou décors censés représenter différents lieux pourront faire tiquer mais rien de suffisant pour sortir de l’intrigue d’autant que la série propose un fil rouge intéressant mettant en scène un ex agent dissident dont les motivations auront un impact certain sur George brillamment interprété par Paapa Essiedu à l’aise dans toutes les situations et qui déploiera toute une palette d’émotions dans l’épisode 5. Ici aussi, je me garderais bien de trop en révéler mais la série creuse son sujet en abordant des questions de fond et des choix moraux dont personne ne peut sortir indemne. Tour à tour drôle, étonnante et intense, cette première saison mixe tous ses atouts dans un final trouvant un subtile équilibre entre tragédie et second degré, comme pour nous rappeler ses origines tout en ouvrant la porte à une deuxième saison qui aura la lourde tâche d’aborder des pistes aussi originales tout en faisant évoluer ses personnages. On serait par exemple intéressé d’en connaître un peu plus sur l’agence en elle même ou bien encore la façon de retourner dans le temps, bien que ceci soit esquissé dans le dernier épisode. Gageons que Joe Barton saura trouver les réponses à ces questions et à bien d’autres.
Aussi brillante qu’étonnante, cette première saison de The Lazarus Project réussit un sans fautes (du moins sur le fond) en abordant le voyage dans le temps de manière intelligente et terriblement excitante. Servi par un excellent casting, une écriture précise oscillant entre humour, drame et action, le show de Joe Barton est un savoureux mélange de genres ayant l’envie de questionner son auditoire tout en lui servant une intrigue palpitante. Il y arrive haut la main, ses ambitions ne desservant jamais l’avancée de l’intrigue et le développement de ses personnages, bien au contraire.