Premier gros AAA à sortir en cette riche année 2020, Dragon Ball Z Kakarot a à priori tous les atouts de son côté pour briller auprès des fans : l’intégralité de la série Dragon Ball Z adaptée, plusieurs personnages à incarner, un aspect RPG, des combats très dynamiques, les musiques originales de l’anime ou bien encore des développeurs ayant fait leurs preuves avec Naruto. Sur le papier, Kakarot semble parti pour faire aussi bien dans son domaine respectif que Dragon Ball FighterZ dans celui de la baston. A l’arrivée, si le résultat est très loin d’être mauvais, disons que le tout oscille constamment entre nostalgie, excitation et frustration.
Analyser le succès de Dragon Ball au fil des ans revient à constater une chose pour le moins étonnante. A l’image des nouveaux venus, les fans de la première heure restent quoi qu’il advienne émoustillés à l’idée de toucher à un nouveau jeu basé sur la saga, quand bien même celui-ci adapterait une énième fois l’histoire qu’ils connaissent par cœur. Alors que certains jeux, comme Dragon Ball FighterZ, se basent sur un gameplay précis et une réalisation somptueuse intégrant intelligemment un fan service servant aussi bien la mise que les équipes qu’on choisit, Kakarot opte dès le départ pour une histoire centrée plus que jamais sur la nostalgie et l’envie de faire plaisir aux «Gagabaliens» à travers ses cinématiques, les musiques originales, les PNJ issus de l’univers Dragon Ball, etc. Pourtant, aussi étrange que cela puisse paraître, son envie de coller au millimètre près à l’anime s’avère être aussi bien une force qu’une faiblesse.
Il était une fois Dragon Ball Z
Débutant à l’arc des Saiyens et se terminant avec celui de Buu, Kakarot ratisse large. Si vous aimez les données chiffrées, sachez que si vous passez un peu de temps à régler quelques quêtes annexes et à faire un minimum de leveling en vue de certains combats plus ardus, vous devriez en avoir pour 35h environ avant de voir le bout de l’aventure qui s’avère on ne peut plus fidèle au manga et surtout à l’anime dont la mise en scène s’inspire parfois au plan près. Sauf que, aussi fidèle soit-elle, la réalisation s’avère bien moins percutante que celle de son modèle et ce pour de multiples raisons.
Déjà, au delà de la censure qui place Kakarot au niveau de Dragon Ball Z Kai et non plus de la série originale, le réalisateur a pris beaucoup moins de temps pour poser les enjeux, ceci minimisant complètement la dramatisation de la plupart des séquences. A l’inverse, on aura souvent le droit à des tunnels de cinématiques/dialogues un peu indigestes et desservant ici aussi l’équilibre de l’ensemble. A ce sujet, on retiendra une construction maladroite nous demandant de constamment voyager entre les lieux constituant la map, parfois pour une simple ligne de dialogue, ceci étant synonyme d’innombrables temps de chargement. Mentionnons aussi que certains passages cultes de l’anime qui profitaient de compositions inédites, afin de sacraliser l’instant, sont ici bien moins impactants, sans nuances, les musiques originales (parfois réarrangées de façon pas toujours très heureuse) laissant leur place à des silences la plupart du temps. Difficile d’expliquer ce choix (probablement pour des questions de droits) mais impossible de ne pas ressentir une énorme frustration devant le traitement très fade du sacrifice de Piccolo, la passe d’armes entre Freezer et Trunks ou bien encore la mort de C-16 servant de déclencheur à l’évolution de Gohan. Ensuite, on trouvera bizarre que certaines cut-scenes (celles de l’arc de Buu notamment) soient bien plus maîtrisées à travers des déformations de l’image et un aspect crayonné pour accentuer l’impression de vitesse ou la puissance des coups.
On regrettera aussi que CyberConnect2 ait complètement éludé certains événements qui auraient pu être propices à des mini-jeux ou des quêtes annexes intéressantes. On pensera notamment au voyage de Goku jusqu’à chez Kaïo ou celui vers Namek, ici réduits à quelques écrans fixes et/ou cinématiques. Etrange d’autant que les développeurs auraient pu utiliser les fillers de l’anime, pas toujours très heureux dans le cas de la série mais parfaits pour un jeu vidéo. On signalera tout de même la séquence du passage de permis, très drôle dans la série mais ici réduite à un mini-jeu sans aucune sensation de vitesse. La partie de baseball avec Gohan a aussi le mérite d’être présente sans pour autant être des plus mémorables puisque se résumant à appuyer au bon moment sur une touche pour renvoyer la balle le plus loin possible.
Quid également du chapitre du Trunks du futur qui pointe lui aussi aux abonnés absents malgré le fait que Bulma le mentionne d’une certaine façon durant le end game ? On pourra aussi reprocher au studio japonais de n’avoir proposé aucune quête annexe digne de ce nom, ces dernières se limitant à éliminer des ennemis ou à chercher des objets. Le seul intérêt de celles-ci consistera alors à rencontrer des personnages issus de l’univers Dragon Ball (Pilaf, Franky, Nam…), d’obtenir leurs emblèmes d’âme et de gagner de l’EXP. Ici aussi, on se demandera pourquoi CyberConnect2 n’a pas utilisé l’énorme vivier d’idées et d’ennemis issus des nombreux films et OAVS pour rajouter des quêtes plus variées. Par soucis de facilité ou pour proposer par la suite divers DLCs ? Possible. Finalement, aussi fidèle soit-il à la progression de l’anime, Kakarot se retrouve souvent victime de son besoin absolu de mimétisme quitte à expurger certaines scènes de ses sentiments initiaux, couplé à son envie de ne pas perdre de temps lors de sa narration.
Un Action-RPG un peu trop Vegetatif ?
Comme nous le disions dans notre preview, si Kakarot ressemble de loin à un Xenoverse, il se présente comme un véritable Action-RPG solo avec ce que cela implique ou du moins devrait impliquer. Au premier abord, le titre intègre ce qu’il faut : Exploration, évolution des statistiques, acquisition de nouvelles techniques et combats. Dans les faits, ça fonctionne plutôt bien, du moins d’un point de vue structurel. Ainsi, en progressant dans l’histoire ou en effectuant des quêtes annexes, on engrangera de l’EXP et on récupérera des orbes. Le premier élément nous servira bien entendu à monter de niveau et à faire grimper nos attributs tandis que le second nous permettra de débloquer des compétences passives ou techniques spéciales et d’améliorer ces dernières. Cependant, on trouvera un peu idiot d’avoir bardé les lieux de ces fameuses orbes multicolores puisqu’en combattant, en réussissant des missions annexes ou en progressant simplement dans l’histoire, il est possible d’en récupérer de grandes quantités. De plus, dès l’arc de Cell, vous pourrez, une fois récupéré les 7 boules de cristal, obtenir une énorme quantité d’orbes et de Zenis ou affronter à nouveau vos précédents adversaires. Bref, en plus d’une gamification minimisant l’immersion, l’intérêt reste limité.
Quoi qu’il en soit, si vous désirez débloquer certaines améliorations de l’arbre de compétences, vous devrez vous rendre dans une des zones d’entraînement (traînant ici et là) et affronter des adversaires de plus en plus puissants. Attention néanmoins car pour avoir le droit de combattre, vous devrez avoir en votre possession un certain nombre de Médailles D, obtenables en réussissant des quêtes ou tout simplement en les trouvant dans les lieux à explorer. Une fois la technique récupérée, il vous faudra aller dans la fiche de votre personnage, lui attribuer quatre attaques spéciales parmi celles en stock tout en choisissant également plusieurs capacités passives, jusqu’à huit une fois atteint le Niveau 70. Le problème est que vous devrez le faire pour les personnages jouables mais aussi ceux de soutien. Usant à la longue d’autant qu’il faudra utiliser un système de menus peu agréable à l’emploi et ne permettant pas, par exemple, de passer d’un personnage à l’autre lorsqu’on se trouve dans l’onglet des techniques.
En parallèle, CyberConnect2 a également ajouté le système de Tableau communautaire. Composé de sept sections vous permettant d’améliorer divers aspects (augmentation des points de vie, baisse du prix d’achat des objets, davantage d’orbes Z ou d’EXP remportées, puissance d’attaque augmentée…), ce système vous demandera de récupérer au préalable des emblèmes d’âmes. Chaque emblème (lié à un personnage qu’on rencontrera au cours de l’aventure ou en acceptant des quêtes annexes) aura son propre niveau lié à chaque section. En fonction de son niveau, il conviendra alors de le placer sur le plateau approprié et de créer si possible des associations spécifiques (Krilin+Yamcha+Goku par exemple) augmentant le niveau de la section pour débloquer toujours plus de capacités. Le tout peut paraître un peu obscur à l’écrit (surtout si on rajoute la notion d’amitié entre personnages et l’idée des cadeaux augmentant le niveau des emblèmes) mais dans la pratique, on prend vite le coup. Cependant, mentionnons qu’utiliser ce système n’est pas indispensable pour progresser, la difficulté étant assez relative surtout lorsqu’on a compris comment fonctionnent les affrontements.
Quid des activités annexes ?
Outre les quêtes annexes, que propose Dragon Ball Z Kakarot en plus de la quête principale ? Et bien, pas grand chose de trépidant pour être franc. Outre la destruction de tours et autres vaisseaux de Freezer, dans l’optique d’obtenir des objets supplémentaires, vous pourrez combattre plusieurs ennemis maléfiques, plus puissants que les ennemis de base et vous rapportant davantage d’EXP. Une fois occis tous les ennemis maléfiques d’une zone, vous pourrez alors combattre un boss et ainsi de suite jusqu’à avoir cleané tous les lieux pour avoir droit à une petite surprise.
On y trouve également quelques mini-jeux (pêche, baseball, courses) très oubliables. Vous pourrez enfin passer un peu de temps à mettre la main sur des pièces d’équipement pour construire des véhicules ou dénicher des aliments pour concocter différents repas. Dans le premier cas, cela vous aidera à faire de meilleurs temps dans les courses susmentionnées, dans le second, cela vous servira à obtenir des boosts temporaires de capacités. Intéressant en vue d’un combat un peu plus compliqué.
Ki est prêt à combattre ?
Dire qu’on attendait Kakarot sur ses combats est un doux euphémisme tant les développeurs s’étaient brillamment illustrés sur ce point à travers les Naruto Ultimate Ninja Storm. Bien qu’on reconnaisse le style du studio (notamment dans le dynamisme des joutes et les effets de lumière) et qu’il soit souvent jouissif d’enchaîner attaques au corps à corps et téléportation dans le dos d’un ennemi pour lui balancer une attaque spéciale, l’excitation du début laisse peu à peu sa place à une certaine routine autant dans les types d’affrontements que dans la façon de les appréhender. Cependant, il faut scinder les combats en deux catégories : d’une part, ceux, plus difficiles, intégrés à l’histoire et de l’autre, ceux liés à l’exploration. Dans les deux cas, la méthode ne changera pas vraiment même si il faudra veiller à toujours avoir le bon niveau avant d’affronter des ennemis communs pouvant être plus faibles, aussi forts ou plus puissants que vous.
Si comme je le disais un peu plus haut, le choix préalable des techniques et des capacités passives sera à ne pas minimiser afin de ne pas se retrouver dépourvus, vous pourrez lors d’un affrontement faire appel à des personnages de soutien, ceux-ci étant induits par le scénario et personnalisables lors d’interludes entre deux arcs. A ce sujet, n’oubliez donc pas d’augmenter le niveau de vos compagnons et de leur assigner des techniques afin de pouvoir les utiliser en plein combat, ceci se faisant naturellement par le biais d’une pression sur une touche de tranche et le bouton d’action associé à la technique voulue. Bien entendu, si ces personnages vous seront d’une grande aide (d’autant qu’il sera possible de lancer un Combo Z, une fois la jauge de Soutien pleine, pour un maximum de dégâts), c’est vous qui devrez faire le gros du travail. Pour y parvenir, pas de miracle, il vous faudra être mobile, ne pas hésiter à recharger votre Ki et à attendre l’ouverture pour placer vos attaques les plus puissantes.
Bien que les combats soient très agréables et qu’on ressente vraiment un sentiment de puissance, il est dommage que le tout ne soit pas un peu plus technique, le jeu incitant clairement à esquiver rapidement tout type de coup et à attendre le bon moment pour user de ses propres attaques énergétiques. Bien entendu, le dynamisme des affrontements aidant, on essaiera d’user de tout ce que Kakarot propose pour varier les plaisirs. Attaques au cac pour pouvoir profiter d’un gain de puissance momentané une fois remplie la jauge dédiée, brise-garde pour avoir une ouverture, téléportation, multiples transformations (Kaioken, Super Guerrier…), face à face énergétique pour peu qu’on lance une attaque au même moment que l’adversaire, les possibilités sont là mais quel dommage que chaque ennemi ne requière pas une façon de faire différente pour être vaincu. On trouvera bien quelques minuscules subtilités (notamment lors de l’affrontement final contre Freezer sur Namek ou celui contre Cell lors des Cell Games) mais rien de bien révolutionnaire. Les combats restent pêchus et procurent de bonnes sensations mais il y avait ici aussi matière à mieux faire. Un constat mitigé d’autant que certaines rixes (en 3V3) peuvent vite devenir brouillonnes lorsque la caméra décide de se bloquer derrière nous après avoir été projeté contre le décor suite à une attaque adverse soutenue.
Quand passion ne rime pas toujours avec réalisation
On ne boudera pas son plaisir en profitant des moments clés de l’aventure, on éprouvera une vraie satisfaction en découvrant les dernières transformations (Saiyan 3 et Vegeto) mais on ne pourra s’empêcher de constamment se dire que les développeurs nippons ont parfois confondu quantité et qualité. Ainsi, à trop vouloir proposer d’options, ils en ont un peu oublié l’intérêt de leur propre système de jeu, l’aspect culinaire (pour obtenir des augmentations passagères), la section R&D (pour construire des véhicules) ou même le Tableau communautaire pouvant par exemple être partiellement ignorés pour terminer l’aventure.
N’usant jamais vraiment totalement de ce qu’ils avaient sous la main (les musiques, les situations initiales, l’incroyable galerie de personnages), Kakarot se complaît également dans un niveau technique bancal, la beauté de quelques effets spéciaux ou cinématiques tranchant radicalement avec les lieux visités mettant parfois en avant de bien vilaines textures. De plus, entre des passages sous-marins très moyens et un univers manquant de vie (exception faite d’une ou deux grandes métropoles), on aura de moins en moins d’attrait à écumer chaque map pour essayer de compléter l’énorme encyclopédie du jeu recelant BGMs, fiches de personnages, bestiaire, etc.
Difficile d’émettre un avis tranché sur Dragon Ball Z Kakarot qui d’un côté comprend plus ou moins ce qu’on attend de lui mais qui de l’autre ne va justement jamais plus loin que son cahier des charges initial. Il est à parier que plusieurs défauts énoncés dans les lignes ci-dessus seront minimisés par l’arrivée de futurs DLCs mais en l’état reste un jeu certes plaisant, voire même parfois excitant, mais la plupart du temps frustrant car construit principalement sur du fan service faisant fi d’une quelconque once d’originalité.
En soi, rien n’est vraiment mauvais dans Kakarot et si on y trouve même quelques excellentes choses, beaucoup d’éléments s’avèrent malheureusement moyens. On éprouvera pourtant beaucoup de plaisir à revivre l’ensemble des face à face iconiques de la saga d’autant que les affrontements sont dynamiques et s’appuient sur une jouabilité instinctive. Malheureusement, entre des combats se ressemblant tous plus ou moins, un aspect RPG assez limité, une réalisation datée et une mise en scène fidèle mais manquant paradoxalement de dramatisation, le ressenti global s’avère très mitigé.