Première saison de l’anthologie Them, Covenant traite du racisme exacerbé anti Noirs sévissant dans les années 50. Marchant dans les pas du cinéma de Jordan Peele (Get Out, Us), elle s’avère aussi fabuleuse dans le fond que dans la forme et parvient à travers ses dix épisodes à mélanger satire sociale et Fantastique avec une véritable maestria.
Installant son intrigue en 1953, Them nous invite à suivre Henry et Lucky Emory, ainsi que leurs deux filles, qui décident de quitter le Sud des Etats-Unis afin d’échapper aux lois Jim Crow, synonymes de ségrégation et de limitations sociales entre Blancs et Noirs. Espérant trouver une plus grande tolérance en Californie, la famille ne va malheureusement pas tarder à vivre un véritable enfer sur une dizaine de jours, au sein de leur nouveau quartier de Compton, entièrement composé de Blancs voyant d’un très mauvais œil l’arrivée de ces «intrus».
S’articulant autour de ses dix épisodes retraçant chacun une journée, cette première saison dépeint un contexte social tendu tout en mélangeant les traumas de la guerre à la perte d’un être cher en passant par le rejet de l’autre. La première grande force de cette saison (se suffisant à elle-même) tient sans doute au fait que son créateur, Little Marvin, a brillamment réussi ce que Jordan Peele n’avait su faire avec sa version de The Twilight Zone, en trouvant le point névralgique entre entertainement, horreur pure et dénonciation, ces éléments se nourrissant constamment l’un de l’autre pour illustrer la folie ambiante, qu’elle émane de chacun des membres de la famille ou de leurs voisins, aussi pervers, effrayants et dangereux que les forces maléfiques se tapissant dans le sous-sol de la maison des Emory.
Parfaitement pensée et construite, usant au mieux de son intrigue bâtie sur une unité de temps réduite amenant un enchaînement rapide des situations, cette Saison 01 s’évertue à dresser le bilan d’une Amérique raciste dont les fondements mêmes semblent avoir puisé dans la religion la force de haïr son prochain dès lors qu’il ne lui ressemble pas en tout point. Ne laissant jamais aux spectateurs un moment de répit, Them subjugue autant qu’elle dégoûte, excite autant qu’elle interroge. Profitant d’une réalisation éblouissante évoquant par moments les cadrages de M. Night Shyamalan, chaque épisode participe à la déconstruction d’une nation, ou du moins d’une partie de sa population, en confrontant chaque membre de la famille à ses démons qu’ils soient ou non issus de leur imagination. De fait, la cellule familiale d’où émane l’espoir et la force de lutter au tout début, finira elle-même par s’écrouler sous le poids des tragédies du passé ou des hallucinations dont seront victimes les deux jeunes filles Ruby et Gracie. Impeccables dans leurs interprétations, à l’image du reste du casting, les deux demoiselles impressionnent, que ce soit Gracie persécutée par Miss Vera, terrifiante vision d’une ancienne maîtresse d’école, lors d’un cours de classe qui tourne au cauchemar ou Ruby, désarmante de tristesse lorsqu’elle annonce à sa seule camarade blanche qu’elle ne veut plus être cette personne laide et qu’elle souhaite plus que tout être comme elle.
Se situant le plus souvent sur la ligne médiane séparant le Fantastique du réel, Covenant, tel un funambule au-dessus du vide, ménage ses effets en ne cédant que très rarement à l’exercice facile du jump scare. La vraie terreur vient ainsi de ce quotidien aseptisé et de ce qui se cache de plus pervers derrière la façade de cette « American Way of Life » prônant l’ouverture d’esprit. Dès lors, au rythme des épisodes, la tension se fait de plus en plus forte, jusqu’à cette éprouvante scène d’Home Invasion de l’Episode 5 ou du somptueux Episode 9 remontant jusqu’aux prémices de l’histoire américaine, dans un magnifique exercice de style en noir et blanc, comme avait si bien su le faire la série Watchmen, tout en revenant sur les origines du mystérieux Black Hat Man.
Naviguant entre les névroses de Lucky et de son mari en proie à leurs propres visions d’épouvante, la série s’ancre dans une réalité malheureusement bien tangible en invitant l’Horreur à travers un sitting de mères au foyer devant la maison des Emory, de Forces de l’ordre pourries jusqu’à l’os ou d’un patron se délectant du pouvoir dont il dispose sur la personne d’Henry.
Ouvertement politisée, Them n’en reste pas moins subtile dans ses propos et parvient au final à conjuguer purs moments de terreur et discours engagé grâce à ses figures horrifiques, à l’image du Tap Dance Man, critique contre la pratique du blackface, très répandue à cette époque, sortes de reflets sinistres et cauchemardesques d’une Américaine blanche prête à tout pour défendre «ses» terres.
Violente, dérangeante, sans concession, Covenant nous met face à l’horreur subie par les Afro-Américains dans les années 50. Usant au mieux de ses métaphores horrifiques pour plonger dans les origines de la société américaine afin d’y dénoncer un racisme latent ne demandant qu’à exploser, cette première saison de l’anthologie d’Amazon Prime indispose autant qu’elle fascine. Visuellement somptueuse, terrifiante, engagée, Them prend le meilleur du cinéma d’épouvante pour en utiliser les codes afin de dépeindre une horreur bien réelle. Le résultat s’avère en tout point captivant.