Yasuke : Tout sauf historique

Dire que Yasuke était attendu tient de l’euphémisme. Fruit de la collaboration entre Netflix et le studio MAPPA (L’Attaque des Titans, Jujutsu Kaisen), cette série revient sur l’histoire, peu connue, de Yasuke, esclave africain ayant vécu au XVIe siècle. N’usant que de quelques éléments historiques, le réalisateur LeSean Thomas ancre sa série dans une sorte de Japon techno-féodal où guerriers usant de magie côtoient créatures démoniaques et autres mechas. Un parti pris original qui ne parvient malheureusement jamais à convaincre.

Marier Japon ancestral et fantastique est pour le moins courant dans le monde l’animation japonaise. Sorti en 1993, Ninja Scroll, le chef-d’oeuvre de Yoshiaki Kawajiri, faisant encore référence en la matière sera suivi par quantité d’œuvres de qualité, de Basilisk à Samouraï Deeper Kyo en passant par le très barré mais fort réjouissant Batman Ninja. Toutefois, l’idée de s’arrêter sur la vie de Yasuke aurait sans doute gagnée à être traitée de façon plus conventionnelle en se rapprochant davantage d’un Sword of the Stranger, afin de nous faire découvrir ce personnage. LeSean Thomas en a décidé autrement, entre autres pour palier au manque de matière narrative liée au peu d’informations qu’on connaît sur le samouraï. Toujours est-il que la transition entre historique et fantastique a du mal à passer d’autant que l’anime opte pour une construction à base de flash-backs nous renvoyant au passé de Yasuke (et sa rencontre avec Nobunaga) pour mieux revenir au présent afin de poursuivre une histoire manquant clairement d’enjeux.

Guère aidé par le court format (6 épisodes), Yasuke tente tant bien que mal de nous faire vibrer pour ce personnage aussi réservé que sabreur hors pair, en lui jetant en pâture une galerie de mercenaires et autres démons. Le problème est que dès son premier épisode, le scénario montre des signes évidents de faiblesse, du récit peut intéressant et extrêmement classique à ses personnages secondaires plus fades les uns que les autres. Les adversaires de Yasuke ne valent pas mieux tant ils manquent d’épaisseur et de charisme. A peine digne de la galerie de méchants de L’Homme aux poings de fer, à laquelle on rajoutera une sorte d’ancêtre de Bumblebee, les bad-guys dévoilent trop rapidement leurs cartes en usant dès le premier épisode de l’ensemble de leurs pouvoirs à travers un affrontement toutefois très impressionnant et parfaitement mis en scène.

Bien entendu, la vraie menace à venir ne tardera pas à faire surface mais ici aussi, rien que nous n’ayons jamais vu, l’ambition de la Daiymo locale étant qui plus est terriblement commun. Dès lors, difficile de s’immerger pleinement dans cet univers sous-exploité bien qu’harmonieusement dépeints via plusieurs paysages, Thomas étant a priori plus occupé à intégrer des mechas (provenant des invasions Mongoles) sur ses champs de bataille qu’à développer Yasuke condamné à ne jamais sortir de sa condition de guerrier monolithique hanté par son passé et son ancienne compagnonne d’armes Natsumaru.

De son côté, le studio MAPPA a fait du bon boulot, notamment lors des affrontements, tout en sublimant forêts et campagne japonaise via de très beaux panoramas mis en valeur par les compositions de Flying Lotus. Malheureusement, rien n’y fait, le format de la série est synonyme d’un énorme manque de dramatisation et ne parvient jamais à mettre en valeur héros comme ennemis de par une caractérisation, ces derniers étant simplement voués à servir de chair à canon. Les passes d’armes en pâtissent énormément au point qu’aucune d’entre elles ne marque vraiment à l’image de l’ensemble de l’anime ne pouvant tenir la comparaison avec Samuraï Champloo ou Afro Samuraï.

Malgré une animation de qualité, Yasuke accuse le coup sur quasiment tous les aspects. Scénario inexistant, galerie de personnages manquant d’épaisseur, absence de véritables enjeux, événements se précipitant sans une once de dramatisation, rien ne sauve vraiment la série de Netflix à l’exception de quelques séquences parfaitement chorégraphiées et animées. C’est bien peu compte tenu du potentiel qu’offrait le samouraï.

Yannick Le Fur

Yannick Le Fur

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