A 79 ans, Ridley Scott semble plus que jamais jouer sur deux tableaux si l’on en croit ses derniers films, de Exodus à Seul sur Mars en passant par Alien : Covenant. Alors que le réalisateur anglais semble par moment investi d’une mission en s’attaquant à des sujets liés à la religion ou scientifiques sur un ton plus léger, il semble se questionner encore plus sur le devenir d’Alien, saga qu’il a initié en 1979 puis qu’il a retrouvé en 2012 via Prometheus aussi impressionnant sur la forme que déséquilibré dans le fond. Alien : Covenant intègre donc logiquement les thématiques préférées du real anglais et ce pour le meilleur et pour le pire.
Année 2104, le Covenant, un gigantesque vaisseau spatial de la Weyland-Yutani traverse l’espace avec à son bord, l’androïde Walter (du même modèle que David), 14 membres d’équipage et 2000 colons. Sa destination, une planète au fin fond de la galaxie représentant un nouvel Éden pour l’humanité.
Suite à une avarie, l’équipage entend un curieux message provenant de ce qui semble être un véritable paradis perdu. L’occasion étant trop belle, ils décident alors de s’y poser. Malheureusement, ils ne tarderont pas à se rendre compte que les apparences sont bien souvent trompeuses.
Si le postulat de départ évoque fortement celui du tout premier Alien, ce n’est nullement innocent. En effet, après un Prometheus parfois jugé trop obscur et posé, Ridley Scott semble avoir entendu les critiques (aidé en cela par les exécutifs du studio) en optant pour une approche bien différente. Il va alors prendre un malin plaisir à précipiter, deux heures durant, ses personnages dans une course effrénée où les Xénomorphes ne seront pas le moindre des dangers.
De la science-fiction à l’horreur pure
Sorte d’hybride, à l’image de ses créatures, Covenant opte ainsi très rapidement pour l’horreur viscérale via des séquences fortes, parfaitement orchestrées, soutenues par une partition musicale oppressante et citant allègrement aussi bien le premier, deuxième que troisième film de la saga. On ressent alors la volonté de Scott de prendre le contre pied de ce qu’il avait fait dans Prometheus en offrant à ce nouvel épisode une tension de chaque instant renforcée par une action plus présente, évoquant le temps de certains plans la rencontre de La Chute du Faucon Noir et Aliens : Le Retour.
En résulte pourtant une étrange impression d’inachevé parsemée d’ellipses, donnant à penser que Scott était constamment pressé par le temps pour orchestrer son jeu de massacre tout en faisant progresser son récit nécessitant de dépeindre un univers trop vaste engoncé entre flash-backs explicatifs, scènes d’action et dialogues philosophiques afin de faire avancer coûte que coûte l’histoire.
Si l’une des premières séquences (l’éveil de l’équipage) est à ce titre très parlante, l’éclosion du Xénomorphe l’est tout autant, comme si ce passage terriblement iconique avait été intégré pour mieux lier Covenant à ses prédécesseurs en faisant fi de toute notion temporelle afin d’accélérer le rythme du film.
En résulte un film ne s’arrêtant jamais et très fidèle en terme de construction à la première quadrilogie, l’ensemble de l’équipage du Covenant étant bien entendu destiné à servir de gibier à un Xénomorphe plus féroce et agile que jamais grâce à l’utilisation de la CGI. Un bien pour un mal, la guest star étant moins impressionnante que ses homologues animatroniques d’Aliens.
Je crée donc je suis
Bien qu’on soit heureux de retrouver cette tension et ce stress inhérents aux premiers films, ce volet à donner plus d’épaisseur aux membres d’équipage afin de créer de l’empathie. Ce n’est malheureusement pas le cas et si Daniels, héritière d’une série de femmes fortes indissociables de la saga, prend la suite de Ripley sans en avoir le charisme, chaque altercation avec une créature est avant tout mu par le rythme soutenu du film afin de mieux revenir à l’histoire de David, fasciné par la notion de création, legs de Weyland, son père mais aussi son inspirateur dans ce qu’il a de plus pervers. On comprend alors l’importance de l’androïde, dès la toute première scène durant laquelle David commence à prendre conscience de sa supériorité vis à vis de son créateur, ou du moins à douter de lui.
Logique donc que plusieurs années après, l’enfant ait grandi, se soit remémoré les dernières paroles d’Elizabeth à la fin de Prometheus et se soit transformé en une sorte de docteur Frankenstein obnubilé par la vie, très loin en cela d’un Ash ou d’un Bishop. Offrant à Alien : Covenant quelques passages sublimés et contemplatifs, sortes de pauses à l’intérieur de cette guerre des tranchées entre créatures féroces et humains désemparés, David reste plus que jamais le point central du récit, reléguant le reste de l’équipage au rang de simples proies dont Scott semble quelque peu se désintéresser pour mieux revenir à ses monstres, qu’ils aient de l’acide ou du liquide synthétique dans les veines.
Au final, avec un montage au cordeau ne perdant pas une seule seconde, Ridley Scott réussit à installer une tension palpable, certes prise entre deux feux, mais offrant au long-métrage de purs moments d’horreur, de la première séquence sur la planète à la toute dernière minute. On regrettera cependant un dernier acte moins percutant, cousu de fil blanc et débouchant sur une conclusion qui ne surprendra personne.
Néanmoins, tout en répondant à toutes les questions laissées en suspens dans Prometheus, Covenant fait évoluer son récit pour laisser la porte ouverte à une éventuelle suite qui aura la lourde tâche de lier ces préquelles au Huitième Passager. Une vaste entreprise dont Ridley Scott, Neil Blomkamp ou un autre élu aura la lourde tâche de mener à bien.
Alien : Covenant a le mérite de nous éclairer sur la vision de Scott, désormais plus enclin à se ranger du côté de ses créatures (organique ou biomécanique) que celles de ses personnages. Une façon très sombre de voir l’avenir qui a pourtant le mérite de faire prendre à la saga une direction intéressante dans laquelle l’humanité devra plus que jamais lutter pour se faire une place parmi les étoiles.