Le temps où l’attente entre chaque Star Wars était aussi délicieuse qu’insupportable est aujourd’hui révolu. Disney ayant décidé de capitaliser sur sa juteuse franchise, les épisodes canoniques et les spin-off se passent désormais le flambeau afin que le spectateur puisse replonger dans l’univers de George Lucas à intervalle régulier. Après Rogue One, c’est au tour de Han Solo d’inaugurer les opus consacrés aux personnages iconiques de la saga.
Initialement dévolu aux talentueux Phil Lord et Chris Miller (La Grande Aventure Lego), Han Solo sera finalement confié à Ron Howard (Apollo 13, Inferno) qui aura la lourde tâche de reprendre le travail de ses homologues en effectuant plusieurs reshoots. Si on ne saura jamais vraiment la raison de la prise de bec entre les réalisateurs et Lawrence Kasdan (scénariste des Episodes V et VII), le fait est que Solo : A Star Wars Story porte l’empreinte de son réalisateur : sage, parfois efficace mais n’arrivant jamais à surprendre. Bien entendu, au delà du travail de Howard et de sa vision, le film doit également faire face à un épineux problème synonyme d’un personnage dont on sait tout ou presque. De fait, que raconter pendant plus de 2h15 (le tout aurait clairement mérité une bonne demi-heure de moins) qu’on ne sait déjà ? Une aventure trépidante de notre mercenaire au grand cœur auréolée de romance et d’action bien entendu. Rajoutez-y une louche de fan service et le tour est joué.
Une impression de déjà-vu
Le postulat du film n’est donc pas tant de nous raconter l’histoire de Han qu’on a appris à connaître en l’espace de plusieurs films que de revenir sur certains moments clés de sa vie. Le hic est qu’à l’inverse de ce que Lucas avait fait avec Dark Vador, dont l’histoire s’étalait sur toute la prélogie, de son enfance jusqu’à sa transformation finale en Sith, Solo doit se contenter (pour l’instant) d’un seul long-métrage se situant qui plus est quelques années avant l’Episode IV. Problématique d’autant que Alden Ehrenreich a peu voire aucun traits communs avec Harrison Ford, éternel Han Solo pour l’ensemble des spectateurs. L’identification est d’autant plus difficile à accepter que l’acteur est très souvent à côté de la plaque en terme d’incarnation. D’ailleurs, avouons que ce n’est pas le seul problème de casting, Emilia Clarke campant une Qi’Ra fade et intrusive au point de ne pas permettre au film de s’émanciper comme il aurait dû autant dans le ton que dans ce qu’il a à raconter.
On nous avait ainsi parlé de véritable western, ce qu’il essaie d’être au détour de quelques plans fugaces, mais alors que Rogue One se présentait comme un véritable Fort Alamo spatial, Solo verse très souvent dans le film trop conventionnel, parasité par une romance dont on se fiche éperdument, et ne mettant jamais correctement en avant le côté cabotin et intrépide de son héros. La faute à un script peu concluant perclus de maladresses à l’image de la deuxième rencontre entre Han et Qi’Ra, la sous-exploitation de Lando (Donald Glover) et les personnages de L3-37 (loupé voire dérangeant) et Beckett (Woody Harrelson) oscillant constamment entre une sorte de mentor et l’aventurier chevronné.
Difficile au final de s’intéresser à l’histoire servant de fil rouge et faisant état d’un vol de matière énergétique pour le compte de Dryden Voss (Paul Bettany). Le canevas scénaristique donnant parfois l’impression d’avoir été principalement pensé pour intégrer une kyrielle de clins d’oeil, on devra la plupart du temps se contenter de ce qu’on connaît déjà ou de ce qu’on supposait. De l’obtention du fameux blaster de Solo en passant par l’origine de son nom (totalement ridicule) ou sa première rencontre avec Chowie (malaisante à cause d’un trait d’humour superflu), le film avance péniblement en multipliant les références tout en tentant de faire progresser ses personnages jusqu’à un twist, lui aussi peu convaincant.
Efficace et pas cher, c’est Howard
Scénaristiquement, Solo : A Star Wars Story déçoit donc énormément mais est en partie rattrapé par sa réalisation. L’honnête artisan qu’est Howard exécute le tout sans grande conviction mais avec suffisamment de maîtrise pour maintenir le spectateur éveillé. Bien qu’on eût apprécié un rythme plus trépidant et davantage d’action, certaines séquences fonctionnent à l’image de l’attaque du train parfaitement orchestrée ou bien encore une séquence spatiale, haletante et esthétiquement superbe avec sa créature Lovecraftienne. Une bonne surprise surtout après la poursuite d’ouverture d’une mollesse à toute épreuve.
D’ailleurs, si le film s’avère beaucoup moins marqué visuellement que les autres opus de la franchise (sans doute à cause d’un budget plus réduit que ceux des épisodes principaux), et qu’il a bien du mal à acquérir une véritable identité, certaines astuces (pour mettre en avant différents décors à moindre frais) lui permettent cependant de sauver les meubles. On regrettera tout de même le passage terriblement brouillon dans les mines de Kessel amenant toutefois le fameux Raid plusieurs fois évoqué dans les précédents Star Wars.
Bien que correctement emballé par Howard, Solo : A Star Wars Story reste sans doute le film de la saga le plus dispensable à ce jour tant il n’apporte rien à la franchise. Constamment rattrapé par son manque d’ambition, son incapacité à nous raconter quelque chose de consistant et son fan service amené n’importe comment, on a bien du mal à croire que derrière ce résultat se cache le scénariste de L’Empire Contre-Attaque. Espérons que ce faux pas serve de leçon aux prochaines Stories qui devront avant toute chose bien mieux définir leurs sujets en amont…